Chapitre 6

Le soleil commençait à peine à se lever alors que nous approchions de la maison de Marco. C'était déjà aussi lumineux que le jour pour moi, bien sûr. Mais je pouvais tout de même percevoir la différence. Le ciel noir devenait gris à l'est.

Je me sentais bouillir de l'intérieur. Comme si la pression continuait de s'accumuler en moi. Comme si j'allais exploser.

Trop de choses tourbillonnaient dans ma tête. Tobias, mort. Peut-être Jake aussi. David, un traître avec tous les pouvoirs d'un Animorphe.

Et en même temps, nous avions la mission la plus importante de nos vies. Les chefs d'État étaient toujours en réunion. Les Contrôleurs, y compris le Visseur Trois lui-même, conspiraient toujours pour asservir les humains les plus puissants.

C'était trop. Beaucoup trop. Je ne pouvais pas penser à tout ça.

Une chose à la fois, Rachel, me dis-je silencieusement. Priorités : David était numéro un. Tout le reste était numéro deux.

David devait être arrêté. Avant qu'il ne puisse nous arrêter.

Mais malgré tout, quelque part dans le fond de mon esprit, ça me dérangeait que Jake ait envoyé Ax me chercher. Moi, spécifiquement. Une fois qu'il savait que des mesures extrêmes pourraient être prises, il a dit, "Va chercher Rachel."

Qu'est-ce que ça signifiait ? C'était comme ça que Jake me voyait ? Comme une folle, violente, prête à tout ?

Non, bien sûr que non. Il savait juste que j'étais bonne au combat. C'est tout. Ça ne signifiait rien.

D'ailleurs, n'était-ce pas vrai ? une autre partie de mon esprit argumentait. N'était-ce pas vrai ? N'étais-je pas justement la personne à appeler si on avait besoin de tuer un Animorphe ?

La maison de Marco. La fenêtre de Marco. Ouverte.

Ouverte ? Marco avait-il laissé sa fenêtre ouverte ? Oui, s'il était déjà sorti par là. Peut-être que c'était ça. Peut-être que Marco n'était pas à la maison, qu'il était déjà parti. Peut-être avait-il senti que nous avions besoin de lui.

Mais alors que je contournais l'arrière de la maison, m'approchant de la fenêtre, je vis Marco à l'intérieur, au lit.

<Ça sent mauvais,> dis-je à Ax.

<Tu as un bon odorat dans cette morphose?>

<Je le disais, tu sais, au sens figuré. Le Visseur Trois nous a tendu un piège. David en a tendu un autre. J'en ai assez de tomber dans des pièges.>

< D'accord.>

<Marco!> appelai-je en pensée. <Marco! Réveille-toi! Réveille-toi, maintenant!>

Je voulais le voir se réveiller et regarder autour de lui. Je voulais m'assurer qu'il était seul dans la pièce. Il dormait face contre terre. Il se retourna à moitié et donna un coup de pied dans les couvertures.

<Réveille-toi!> criai-je.

Soudain, il se redressa et regarda autour de lui. Il se gratta le visage. Puis il regarda encore autour de lui.

<Marco, c'est moi, Rachel. Je suis dehors. Es-tu seul dans ta chambre?> Il ne sourit pas ni ricana. Il hocha simplement la tête. Oui, il était seul.

<Okay, allons-y,> dis-je.

Ax était devant moi. Il plongea vers la fenêtre. Marco regardait, presque en souriant. Ses mains étaient derrière son dos.

Swoooosh! Ax traversa la fenêtre et -

Marco sortit ses mains de derrière son dos. La batte de Louisville fit un court et vif arc de cercle.

WHAM!

La batte frappa Ax en plein visage. Je vis un morceau de bec brisé voler, tournoyant comme des éclats d'une explosion.

Ax tomba sur l'herbe à l'extérieur. Marco riait doucement. Je vis ses côtés trembler.

Mais bien sûr, ce n'était pas Marco du tout.

David. David avait pris l'apparence de Marco.

Ax était allongé sur l'herbe, immobile. Marco/David leva un doigt. Puis un autre. Puis un autre. Un, deux, trois.

Il comptait combien d'entre nous il avait tués. Un, deux, trois : Tobias, Jake, Ax.

Mais. . . cela aurait dû être quatre ! Et Marco alors ?

Bien sûr ! Marco était encore en vie parce que Marco avait été humain. David l'avait dit lui-même : il ne prendrait jamais une vie humaine. Il ne tuerait que des animaux. Un faucon, un tigre, un busard. Pas un humain.

Alors que je regardais, je vis Marco/David commencer à se brouiller. Le nez et les yeux devinrent subtilement différents. Maintenant, c'était juste David. Mais il était encore en train de se transformer quand il se retira hors de vue.

Je devais réfléchir. David nous éliminait, un par un. Quel était son prochain mouvement ? Quelle était sa prochaine transformation ? Jake le saurait. Jake était le leader, pas moi.

Je devais rejoindre Ax. Non ! C'est ce que David voulait.

Non, je devais rejoindre Marco. Le vrai Marco, qui était probablement inconscient à l'intérieur de la maison.

Non, attends, ce n'était pas ça non plus.

Et puis l'aigle royal est sorti en battant des ailes par la fenêtre. Une autre des transformations de David.

C'était un contre un. Lui et moi. Aigle royal contre chouette. Il était plus rapide. Plus fort. Mais c'était encore surtout sombre et l'air était frais, sans la chaleur ascendante qu'il aurait plus tard dans la journée après que le soleil se soit levé et ait chauffé le sol.

Il était plus rapide et plus fort, mais la nuit m'appartenait.

Je me suis retourné et je me suis enfui. Il a suivi. Ax restait immobile sur l'herbe humide. Mais il respirait. Et à mon immense soulagement, il n'était plus entièrement un busard.

<Suis-moi, David,> dis-je. <Nous verrons qui gagne ce combat aérien.>

<Mots courageux,> ricana-t-il. <Mais tu es à moi. Tout comme cet oiseau-garçon à toi était à moi.>

Et c'est à ce moment-là que la pression en moi s'est évaporée. J'étais à nouveau froid. Froid comme un lac gelé. Je savais quoi faire. Et je voulais le faire.

Je ne devrais pas en vouloir à Jake de penser à moi, réalisai-je. C'est ce qui faisait de lui un bon leader : il nous connaissait tous. Il me connaissait.

<Pour toi, Tobias,> murmurai-je. Et je conduisis David vers sa perte.