Chapitre 13

Deux heures.

J'avais deux heures.

Et après, ma vie pourrait tout aussi bien être terminée.

La curiosité naturelle du rat prit le dessus. Je n'essayai pas de l'arrêter.

Peut-être que les instincts d'évasion du rat remarqueraient quelque chose que j'avais manqué.

Nez frémissant, moustaches frétillantes, je courus le long des quatre murs du cube. Je m'arrêtai pour renifler chaque coin. Je me redressai et posai mes pattes avant contre chaque mur.

<Il n'y a pas de sortie, Rachel. Tu crois que je me donnerais tout ce mal pour construire une prison dont tu pourrais sortir?>

Je me précipitai là où David se tenait, regardant à l'intérieur. Nous étions nez à nez. Yeux dans les yeux.

<Tu as faim, Rachel ? Inutile de répondre. Je sais que tu as faim. Les rats ont toujours faim.>

Tattoo s'approcha du cube. Dans sa main, il tenait un sac en plastique. Il était rempli de nourriture pourrie. Méthodiquement, il commença à pousser des morceaux de carottes moisies et de viande verte à travers les trous d'aération. Des ordures puantes, pourries, grouillant de vers.

<Arrête !> criai-je.

<Essaie,> David encouragea. <La moisissure n'est pas si mauvaise une fois qu'on s'y habitue. Et plus vite tu t'habitueras à manger des ordures, plus tu seras heureuse. C'est ce que font les rats. Sauf, bien sûr, si tu es moi.>

Gris plaça un morceau de pain français frais à côté de David. Une grappe de raisins.

<Heureusement, je suis un génie,> continua David, en touchant négligemment le pain avec son nez frémissant. <J'ai réussi à m'élever au-dessus de ma condition. Bien sûr, je suis un rat. Mais je suis aussi le grand fromage.> David me regarda et ricana. <Tu saisis?>

Oui, pensai-je. Pur génie. Mais je ne dis rien.

David ne semblait pas se soucier de mon silence.

<D'autres rats doivent chercher leur nourriture eux-mêmes. Pas moi. J'ai d'autres pour faire mon sale boulot. Je n'aime pas aller dans des endroits où je sais qu'on me déteste. Et toi?>

<Je n'en sais rien,> répondis-je rapidement.

Pourquoi avais-je parlé?

Donné à David plus de matière à utiliser contre moi.

<Oh, je pense que si, Rachel. Je veux dire, allez. Tu sais que les autres te détestent. Tu sais qu'ils seront soulagés que tu partes. Que tu n'es plus leur problème. Qu'ils n'ont plus à s'inquiéter de ce que Rachel la dingue va faire ensuite.>

Je pense qu'il y a quelque chose de vraiment sombre en toi, Rachel.

<Tu ne sais pas de quoi tu parles.>

Je m'inquiète pour toi, Rachel. Je ne sais pas ce qui t'arrivera si tout se termine un jour.

<Oh oui je sais, Rachel. Tu es un problème. Les Animorphs ne peuvent pas te contrôler. Mais ils ne peuvent pas te tuer non plus. Donc mon plan brillant est la solution parfaite.>

Je jetai un coup d'œil à Cassie. Elle était accroupie, silencieuse. David avait tenu parole. Il avait ordonné à Tattoo d'ouvrir une prise d'air. Cassie pouvait respirer.

Respirait-elle plus facilement parce que j'étais hors du chemin?

David avait-il raison? Jake et Marco, Ax, même Tobias, seraient-ils soulagés?

Peut-être qu'ils le seraient. Peut-être qu'ils ne l'admettraient pas entre eux. Mais secrètement, au fond, peut-être qu'ils seraient soulagés.

Ouf. Rachel est partie. Au moins, c'est fini!

Je ne suis pas une sorte de cinglée!

Non! C'était injuste! Injuste. Injuste. Injuste.

Depuis le début, je n'avais fait que ce qui devait être fait. Ce que personne d'autre n'avait voulu faire.

Et quelqu'un était-il reconnaissant?

Reconnaissant pour tous les sacrifices que j'avais faits?

Non.

<Tu vois, Rachel, le problème avec les Animorphs, c'est qu'ils ne t'apprécient pas. Et ils ne t'apprécient pas parce qu'ils n'ont jamais compris qui ils sont. Ils n'ont jamais vraiment défini leurs objectifs. Tu ne peux pas atteindre des objectifs si tu ne sais pas ce qu'ils sont. Moi? Je sais quels sont mes objectifs.>

J'essayais de l'ignorer. Je tournais en rond, reniflais, faisais des cercles.

Mais il n'y avait pas d'échappatoire.

Pas du cube.

Pas de sa voix.

<Je vais tous les battre, Rachel. Les Animorphs. Maintenant, tu te dis probablement que c'est fou. Comment moi, un simple rongeur, pourrais-je vaincre une force de guérilla expérimentée avec une technologie extraterrestre de son côté? Mais mettons cela en perspective. Si une simple limace peut mener une invasion intergalactique, alors sûrement une paire de rats - dont l'un est un génie - pourrait au moins se tailler un petit royaume.>

Malgré moi, j'étais curieuse.

<Comment?>

<Si tu élimines les hôtes, tu peux éliminer les Yeerks. Ou au moins les effrayer hors de la planète.>

<De quoi parles-tu?>

<Je parle de la peste, Rachel. La peste bubonique. La peste noire. Les rats portent la peste. Et les rats peuvent entrer et sortir d'un laboratoire d'armes biologiques sans problème. Des laboratoires où il y a des flacons et des flacons de virus de la peste.>

<Tu exterminerais toute la race humaine !>

<Pas toute. Mais un pourcentage important. Peut-être la moitié. Et ce qui reste, nous pourrions le contrôler en menaçant d'une nouvelle peste. Imagine ! Moi, David, un rat, je serais la créature la plus puissante du monde. Armé d'une minuscule bactérie de peste bubonique et d'une armée de rats, je pourrais être plus meurtrier qu'un arsenal nucléaire.>

Tout d'un coup, j'ai réalisé que David n'était pas fou.

Eh bien, peut-être qu'il était fou, mais son plan ne l'était pas.