Chapitre 2

C'était juste une tache bleue se déplaçant à l'écran. Pas beaucoup plus que ça. Un petit morceau de vidéo pris avec une main tremblante dans des conditions de lumière terribles.

Mais c'était suffisant.

Mon alarme de danger infaillible s'est déclenchée. Fort. « Cela pourrait-il être la preuve irréfutable de l'existence de la licorne magique des légendes médiévales ? » a intoné l'animateur. « Ou cette étrange créature bleue pourrait-elle être le puissant centaure de la mythologie grecque ? Regardons encore une fois. »

J'ai appuyé sur le bouton d'alimentation et l'écran est devenu gris.

Un regard avait été plus que suffisant. L'image était floue mais indubitable.

Andalite !

J'ai monté les escaliers vers ma chambre deux à la fois.

C'était mauvais. Vraiment mauvais. Une grave violation de la sécurité. Le début de notre fin...

Une bonne quantité de citoyens des États-Unis d'Amérique, et qui sait combien de personnes dans combien d'autres pays, venaient d'avoir leur premier aperçu d'un extraterrestre authentique.

Quatre-vingts, peut-être quatre-vingt-dix pour cent de ces téléspectateurs seraient excités pendant environ trente secondes - du moins jusqu'au prochain monstre idiot après la prochaine publicité idiote.

Dix, peut-être vingt pour cent de ces téléspectateurs reconnaîtraient la tache bleue pour ce qu'elle était. Pas une licorne ou un centaure.

Un Andalite. Ici. Sur Terre.

Et cela ne pouvait être qu'Ax.

D'accord, Visser Trois et tous les autres Yirks avec un hôte connaissaient les « bandits Andalites ». Ceux qui formaient la petite mais incessante résistance au mouvement Yirk.

Mais d'autres - des humains non contrôlés par les Yirks - ne savaient pas. Et ils ne pouvaient pas. Ne devraient pas. C'était trop dangereux, trop risqué. Mauvais pour Ax d'être pris en otage par le visser. Pire pour lui d'être pris pour étude par le gouvernement.

Tout le monde dans « l'agence » n'était pas aussi impartial que Scully ou Mulder. Certains étaient même des Yirks.

Ax ne serait pas pris. Je m'en assurerais.

Mille peurs et angoisses traversaient ma tête, presque aussi rapidement que je montais les marches et entrais dans ma chambre.

Je devais prendre le contrôle. Me concentrer. Maintenir cette concentration.

Je suis allé au lit. J'ai arrangé les oreillers sous les couvertures pour ressembler à un enfant endormi. Pour que mon père et ma belle-mère ne sachent pas que j'étais parti. Encore.

Je me suis déshabillé jusqu'à mon costume de morphing. J'ai jeté jeans, T-shirt et baskets dans le gouffre qu'est mon placard. J'ai ouvert la fenêtre. Et j'ai commencé à morphoser.

L'objectif : un transport rapide.

PING ! PING !

J'ai grimacé. Le début des serres, là où mes orteils se trouvaient il y a seulement quelques secondes. J'ai regardé alors que le reste de mes pieds et chevilles se flétrissaient, rétrécissaient et devenaient soudainement les pieds incroyablement forts et saisissants de l'oiseau. Trois longues serres sans chair tournées vers l'avant, une vers l'arrière.

Aucune chance que ces pieds puissent supporter mes jambes humaines épaisses. J'allais tomber.

THUMP !

J'étais définitivement tombé. Mais j'étais tombé sur le dos. J'ai levé la tête et regardé mes jambes noircir et se ratatiner dans mon corps comme deux bâtons de bœuf séché aspirés par un vieux cow-boy décharné.

À ce moment-là, j'ai juré de ne plus jamais, jamais manger de Slim Jim.

Contrairement à ce que vous pourriez penser, morphoser ne fait pas mal. C'est juste dégoûtant.

Mais malgré tout, j'ai regardé. Comme si je pouvais accélérer le processus en y assistant. Des doigts - se recourbant dans ma paume. La chair humaine bronzée s'éclaircissant jusqu'au gris puis disparaissant sous un tatouage plat et tridimensionnel de plumes. Puis des bras se couvrant de plumes en furie. En même temps, les os des bras rétrécissant, se creusant, se remodelant. Devenant des ailes.

Ma bouche et mon nez se sont fusionnés, durcis pour former un bec incurvé et mortel.

Organes internes ? J'ai senti environ sept mètres d'intestins humains se comprimer et se réduire au minuscule système digestif d'un oiseau. Mon cœur humain lent et régulier se transformer en cœur frénétique et palpitant d'un oiseau de proie.

Plus humain. Plus assez grand pour voir les cahiers non ouverts éparpillés sur le bureau. La poignée d'emballages vides de chewing-gum que je devrais probablement jeter. Assez proche du tapis pour voir des blocs de miettes de biscuits et des brins de poil de caniche bouclé. Beurk.

J'étais un balbuzard. L'animal qui était devenu l'une de mes premières métamorphoses. Pas un oiseau avec la meilleure vision nocturne, mais une vision bien meilleure que celle d'un humain. Une vision assez bonne pour m'emmener là où je devais aller.

Le perchoir d'Ax.

J'ai sauté sur le rebord de la fenêtre. J'ai regardé vivement autour de moi avec des yeux perçants pour m'assurer que la maison n'était pas surveillée. Et j'ai battu des ailes dans l'air de la nuit.