Chapitre 12

"Aaaaaaaahhhhhh !"

Voler est incroyable. Monter sur les thermiques, sentir la poussée sous tes ailes, planer à travers l'immensité bleue du ciel.

"Aaaaaaaahhhhhh !"

Tomber tête la première de trois mille mètres de haut, sans ailes et sans rien qui ressemble à un parachute - pas aussi amusant.

Deux chasseurs Bug flottaient de chaque côté de l'avion, leurs faisceaux de pressurisation dirigés directement sur le fuselage. Je plongeai droit entre eux.

Un chasseur Bug me faisait face, l'autre était partiellement caché par l'avion. Les pilotes ne me virent pas passer en trombe.

Le vent martelait mon visage et enfonçait le rayon Dracon dans ma poitrine. Je serrai l'arme d'une main et étendis mes bras et mes jambes en étoile de mer pour ralentir la descente. Mon cardigan flottait au-dessus de moi.

Je devais me transformer ! Quelque chose de rapide. Avec des ailes.

Balbuzard pêcheur.

Je me concentrai sur la forme de l'oiseau. J'aperçus un mouvement du coin de l'œil. Utilisant mes mains et mes pieds comme gouvernails, je m'orientai pour mieux voir.

C'était un chasseur Bug, celui qui avait été en vol stationnaire à l'extérieur de la porte cargo. Il s'éloigna de l'avion, fit un demi-tour et plongea. Le corps hideux du pilote Taxxon se gonflait contre le pare-brise tandis que le vaisseau spatial fonçait sur moi.

J'évaluai la distance entre lui et moi et entre moi et la terre ferme qui se précipitait vers nous. Je pouvais terminer la morphose et plonger, peut-être le perdre près du sol.

Mais il me verrait. Il me verrait me transformer directement en balbuzard pêcheur, et il saurait que j'étais humain.

Cette petite révélation lui vaudrait probablement une promotion au rang de Visser Quatre.

Et condamnerait mes amis à mort.

Je frémis. Voilà mes choix : mourir. Ou tuer mes amis.

Ou -

Il y avait une autre façon d'éliminer le problème. Je glissai mon doigt sur la détente du rayon Dracon. Et c'était de... éliminer le problème. Je réunis mes mains au-dessus de ma tête, saisis l'arme, et visai.

TSEEEEEEEEEEEEEEEEEEW !

Le pare-brise éclata. Le Taxxon explosa comme un melon, projetant ses tripes à travers le ciel. Le chasseur Bug partit en vrille, un missile enflammé tournoyant vers la Terre.

Ka-PLOOOOOOOOOOOOOOSH.

Il explosa. L'explosion arracha le rayon Dracon de mes doigts et me propulsa en arrière dans une pluie de verre et de métal.

Je tournais maintenant, tête en bas. Ciel. Nuages. Terre. Nuages disparaissant. Terre s'agrandissant. Il fallait reprendre le contrôle ! Vite.

Je fermai les yeux et me concentrai. Ailes, serres, plumes. Mais surtout des ailes. S'il vous plaît, donnez-moi des ailes.

Les os craquèrent et se froissèrent. Mes épaules se tirèrent en arrière. Mes jambes se projetèrent en avant.

Sploooot ! Mon nez et ma bouche se projetèrent, la peau se durcissant en un bec.

Je sentis le cardigan se gonfler autour de moi. Je battis des ailes pour m'en libérer.

Je battis des ailes. Oui ! J'ouvris les yeux. Le cardigan fouetta mon corps rétrécissant. J'avais des ailes. Ou le début d'ailes. Un motif de lignes apparut sur ma peau, comme un tatouage qui se répandit sur mon corps avant de se transformer en plumes pleinement développées. Des plumes de balbuzard pêcheur.

Mes ailes se levèrent. Je m'élevai sur une poche d'air chaud, à seulement quelques pieds au-dessus des broussailles clairsemées en dessous. Je flottai un moment pour prendre mes repères, puis vidai l'air de mes ailes et piquai vers la Terre.

Le sol était rouge, aride et sans fin. Je planai bas au-dessus de la végétation, cherchant des repères. Une ville. Un panneau routier. Même une route. Quelque chose pour m'indiquer où j'étais.

Pffffffffffmmmmpp.

Un éclair orange.

Une vague de peur balaya mon corps d'oiseau.

Shuh-ROOOOOOMMMMMMMMMMFF.

Le son d'un avion, au-dessus et derrière moi.

Je fis un cercle. L'avion rugit loin de moi à travers le ciel. Le seul chasseur Bug restait, en vol stationnaire. Mes yeux de balbuzard pouvaient voir le professeur de gym entassé à côté du complot Taxxon. Elle agitait les bras et pointait. Vers le bas. Vers moi.

Je tournoyai et filai le long du sol, zigzaguant entre les buissons épars.

L'ombre glissa sur moi.

TSSSSSSSEEEEEEEW !

Je tournai. Il devait y avoir un endroit où se cacher. Quelque chose dans ce désert aride qui me protégerait.

TSSSSSSSEEEEEEEW.

La terre rouge explosa autour de moi.

Je dévié. Je pouvais sentir la force s'épuiser de mes ailes. Mon corps de balbuzard était fait pour planer et voler, et le pompage incessant si près du sol m'épuisait.

Je rasai le sol, au-dessus d'une touffe d'herbe, sous un buisson, autour d'un arbre maigre -

- et dans l'espace.

Je virai. C'était un ravin, étroit et profond, un lit de ruisseau asséché creusé dans la terre rouge plate. Je volai près de la paroi du lit du ruisseau, me faufilant sous un surplomb de rochers et de broussailles.

Une ombre assombrit le ravin, puis disparut.

TSSSSSSSEEEEEEEW !

Une explosion, plus loin dans le lit du ruisseau.

Je poussai mes ailes en avant. Baissai mes serres. Atterri sur un éperon rocheux.

L'ombre passa de nouveau, glissant sur moi dans la direction opposée.

TSSSSSSSEEEEEEEW !

Une explosion au loin. Ils m'avaient perdu.

La paroi du ravin était parsemée de petites cavités. J'en choisis une plus profonde et démorphosai.

Je me blottis dans la cavité et pris une profonde inspiration. Humain à nouveau, mais pas pour longtemps. Je pouvais entendre le chasseur Bug creuser des cratères à travers le désert. Mais mon esprit était concentré sur autre chose. Je fermai mes yeux fatigués et me concentrai.

Coudes et hanches frottaient contre les rochers alors que je rétrécissais à un point microscopique. Mon corps s'aplatit. Les os se dissolvèrent. Une paire supplémentaire de jambes poussa de mon corps blindé. Des tubes perçants jaillirent de ma bouche.

J'étais un parasite sans ailes, suceur de sang, aveugle et vorace.

Une puce.

Je me suis enfoncé dans le sable et j'ai attendu.