Chapitre 18

Nous avons traversé quatre voies de circulation en crissant. Franchi le trottoir de l'autre côté avec fracas.

Retombé sur le bitume. Heurté un camion de livraison. Dedans. Dehors. Autour. Nous slalomions entre les voitures, camions, SUV. Tout ce que je pouvais voir de Tobias étaient ses épaules et ses coudes. Sa tête dépassait par le trou dans le toit.

Je rebondissais sur le siège arrière. Regardant par les fenêtres arrière et latérales, mon crâne de gorille tapant contre le plafond de la limousine. La gouverneure était assise sur le siège opposé, essayant de ne pas glisser d'un côté à l'autre alors que la limousine se dirigeait tantôt à gauche, tantôt à droite. Ses doigts s'enfonçaient dans l'accoudoir en cuir de la porte à côté d'elle.

Ax luttait pour trouver un appui sur le sol entre les rangées de sièges. Il regardait la gouverneure. Ses yeux andalites rayonnaient de chaleur et... de joie.

Oui, de joie. Nous roulions à quatre-vingt-dix dans un trafic dense avec des mains maladroites de Hork-Bajir au volant, et Ax avait l'air d'avoir trouvé le secret de la paix intérieure.

<Madame la Gouverneure,> il s'inclina profondément. Il étendit sa patte avant devant lui. Sa tête toucha presque le sol. <Je suis Aximili-Esgarrouth-Isthill, et je suis honoré d'être en présence d'une grande dirigeante.>

"Une grande dirigeante ?" La gouverneure se cogna contre le côté de la limousine alors que Tobias fit une embardée dans un parking de banque. "Moi ?"

Ax hocha la tête. <Je regrette seulement que notre rencontre ne se fasse pas dans des circonstances moins difficiles.>

Difficiles. Oui, d'accord. Tobias fit un tour autour de la banque. À travers la voie de drive-in.

Au-dessus d'un trottoir. Pendant trois secondes entières, la limousine était en l'air -

WOOOOMPH !

- avant de retomber sur une rue latérale. Tobias fit une embardée et continua sa route.

"Aaaahhhlllp !" La gouverneure ravala un cri. Elle réussit à libérer sa main droite de l'accoudoir et la tendit vers Ax.

Il la serra, puis s'inclina de nouveau. <Je garderai votre vie avec la mienne.>

"Très rassurant," dit-elle.

La limousine franchit un terre-plein central.

La gouverneure agrippa l'accoudoir. "Je le pense sincèrement, Aximili."

<Et Jake pensait que tu étais celui avec du charme, Marco,> dit Tobias d'un ton sec.

<Garde juste les yeux sur la route,> dis-je. <Et je ne veux plus jamais entendre une seule critique sur ma conduite.>

La limousine dérapa dans un virage. Démolit une rangée de distributeurs de journaux.

Une sirène de police ! Des lumières rouges et bleues clignotaient derrière nous.

<Problème,> dis-je.

<Tu crois ?> Tobias.

Je me retournai. Plus de sirènes. Plus de lumières rouges et bleues clignotantes devant. Trois, peut-être quatre voitures.

Tobias fit un brusque mouvement de volant. Nous glissâmes sur le côté contre un pickup. Tobias accéléra, et nous nous sommes engagés dans une ruelle, le pare-chocs du pickup traînant derrière nous.

La limousine tonna à travers les nids-de-poule. Contourna des bennes à ordures. Traversé la prochaine rue latérale et dans la ruelle du bloc suivant.

<Oh, mince !>

Les freins crissèrent. Je fus projeté en avant, puis contre le siège. Ax s'écrasa sur mes genoux.

"Ooomph."

<Hé, fais attention à la queue !>

La limousine s'était arrêtée, nez à nez avec un camion-poubelle. La gouverneure était étalée sur le sol. Elle luttait pour se remettre sur le siège.

TSSSSEEEEEEEEWWWWWWW !

Un tir de Dracon brisa la fenêtre à côté de l'endroit où elle était assise. Incinéra l'appuie-tête qui était derrière elle.

<Restez en bas, Gouverneure ! Sur le sol !>

Elle hocha la tête. Regarda l'appuie-tête fumant. "Pas d'objections ici."

Elle ramena ses genoux contre sa poitrine, enroula sa jupe et ses bras autour d'eux, et se recroquevilla entre les sièges. Son visage avait perdu toute couleur, mais ses yeux étaient toujours vifs. Stables.

Tobias mit la limousine en marche arrière et commença à reculer.

Une voiture de police entra dans la ruelle derrière nous.

BAM ! BAM !

Des coups de feu !

Ax et moi nous jetâmes à terre et nous accroupîmes à côté du gouverneur.

Tobias engagea la limousine. Nous avancions brusquement. Nous nous faufilâmes devant le camion poubelle. Les roues droites dévalèrent les deux dernières marches d'un escalier en béton menant à un quai de chargement.

SsscccuuurrrRRREEEEEEEEE.

Nous frottâmes contre le camion poubelle d'un côté, le quai de chargement de l'autre.

Et nous nous engouffrâmes dans l'allée au-delà. Une voiture de police surgit dans l'ouverture étroite devant. Elle fonçait vers nous !

Tobias accéléra. Il heurta la voiture de police et déboucha dans la rue !

Il tourna le volant. Évita les voitures arrivant en sens inverse. Accéléra à contresens dans la rue à sens unique, les entrepôts s'élevant au-dessus de nous d'un côté, la berge s'éloignant de l'autre, poursuivis par une armée de sirènes et de lumières clignotantes. Police de la ville, shérifs du comté, patrouilleurs de l'État.

Certains d'entre eux étaient des Contrôleurs. D'autres ne l'étaient probablement pas. Mais cela n'avait pas d'importance. Aux yeux des non-Contrôleurs, des monstres fous avaient kidnappé leur gouverneur. Ils étaient aussi déterminés que les Contrôleurs à nous arrêter.

THWOK ! THWOK ! THWOK ! THWOK !

Je levai les yeux. Un hélicoptère tonnait au-dessus de nos têtes. Je pouvais le voir à travers le toit ouvrant. Le vrai toit ouvrant, pas la trappe d'urgence de Tobias. Le pilote inclina l'hélicoptère vers l'avant dans une descente abrupte. La lumière du soleil scintilla sur quelque chose à la porte passager.

Un rayon Dracon.

Le gouverneur le vit aussi.

"Il est temps d'abandonner la limousine," dit-elle. "Nous sommes trop gros. Trop faciles à repérer. Nous aurons plus de chances à pied."

Bonne réflexion. Derrière ces yeux gris alertes se cachait le cerveau d'un général de combat.

<Je connais l'endroit idéal,> dit Tobias. <Préparez-vous à sauter.>

Une intersection se profilait devant. Une artère principale croisait notre rue à sens unique et menait à un pont.

Tobias appuya sur l'accélérateur et tourna rapidement le volant. La limousine dérapa dans le virage et se précipita sur le pont. Il freina brusquement et la limousine glissa de côté. Elle s'encastra dans un pilier en béton et s'arrêta en bloquant la circulation dans les deux sens.

Les voitures klaxonnaient. Dérapaient. Se percutèrent.

Tobias sauta de la porte du conducteur. Je jetai le gouverneur sur le dos d'Ax, ouvris la porte arrière et nous sortîmes dans le chaos.