Chapitre 12

<Oh ! Donc c'est la faute de Jake, après tout ?>

Je sursautai si fort que je me cognai la tête contre le plafond du cube.

David lisait dans mes pensées. Avait-il vraiment développé une sorte d'intelligence surnaturelle, comme il le prétendait ?

Anthropomorphisme.

C'est quand on attribue des sentiments, des motivations, des comportements humains à des animaux non humains. Ou à des arbres, des machines lourdes ou n'importe quoi de non humain.

C'est sentimental. C'est Nick Jr. Je n'aime pas m'adonner à l'anthropomorphisme.

Mais le David-humain était si présent dans le David-rat, je jurerais avoir vu de véritables expressions humaines scintiller sur le minuscule visage de rongeur.

Le David-rat souriait. Comme s'il avait marqué un point.

Le David-rat jouait avec ma tête.

Enfonçant l'aiguille là où il savait que j'étais le plus vulnérable.

La seule façon de riposter maintenant était de ne pas réagir.

Ne pas répondre.

Ne pas lui faire savoir à quel point il avait visé juste.

"Tu ne peux pas me battre sur le terrain psychologique," fanfaronnai-je. "Tu ne peux pas me surpasser dans la réflexion. Tu essaies de me démolir. Mais ça ne marchera pas."

<Nous verrons combien d'ego il te restera quand tu seras en morph de rat en permanence,> grogna David. <Morphe en rat.>

"Ou sinon quoi ?" lançai-je. "Ou sinon tu me tueras ? Je préférerais être mort que passer le reste de ma vie en rat. Je préférerais être mort que d'être un rongeur mangeur de déchets, voleur d'argent, vivant dans les égouts, porteur de la rage."

Je lui crachai les mots au visage.

David secoua la tête, comme s'il avait été giflé. Toute sa bravade sembla s'évaporer. Ses moustaches tombèrent. Ses petites épaules s'affaissèrent. Il leva une patte délicate vers son visage, comme pour cacher une larme.

Un geste étrangement humain et humanisant.

David pleurait.

Soudain, il ne ressemblait plus à un archicriminel. À un homme-rat bizarre sorti d'un dessin animé du samedi matin. Maintenant, il était Stuart Little. Juste un petit rat inoffensif avec la peau rose apparaissant joliment sous sa fourrure blanche.

Une petite créature sans défense qui avait réussi à survivre seule contre toute attente.

Non seulement survivre, mais triompher.

D'une manière étrange et tordue, une petite créature vaillante.

Chaque sanglot était comme un coup de poing dans mon estomac. Je me sentais horrible. Je me sentais cruel.

Que faisais-je ?

Pourquoi essayais-je de le faire avoir honte de quelque chose dont il ne pouvait pas être responsable ?

Pourquoi essayais-je de le faire avoir honte d'être quelque chose que je l'avais fait devenir ?

"David...", commençai-je, en essayant de rendre ma voix douce.

Peut-être y avait-il un moyen de résoudre cela. Un moyen de ramener David de l'autre côté. Un moyen de lui donner un nouveau départ.

Mais il m'interrompit.

<Tu es déjà un nothlit,> dit-il calmement.

"Quoi ?"

<Tu as cessé d'être humaine il y a longtemps, Rachel. Aucun humain n'aurait pu faire ce que tu m'as fait. Je n'étais pas maléfique, Rachel. Juste... troublé. Maintenant, c'est mon tour. J'ai dit que tu paierais. Et aujourd'hui est le jour.>

D'une source invisible, une lumière rouge commença à briller, illuminant l'autre côté de la pièce. Révélant, comme par magie, un deuxième cube sur une autre plateforme.

Il y avait quelqu'un à l'intérieur du cube.

Cassie !

Le cube était petit, comme le mien. Cadenassé. Sauf qu'il n'y avait pas de trous d'air. Et il était insonorisé. La bouche de Cassie bougeait. Mais je ne pouvais pas vraiment l'entendre. Juste des cris faibles et étouffés.

Les sbires de David ricanèrent et pointèrent du doigt.

<C'est pas une question de se transformer en rat ou de mourir,> dit David. <Ce choix serait trop facile. Non, Rachel, le choix est celui-ci : Se transformer en rat ou Cassie meurt. De suffocation.>

Un rire aigu assaillit mes oreilles.

Je brûlais de fureur.

