Chapitre 21 - Cassie

« Il y a quelque chose qui ne va pas, » dis-je.

« Tu crois ? Il y a plein de choses qui ne vont pas, » dit Rachel. « Marco et moi, on se fait tirer dessus. Jake se fait tirer dessus. On a une sorte de secte. Mon cousin a un pistolet laser et il tire pendant que les flics ne font rien. La mère de Marco se promène en vie, portant une perruque. »

Jake s'approcha, prit ma main et se pencha pour me regarder dans les yeux. C'était tellement gentil. Et j'en avais tellement besoin.

« Cassie, qu'est-ce que tu veux dire ? » demanda Jake. Je sentis des larmes sur mes joues. Pourquoi pleurais-je ? J'étais la seule à ne pas avoir été visée par des tirs jusqu'à présent.

« Je pensais que je devenais folle, » dis-je. « Depuis, je ne sais pas, des semaines, j'ai ce sentiment au fond de moi que quelque chose ne va pas. Il devrait y avoir... » Je lâchai Jake et levai les mains. « Je ne peux pas l'expliquer. Juste que tout est faux. Cet extraterrestre, je l'entendais parler, en quelque sorte, seulement il était quelque part dans l'eau. Et j'ai ces rêves, ces rêves incroyables où je ne suis pas moi, je suis un animal. Un insecte parfois, et j'ai peur. Ou un loup. Ou un oiseau. »

Je vis Marco lever les yeux au ciel. Je vis aussi Rachel lui lancer un regard qui disait « tais-toi ».

Mais Jake regarda ses mains comme s'il ne les avait jamais vues auparavant. « Ou un tigre, » murmura-t-il pour lui-même.

Une fois de plus, je fus attirée à regarder en haut. Vers un endroit particulier dans les chevrons. « À l'instant, j'ai eu l'impression que quelqu'un manquait. Deux personnes. L'extraterrestre est l'un d'eux. Il est censé être ici. Et... et je sais que ça a l'air fou... »

« Nooon, ça me semble parfaitement sensé, » dit Marco, à peine sous son souffle.

« ... il devrait y avoir un oiseau. Un grand. Juste là-haut. Bref. Bref, juste maintenant, quand tu as dit M. Visser, j'ai eu des frissons. Il est... d'une certaine manière, il fait partie de tout ça, aussi. »

« Où sont Mulder et Scully ? » se demanda Marco.

Jake hocha la tête, comme s'il croyait à moitié. Mais il détourna aussi le regard, comme on le fait quand quelqu'un dit quelque chose de fou. « Tu avais un mauvais pressentiment dès le départ à propos du Partage. »

Pitié. Super.

Rachel avait cet air inquiet-colérique, comme si elle ne savait pas quoi dire ou faire pour m'aider, mais elle crierait volontiers sur quiconque m'embêterait.

Je venais de vider mon sac. Et le résultat, c'était qu'ils pensaient tous les trois, y compris mon meilleur ami et le gars qui me plaisait plus que jamais, que j'avais besoin de voir un psy.

« Oh, mec, » dis-je. « Je suis en train de perdre la tête, n'est-ce pas ? »

À ma surprise, c'est Marco qui prit ma défense, à sa manière. « Ouais, tu perds la tête. T'es fou. Dingue. Cinglé. La seule chose plus dingue que ce que tu as dit, c'est un gars qui pense que son grand frère, le proviseur adjoint, et Tobias le Mega Dweeb sont en train de braquer un studio télé. Et la seule chose plus dingue que ça, c'est un gamin qui pense que sa mère morte se balade en ville avec des gardes du corps qui tirent des lasers. »

« Il faut faire quelque chose, » dit Rachel avec détermination.

« Faire quoi ? » lui demandai-je.

« Je ne sais pas. Quelque chose. Il y a vraiment une sorte de conspiration. Je veux dire, qu'est-ce qu'on est censé faire, ne rien faire ? »

Marco dit, « Rachel, qu'est-ce que nous quatre allons faire ? »

« Je ne sais pas ! » cria-t-elle, frustrée. « Quelque chose ! Jake ? Que fait-on ? »

« Ouais. Que fait-on, Big Jake ? » demanda Marco, à moitié moqueur.

« Que veux-tu dire par que fait-on ? » répliqua Jake. « Pourquoi tu me demandes ça ? »

Marco haussa les épaules. « Tu es le leader, mec. »

« De quoi tu parles ? Le leader de quoi ? Et pourquoi suis-je le leader ? »

« Parce que tu l'es, » dis-je. Les mots étaient sortis de ma bouche avant que je ne puisse y réfléchir. J'avais l'impression de... comme si j'étais un juge et que je venais de condamner Jake.

Marco me désigna du pouce. « Ce que la folle a dit : Parce que tu l'es. »

Jake regarda Rachel, abasourdi. Rachel me regarda. Un regard étrange. Comme si elle m'écoutait parler, alors que je ne disais rien.

Puis Rachel dit, « Que fait-on, Jake ? »

Pendant une longue minute, on eut l'impression que la grange entière était figée. Nous regardions Jake. Il nous regardait à son tour, avec ce regard impuissant, presque désespéré sur le visage.

Et puis il dit, « Il faut découvrir ce qui se passe. On commence par Tom. C'est la cible évidente. »

Jake. Décisif, une fois le moment de décider arrivé.

« On l'attrape, on l'attache, on menace de le livrer au FBI à moins qu'il nous dise ce qui se passe, » dit Rachel.

Rachel, audacieuse, prête à agir peu importe les conséquences.

« S'il a vraiment tiré sur quelqu'un, Tom est dangereux, » désapprouva Marco. « Ce qui signifie que quoi qu'on fasse, ça doit être subtil. S'il y a une sorte de conspiration impliquant The Sharing, on ne saura pas si quelqu'un à qui on parle est lié à eux. On a besoin de preuves avant d'agir. »

Marco, prudent et astucieux.

Un frisson parcourut mon échine. J'avais l'impression que l'univers venait de changer. Comme... comme si pendant des semaines j'avais roulé à vélo avec la chaîne qui déraillait toujours. Et comme si la chaîne venait de se remettre en place.

Les choses n'allaient pas bien. Pas bien. Mais mieux qu'elles ne l'avaient été depuis que nous avions quitté le centre commercial ensemble.