Chapitre 1

Je m'appelle Jake.

Qui suis-je ? Parfois, je me le demande.

Je suis un gamin, un collégien, un gamin avec des cours à suivre et des devoirs à faire, des amis avec qui traîner et des parents. Je suis juste un enfant moyen, au moins en apparence. Normal. Ennuyeux, même.

Je ne suis pas particulièrement bon à l'école. Je me débrouille. Je ne suis pas un grand athlète. Je ne suis pas un génie. Juste un gamin. Si vous me voyiez au centre commercial, vous ne penseriez pas qu'il y a quelque chose de remarquable chez moi.

Mais il y en a.

Dans mon sang circule l'ADN de dizaines d'animaux. Oiseaux, insectes, mammifères. L'ADN flotte là, encapsulé, attendant que mon esprit le sollicite.

Et quand je le fais - quand je demande à l'ADN d'entrer en action - il le fait, de la manière la plus étonnante et impossible. Il me transforme. Il me change en animal. En oiseau ou en insecte.

Je rétrécis ou je grandis. Je perds ou je gagne en force. Mes membres, mes organes, mon visage, mes yeux, tout change. Je deviens cette créature.

Mon propre esprit continue de fonctionner. Je suis toujours moi, mais l'esprit de l'animal est là avec moi, aussi. Et il fonctionne, aussi.

Donc, en ce moment, vous vous dites probablement : Oh, il est psychotique. Il est délirant. Il devrait être dans une chambre capitonnée avec une perfusion de tranquillisants.

Je ne suis pas fou. C'est réel. Ça arrive. Pas seulement à moi, mais à mes amis : Marco, mon meilleur pote ; Rachel, ma cousine, la déesse de la guerre ; Cassie, la fille qui compte plus pour moi que moi-même ; Tobias, l'ami que je n'ai pas pu sauver de son propre destin bizarre ; et Ax, un Andalite, un alien.

Ce sont les Andalites qui ont inventé la technologie de morphing. Eux seuls la possèdent. Eux seuls peuvent prendre une créature normale et lui donner le pouvoir de devenir n'importe quelle créature.

Oui, maintenant je parle d'aliens. De plus en plus fou, non ?

Mais cette partie est vraie, aussi. La Terre est envahie. Pas ouvertement, pas avec des rayons Dracon flamboyants et des explosifs quantiques explosant. Ce serait contre-productif. C'est ainsi que les humains pourraient le faire : vite et fort et évident.

Mais les Yirks ne sont pas comme nous. Ils ne veulent pas de notre terre ou de nos ressources. Ils ne veulent pas de notre technologie pitoyable et arriérée.

Ils nous veulent. Nous. Ou du moins nos corps.

Ils veulent nos jambes et nos mains. Ils veulent nos oreilles et nos bouches. Ils veulent nos yeux.

À l'état naturel, les Yeerks sont des limaces qui vivent dans une mare liquide et absorbent les rayons Kandrona pour se nourrir. Mais l'évolution a joué un tour intéressant aux Yeerks. Lentement, au cours des millénaires, ils sont devenus une espèce parasite.

Ils ont trouvé les Gedds, une autre espèce sur le monde natal des Yeerks. Et avec le temps, ils ont appris à pénétrer dans le cerveau même des Gedds.

Dégoutant ? Bizarre ? Il existe une espèce de guêpe qui pond ses œufs dans le corps vivant d'une chenille. Quand les guêpes naissent, elles se nourrissent de la chenille. Elles dévorent la chenille vivante de l'intérieur.

Ça se passe sur notre bonne vieille Terre. Alors, qu'est-ce qui est bizarre ?

Quoi qu'il en soit, les Yeerks se sont étendus. Des Gedds aux Hork-Bajir aux Taxxons jusqu'à... nous.

Maintenant, ils sont ici. Et maintenant, ils prennent le contrôle des hôtes humains, entrant dans leur cerveau, les contrôlant, les rendant totalement impuissants.

Je sais. J'étais un Contrôleur. Je serais encore un Contrôleur si mes amis ne m'avaient pas sauvé et n'avaient pas affamé le Yeerk jusqu'à la mort.

Pas le premier Yeerk mort par ma faute. Pas le dernier.

Nous menons cette guerre presque seuls, moi et mes amis. Nous avons appris l'existence d'une race d'androïdes appelés les Chee qui nous aident de temps en temps. Nous avons appris que tous les Yeerks ne sont pas d'accord avec la politique d'expansion à travers l'univers. Et nous savons que, là-bas dans l'espace, en infériorité numérique, en sous-armement, se trouvent les Andalites, qui luttent pour repousser la marée Yeerk.

Mais la plupart des jours et des nuits, nous sommes seuls. Même avec d'autres personnes tout autour de nous, nous sommes seuls.

Assemblée. Pas un rassemblement de motivation, pas une conférence sur la drogue, pas une cérémonie en l'honneur de quelqu'un. C'était différent, et en fait, plutôt cool.

Le Roi Lion, le spectacle sur scène, était en ville. Certains des artistes étaient là, sur la scène de notre petit auditorium, pour donner un mini-spectacle.

Beaucoup d'élèves avaient grogné quand cela avait été annoncé. Vous savez : c'était beaucoup de temps à "rester calme, rester assis". Sans parler du fait que cela semblait un peu "jeune" pour nous.

Moi, j'aime le calme et l'immobilité. Ce n'était pas le cas avant. Mais maintenant, je suppose que chaque fois que je peux m'asseoir tranquillement, sans courir, sans morphing, sans terreur, sans cris, sans décisions horribles et conséquences horribles... je peux supporter de rester assis et d'écouter de la musique et de regarder de grandes girafes galoper sur scène.

J'étais environ quinze rangs en arrière. Marco était dans le rang devant moi, à gauche. Je pouvais voir le côté de sa tête, et il le savait, donc il s'amusait à faire bouger ses oreilles en rythme avec la musique.

Je ne voulais pas sourire, mais c'était tellement idiot que c'était drôle. Marco, naturellement, espérait que j'émette un bruit ou que je ricane pour pouvoir se retourner et me faire taire, plein d'indignation vertueuse.

Cassie et Rachel étaient quatre rangs derrière moi et à droite. J'étais presque sûr que Cassie dormait. Cassie mène une vie incroyable : l'école, la Clinique de Réhabilitation de la Faune où elle travaille à aider les animaux blessés, et bien sûr, être l'une des nôtres, ce qui est un travail à plein temps.

Rachel avait une sorte d'expression rêveuse sur le visage. On aurait dit qu'elle appréciait le spectacle. Seulement, j'avais remarqué que le gars assis à côté d'elle essayait de lui tenir la main. Et cet air rêveur, c'était Rachel qui se demandait quel doigt du gars elle allait casser.

Je suis retourné regarder le spectacle. C'était un assez bon spectacle. J'ai entendu un cri étouffé de douleur venant de quatre rangées derrière et à droite.

La fameuse chanson "Circle of Life" a commencé et les animaux de Disney gambadaient et chantaient et la musique montait et les oreilles de Marco faisaient des siennes et une voix masculine blessée disait : "Jeez, tu m'as presque cassé le doigt !" et puis tout s'est arrêté.

Tout.

Chaque son. Silence.

La musique. Silence.

Les acteurs dans leurs incroyables costumes. Figés.

L'auditorium plein d'enfants. Immobile.

Les seules choses qui bougeaient étaient les oreilles de Marco.

Le seul son était Rachel disant : "Presque ? Retente encore et je vais -"

Figé. Immobile. Sans mouvement. Tout et tout le monde.

Sauf nous quatre.