Avais-je vraiment ressenti de la pitié pour cette ordure ?

David avait raison. Nous n'aurions jamais dû l'abandonner sur l'île. Nous aurions dû le tuer quand nous en avions eu l'occasion. J'avais su ce qu'il était. Bien plus qu'un simple enfant troublé.

Mais tuer David avait semblé exagéré. Barbare.

La réalité, c'est que j'avais eu peur. Peur de tuer.

Nous avions tous eu peur.

Je voyais maintenant que, du moins, j'avais simplement été faible.

Mes mains se crispaient et se décrispaient. Si j'avais ne serait-ce que la moitié d'une chance à nouveau, je n'hésiterais pas.

Il n'y aurait plus de peur. Plus de faiblesse.

Plus d'hésitation morale. Plus de compromis incertains.

Je tuerais.

Le rire de David. Le ricanement stupide des sbires.

Et puis il y avait une autre voix.

Un rire étrange.

D'où venait-il ?

Maintenant, le rire devenait un cri. Maintenant une phrase. Répétée encore et encore.

Cassie, frappant à l'intérieur de son cube. Sa bouche formant les mots : "Ne te transforme pas ! Ne te transforme pas !"

Me suppliant de ne pas sacrifier ma vie pour la sienne.

"Cassie, arrête de crier !" criai-je, voulant qu'elle m'entende. "Tu vas utiliser tout l'air. Arrête !"

Mais elle ne s'arrêtait pas.

Grease s'approcha du cube de Cassie. Pressa son visage hideux contre le mur avant et fit une série d'expressions grotesques.

Se moqua d'elle !

<Transforme-toi, Rachel,> répéta David. <Ta meilleure amie utilise rapidement tout l'air disponible dans ce cube. Je dirais qu'elle a environ deux minutes avant que l'inconscience ne s'installe. Dès que tu te transformes, j'ouvrirai un trou d'air pour elle.>

Je connaissais David.

Il laisserait Cassie mourir si je ne me transformais pas.

Mais si je me transformais - la laisserait-il vraiment vivre ?

Je devais tenter ma chance.

Je fermai les yeux et essayai de me concentrer. Mais c'était difficile.

Tant d'émotions contradictoires !

Pitié. Culpabilité. Peur. Rage.

Je ne suis pas une folle !

Impossible de se concentrer !

<Dépêche-toi, Rachel.> La voix de David. <Ces voyous veulent voir quelqu'un mourir. Ils aiment voir les gens souffrir.>

Pas seulement de la rage.

De la haine pure et simple.

Elle parcourait mon corps comme du carburant de fusée.

Je me transformerais en rat. Je ferais semblant de coopérer.

Et quand j'aurais l'occasion, je tuerais David. Je le tuerais, lui et ses voyous.

SCHWOOP !

Mes bras se rétractèrent. Mes jambes rapetissèrent. J'étais une grosse masse déséquilibrée sur le sol du cube.

Je baissai les yeux vers mes pieds. Ils rétrécissaient, rétrécissaient. Maintenant, ils sortaient de mes énormes baskets. Maintenant, de petites griffes poussaient là où il y avait des orteils charnus.

Maintenant, le reste de mon corps rétrécissait. Rapidement. Ma peau devenait lâche et rose, puis des poils blancs poussaient rapidement.

Mon nez - encore humain. Mais pas pour longtemps. Il disparut. Fut remplacé par un bouton ou une protubérance de chair, qui se rétrécit ensuite pour former le museau du rat.

Mes yeux - encore humains, encore énormes dans le crâne humain du rat. Impossible ! Soudain, les orbites commencèrent à rétrécir. Plus vite que les globes oculaires ! Compressant les globes oculaires jusqu'à ce que je pense qu'ils allaient éclater.

Enfin, mes globes oculaires commencèrent à rétrécir. Un changement de perspective. Mon champ de vision se restreignit sérieusement. Et je regardais le monde à environ trois pouces du sol.

La transformation était complète. J'étais un rat.

Non !

Grease plaça une horloge numérique juste devant moi, juste à l'extérieur du mur du cube. David se tenait sur ses pattes arrière et posait ses pattes avant sur l'horloge.

<Deux heures, Rachel. C'est tout ce qu'il faut. Juste deux heures d'enfer et ensuite, c'est toi et moi. Rats ensemble. Pour toujours.>