Chapitre 35 - Cassie

Les Mercora partirent. Et quand ils revinrent, nous leur donnâmes la bombe nucléaire. J'étais surprise par le vote final. C'était quatre contre deux, avec Rachel et Marco contre. Je suppose que Jake se sentait redevable de sa vie aux Mercora. Tout comme moi. Mais j'étais surprise par la façon silencieuse dont Tobias et Ax se joignirent à nous. Aucun d'eux ne dit rien. Ils votèrent simplement avec Jake et moi.

Les Mercora prirent l'arme et se précipitèrent vers leur dernier vaisseau. Je regardai par la fenêtre alors qu'il commençait à s'activer.

<Nous devons partir d'ici,> dit Tobias, parlant enfin.

"Pourquoi ?"

<Nous devons être très, très loin d'ici quand cette comète frappera.>

"Que veux-tu dire, quand elle frappera ?" demandai-je. "Les Mercora pensent que cela va fonctionner. Ils pensent qu'ils peuvent la fragmenter en petits morceaux qui brûleront en entrant dans l'atmosphère."

Tobias me fixait avec ses yeux froids de faucon. <La bombe nucléaire n'explosera pas. Ax l'a réparée pour qu'elle soit un pétard mouillé. Et il l'a arrangée de sorte que les Mercora ne le sachent qu'une fois qu'il sera trop tard.>

Je restais simplement là, à regarder. Nous étions tous sous le choc.

"Attendez une minute," dit Marco. "Si on ne l'utilise pas, on ferait mieux d'espérer que les Mercora le puissent ! Hé, génie, nous sommes ici aussi ! Cette comète frappe et nous sommes projetés cinq miles sous la roche solide. Ça va faire mal."

<Aucun temps pour expliquer maintenant,> dit Tobias. <Tout le monde se transforme en oiseau. Nous devons partir d'ici dans quelques minutes.>

"Tobias, qu'as-tu fait ?" demandai-je.

<J'ai fait ce qui devait être fait, d'accord ?!> cria Tobias, soudain en colère. <J'ai fait ce qu'il fallait faire. J'ai pris la décision, pour que personne d'entre vous n'ait à se sentir mal à ce sujet.>

"Tu dois expliquer ça maintenant," dit Jake d'une voix basse et soyeuse qu'il utilise quand il est vraiment en colère.

<Commencez à vous transformer ou je n'expliquerai rien,> dit Tobias. <Faites-le juste !>

Rachel commença à se transformer en son morphing d'aigle. Jake hésita, mais il y avait une force en Tobias que je n'avais jamais entendue auparavant. Jake commença à se transformer. Puis Marco. Ax. Que pouvais-je faire ? Je devais suivre. Je devais me transformer.

<C'est l'ère du Crétacé,> expliqua Tobias. <Fin du Crétacé, la dernière ère des dinosaures.>

"Et alors ?" demandai-je alors que j'avais encore une bouche humaine.

<Alors, que penses-tu qu'il leur est arrivé, Cassie ? Les dinosaures ont régné sur la terre pendant cent quarante millions d'années. Vous avez tous vu à quel point nous sommes faibles et sans défense à cette époque. Vous avez vu comment les seuls mammifères sont de petits rats, assez petits pour ne pas attirer l'attention des grands dinosaures. Alors, comment penses-tu que les dinosaures sont tombés et que les mammifères ont émergé?>

<Ils... ils ont évolué,> dis-je.

<Ouais, ils ont évolué. Mais l'évolution a reçu un sacré coup de pouce. Tu vois, il y a environ soixante-cinq millions d'années... vers maintenant... quelque chose - ils ne savent pas si c'était un astéroïde ou une comète, mais quelque chose - a frappé la Terre. Très fort. Assez fort pour remplir l'atmosphère de poussière, bloquer le soleil et entraîner un climat plus froid. Et c'est comme ça que les dinosaures sont morts.>

<Tu ne sais pas que c'est cette comète !> criai-je. <Tu ne sais pas !>

<Si, je le sais,> dit-il. <Personne à notre époque n'a jamais trouvé de fossile Mercora. Ce qui signifie qu'ils n'ont jamais prospéré, jamais peuplé la planète, jamais grandi au-delà de cette poignée, de cette colonie unique. C'est la comète. C'est le moment. Aujourd'hui est la fin des Mercora. Et aujourd'hui... aujourd'hui est la fin des dinosaures.>

Je voulais lui dire qu'il avait tort. Mais je savais qu'il avait raison. Je voulais pleurer. Mais j'étais devenue un balbuzard. Les oiseaux ne pleurent pas. C'était monstrueux, horrible.

Inévitable.

<Nous allons laisser ces gens, ces Mercora, nous allons les laisser mourir ?> demandai-je.

<Je suis surpris que toi, de toutes les personnes, ne comprennes pas, Cassie,> dit Tobias. <C'est plus que ces Mercora. La planète entière va changer aujourd'hui. Un million d'espèces vont commencer à mourir. Dans quelques semaines ou mois ou peut-être années, le dernier Tyrannosaurus va mourir. Et à cause de cela, d'autres créatures vont commencer à évoluer. Y compris...>

<Nous,> dis-je. <Homo sapiens. Homo sapiens, qui n'aurait jamais pu évoluer si les dinosaures n'avaient pas disparu.>

<Donc cette comète doit frapper,> dit Rachel.

<Oui. Cette comète doit frapper,> dis-je. Je détestais le dire. Je détestais penser que la petite colonie courageuse des Mercora allait être détruite. Mais c'était destiné à être un jour d'anéantissement, et je savais depuis le début que nous ne pouvions pas changer l'histoire. Tout cela s'était déjà produit. Soixante-cinq millions d'années avant ma naissance.

Ax dit, <Ils devront baisser le champ de force lorsque leur vaisseau décollera. Nous devrons être dans les airs, prêts à nous échapper.>

Il avait raison. Tobias avait raison. Je le savais. Mais ça me rendait malade à l'intérieur. Et je n'étais pas le seul.

<Vous savez, ces gars nous ont sauvés. M'ont sauvé,> dit Jake. <Je n'aime pas ça, fuir comme ça. Peut-être pourrions-nous les avertir. Peut-être pourraient-ils s'enfuir, quitter la planète.>

<Ils manquent de vaisseaux,> dit Ax. <Leur lutte avec les Nesk ne leur a laissé que ce vaisseau. De plus, que se passerait-il s'ils trouvaient un moyen de survivre ? Nous aurions modifié l'histoire de manière considérable.>

<C'est nul,> dit Jake amèrement. <Je ne laisse pas tomber les gens qui ont sauvé ma vie.>

<Tu n'as pas le choix, Jake,> dit Tobias.

<Le vaisseau est presque prêt à décoller,> dit Ax. Il avait surveillé avec ses yeux sur tige.

<Maintenant ou jamais,> dit Tobias.

<Maintenant,> dit Marco.

<Oui,> approuva Ax.

<Pas le choix,> dit Rachel, semblant plus conflictuelle que je ne l'aurais imaginé.

<Ouais,> dit Jake. <Ce n'est vraiment pas à nous de réécrire l'histoire.>

Je voulais rire. Nous agissions comme si nous prenions une décision. Mais Tobias avait déjà pris la décision difficile. La comète ne serait pas arrêtée. La seule question maintenant était : allions-nous fuir et essayer de survivre ? Nous connaissions la réponse à cela.

<Merci, Tobias,> dis-je.

Je ne sais pas s'il pensait que j'étais sincère ou sarcastique. Je n'en étais pas sûr moi-même.

J'ai ouvert mes ailes et j'ai volé.