Chapitre 9

<Aaahhh !>

Je suis tombé de très haut. Ma vitesse et mon équilibre de tigre m'ont permis de me retourner, de viser mes pieds vers le bas, la queue tournant pour maintenir cette attitude.

J'ai touché le sol, encaissé le choc sur mes quatre pattes, roulé sur le côté, et je me suis relevé en grognant. Grognant contre rien. J'étais dans un tunnel vide. Sombre. Trop sombre même pour les yeux de mon chat. Mais je sentais beaucoup de choses, une odeur que je connaissais : Taxxon.

Je suis resté sur mes gardes, pas trop inquiet, mais certainement prêt. J'ai entendu un bruit... un frottement, un grincement... creuser !

Le sol s'est ouvert de nouveau sous moi et je suis tombé dans une cascade de terre, en bas, et cette fois pas d'atterrissage dur sur une surface plane. J'étais dans une chute, roulant, essayant de m'accrocher avec mes griffes acérées. Mais la surface était lisse, presque comme du verre. Et maintenant, je commençais à m'inquiéter.

Je n'ai chuté que pendant une trentaine de secondes environ, mais c'est un long chemin à parcourir sous terre. Finalement, la chute s'est terminée et j'ai de nouveau roulé sur un sol en terre.

<Marco ! Rachel !> Pas de réponse. Étais-je si loin sous terre ? Hors de portée de la pensée-parole ? Je pris un risque. <Marco, ramène tout le monde à la maison, c'est un ordre. Pas de discussion.>

Il y avait de la lumière. Faible, mais amplement suffisante pour moi.

Et il y avait des Taxxons : trois d'entre eux. Chacun portait un rayon Dracon dans une paire de pattes avant. Je pouvais en avoir un, peut-être deux. Mais trois ? Avant qu'ils ne puissent me tirer dessus ?

<S'il vous plaît, n'attaquez pas, nous ne vous voulons aucun mal.>

C'était de la pensée-parole ! Pas le sifflement et le crachotis impossibles à déchiffrer du parlé Taxxon. De la pensée-parole, et aussi impossible que cela puisse paraître, j'avais l'étrange impression que c'était une "voix" de pensée-parole andalite.

Je me figeai.

<Que voulez-vous ?> demandai-je.

<Vous parler, Jake.>

Il connaissait mon nom. Bien sûr, les Yirks connaissaient désormais mon nom, mais c'était tout de même un choc.

<D'accord, parlez. Vous avez les rayons Dracon, je suppose que je vais écouter.>

Le Taxxon qui parlait ouvrit ses pinces et laissa tomber l'arme Dracon. Les deux autres firent de même.

<Maintenant, nous sommes à votre merci, Animorphe. Cette morphose est plus que capable de nous tuer tous les trois.>

Je pris une profonde inspiration. <D'accord, parlons. Vous me connaissez. Qui êtes-vous ?>

<Je m'appelle Arbron. Je suis - j'étais un aristh andalite.>

<Vous êtes un Taxxon.>

<Votre ami Tobias est un faucon,> répliqua-t-il.

<Vous êtes coincé dans une morphose ? Vous êtes un Andalite morphé coincé en Taxxon ? Un nothlit ?> Je ne pouvais pas cacher l'horreur dans ma voix. Une chose d'être piégé en faucon. Mais être piégé en Taxxon ?

<Je suis un Taxxon,> dit Arbron presque fièrement. <Je le suis depuis plus d'années que je ne peux facilement compter. J'étais sur le monde natal des Taxxons avec deux Andalytes que vous connaissez. L'un était Alloran-Semitur-Corrass.>

<Visser Un ?>

<Pas à l'époque. Mais, oui, Alloran est devenu l'hôte involontaire du Yirk maintenant classé Visser Un. Il commandait notre mission. Alloran était un prince andalite avec le plus petit commandement possible : deux arisths insignifiants. Moi, et Elfangor-Sirinial-Shamtul.>

Je cessai de respirer. Était-ce possible ? Elfangor, le frère d'Ax ? Elfangor, qui nous a donné le pouvoir de morphose au départ ? Ce... cet être, quel qu'il soit, avait été un ami d'Elfangor ?

<Que voulez-vous ?> lui demandai-je.

Il s'approcha en traînant des pieds et je dus résister à la réaction normale de dégoût.

<Je veux être libre, Jake l'Animorphe.>

<Vous êtes un Contrôleur ?>

<Non. Je n'ai pas de Yirk en moi. Nous voulons être libres... nous voulons tous être libres... de la malédiction d'être Taxxons.>

<Je ne comprends pas,> dis-je, bien que je commençais à deviner.

<Le pouvoir de morphose,> dit Arbron, semblant maintenant presque désespéré. <Le pouvoir de morphose ! Vous ne voyez pas ? Si les Taxxons pouvaient morphoser, acquérir une forme plus bénigne et trouver un refuge sûr sur votre planète... devenir autre chose que ce qu'ils sont, échapper à la faim. Vous ne pouvez pas imaginer la faim... ils ont vu qu'il pourrait y avoir une meilleure voie. Le virus de la connaissance coule désormais dans leurs veines, ils réalisent qu'ils pourraient changer pour toujours !>

<Vous me dites que les Taxxons veulent... arrêter d'être des Taxxons?>

<Oui. Oui. Mon peuple a vu une meilleure voie... une issue à cette vie de douleur et de faim éternelles, une faim qui nous a rendus esclaves des Yirks.>

Je ne savais pas quoi dire. Trop de choses à assimiler. Une espèce entière voulant se transformer ? Et sûrement Arbron savait que nous n'avions plus le cube de transformation, que le Visser Un l'avait. Et de toute façon, Arbron devait savoir que ça ne marcherait pas sur lui. Pas sur un nothlit.

Comme s'il lisait dans mes pensées, Arbron dit : <Écoute-moi, Jake l'Animorph. Je suis le chef de ces, mes nouveaux compatriotes, depuis de nombreuses années. Nous avons combattu la faim, résisté autant que possible aux pulsions cannibales meurtrières. J'ai essayé de leur montrer une meilleure voie. Mais le besoin est trop puissant. La résistance finit toujours par céder, et nous retombons sous la domination des Yirks. Ils nous nourrissent, tu vois. C'est aussi simple que ça.

<Je sais que... je comprends la technologie de transformation. Je sais qu'elle ne peut pas me sauver, que je suis piégé à jamais. Mais elle peut sauver mon peuple. Et s'ils sont sauvés, je peux déposer mon fardeau de chef.>

Pas d'autre choix que d'être honnête, pensais-je. Je ne peux pas soutenir un mensonge. Je ne peux pas les tromper. <Je n'ai pas le cube de transformation,> dis-je.

<Nous le savons. Le Visser Un l'a, et il ne nous libérera jamais, jamais. Aucun Taxxon, ni même un Contrôleur Taxxon, n'a été autorisé à acquérir le pouvoir de transformation. Nous ne pouvons l'avoir, ne pouvons être libres, que si vous, et non les Yirks, êtes victorieux.>

<Et vous...> commençai-je, n'osant même pas terminer la phrase, c'était trop incroyable, les possibilités trop incroyables.

<Oui. Nous combattrions à vos côtés. Il y a mille sept cent neuf Taxxons non-Contrôleurs à la surface de cette planète et à bord du vaisseau-piscine. Et nous, les Taxxons, combattrions avec vous.>