Chapitre 17 - Rachel la méchante

J'étais en avance à la grange. Soudain, il me vint à l'esprit : je pouvais l'espionner ! J'aurais dû y penser plus tôt. Mais pourquoi s'encombrer l'esprit avec des questions du type « et si ? » ? L'avenir n'est pas mon problème. Vis pour aujourd'hui, combats pour aujourd'hui.

Je me métamorphosai en mouche. Pas aussi impressionnant qu'un grand rapace, peut-être, mais avec ses propres pouvoirs étranges.

Je le fis directement dans la grange. Pourquoi pas ? Il n'y avait personne d'autre. Ils venaient juste de sortir de l'usine à bâillements.

Je me tenais là, entourée de créatures sauvages : des ratons laveurs féroces, des oies agressives et des lapins qui... eh bien, il n'y avait pas grand-chose de bon à dire sur les lapins.

Je me concentrai sur la métamorphose.

Ma peau devint noire et croustillante. Vous savez, comme si j'avais été brûlée à la consistance d'une guimauve trop cuite ? Sauf qu'au lieu d'une consistance de guimauve molle, c'était comme un ongle.

Mon corps se divisa en trois parties. Ma tête devint une bille reposant sur un abdomen musclé. En dessous, ma taille se resserrait au-dessus d'un thorax qui grossissait et gonflait.

Mes bras devinrent des bâtons. Mes jambes s'étendirent encore et encore, de plus en plus minces et pourtant incroyablement fortes.

Deux nouveaux bras jaillirent de ma poitrine.

<Hah HAH !> Je riai joyeusement. <Que ma jumelle chétive essaie ça un jour. Elle deviendrait folle !>

Pendant ce temps, je rétrécissais et me ratatinait, semblant tomber vers des grains de sable qui devenaient des rochers et des brins de paille de la taille de poteaux téléphoniques abattus.

Soudain, mes yeux bleus se gonflèrent comme des ballons. L'iris bleu devint d'un noir scintillant. Mon globe oculaire lui-même se brisa en milliers de minuscules facettes, chacune étant une sorte d'œil séparé.

Très cool.

Ma faible bouche humaine, mes lèvres pâles et mes petites dents émoussées, devinrent le long tube aspirant de la mouche domestique.

Je testai mes ailes. Je fus en l'air en un instant. Un type de vol totalement différent de celui d'un aigle, bien sûr. Un aigle est un tueur. Une mouche ? Une mouche mange des crottes de chien.

Eh bien. Un chasseur, un tueur ; un soldat doit faire ce qu'un soldat doit faire.

Je volai, de manière sauvage et vacillante, emportée par n'importe quel courant d'air errant, mais je parvins à atteindre l'une des traverses d'une cage. Je m'y reposai, attendant.

Je n'ai pas eu à attendre longtemps. Mais ce ne sont pas mes amis qui sont arrivés les premiers. C'était un garçon qui semblait, à mes sens de mouche, être une explosion floue de lumières aux couleurs étranges.

Erek. Son hologramme n'était pas conçu pour tromper l'œil composé de la mouche.

L'androïde regarda autour de lui, éteignit son hologramme, et sembla n'être rien d'autre qu'un tas d'acier et d'ivoire. Les couleurs étaient toujours faussées - l'œil de mouche voit le spectre de couleurs différemment.

Si le Chee était ici à attendre, il avait des nouvelles. Des nouvelles importantes.

Créature pathétique. Il avait délibérément choisi de reprendre sa programmation pacifiste. Nous l'avions libéré pour être un guerrier d'une telle puissance que même moi je ne l'aurais jamais défié.

Et pourtant, dans son moment de gloire, ayant causé plus de destruction en deux ou trois minutes que nous n'en avions fait en des mois de missions. Ayant jonché le sol et barbouillé les murs et les plafonds de ses ennemis vaincus, il avait délibérément choisi de réintégrer la programmation qui l'obligerait à mourir plutôt que de causer du tort à une créature vivante.

Cela me dérangeait. C'était du gâchis. Et... et ça me dérangeait, c'est tout.

Peut-être que je lui demanderais. Plus tard, pas maintenant. Pourquoi ? Pourquoi ferait-il ça ?

L'hologramme du Chee s'alluma. La porte de la grange s'ouvrit. Jake menait le groupe. Ils étaient tous là, immenses, flous, teintés de violet, éclatés en centaines d'images. Ils parlaient en vibrations confuses qui faisaient vibrer les poils piquants sur mon dos. Ax démorphosa de l'humain à l'Andalite. C'était comme regarder une explosion au ralenti dans une usine de peinture, tellement colorée et étrange pour mes yeux composés.

Tobias entra par le grenier ouvert et se posa sur un perchoir élevé. Il était temps pour moi de commencer à agir comme une mouche. Tobias était un chasseur ! Un prédateur ! Je devais le traiter avec respect.

"Erek," dit Jake.

"Oui. Problème. Votre raid a échoué."

"On avait remarqué," dit Marco avec mauvaise humeur.

"Les Yirks déplacent le Rayon Anti-Morphing."

"Où ça ?"

Erek fit secouer la tête de son hologramme. "Je ne sais pas. Il y a un niveau de secret que même nous ne pouvons percer. Tout ce que nous avons appris, c'est qu'ils le déplacent. Et qu'ils sont très, très prudents pour le garder caché. Ils chargeront l'AMR à bord d'un camion. Trois camions partiront de l'Institut de Recherche Buyers. Ils prendront trois directions différentes. Un seul aura l'AMR."

"Trois camions ?"

"Trois camions. Trois routes," dit Erek. Il regarda autour de lui. "Où est Rachel. Ou devrais-je dire Rachels, au pluriel ?"

"Je ne sais pas si Rachel la folle a même eu le message," dit Cassie. "Elle n'était pas à l'école aujourd'hui."

"Oui, l'absence totale d'ambulances prouvait qu'elle n'est pas allée en cours aujourd'hui," dit Marco sèchement.

"Je dois y aller," dit Erek.

"Erek" - c'était Cassie - "quelque chose te dérange ?"

L'androïde hésita. "Non." Puis, "Oui, je suppose. C'est stupide, vraiment, mais c'est comme si j'étais jaloux."

"De qui ?" insista Cassie.

"De Rachel. La gentille. Elle l'a fait, n'est-ce pas ? Elle a trouvé le moyen de mener une guerre sans souffrir de la douleur. Elle prend tout le mal en elle et l'envoie faire ce qui doit être fait. Je suppose qu'il y a des moments où je souhaiterais... enfin, laisse tomber."

Il haussa les épaules. Personne ne dit rien. Le Chee partit.

< Bon, écoutez, > dit Tobias, parlant pour la première fois. < Avant que l'une ou l'autre des Rachel n'arrive, nous devons parler. Nous devons décider quoi faire à leur sujet. J'ai parlé à Ax. Il dit que peut-être — seulement peut-être — nous pourrions la reconstituer. >