Chapitre 26 - Jake

La bonne nouvelle, c'était que Marco avait quitté le quartier, donc il ne pouvait plus détruire de poubelles.

La mauvaise nouvelle, c'était qu'il était sur l'autoroute.

<Dépasse à gauche, dépasse à gauche ! Pas à droite !>

« Hé, je suis cool maintenant, » cria Marco par la fenêtre arrière ouverte du camion. « C'est comme le jeu maintenant. Aucun problème. »

<Ce n'est pas sombre dans le jeu vidéo.>

"Bien sûr. La partie avec le tunnel."

<Tu veux dire la partie où tu t'écrases toujours?>

Nous filions sur l'autoroute à cent dix kilomètres à l'heure, zigzaguant à travers un flot de feux arrière rouge vif. J'étais à mi-chemin de la transformation en tigre. Je prenais volontairement mon temps, pour garder le Veleek intéressé.

Cela fonctionnait. Le Veleek était intéressé.

J'étais debout dans la benne vibrante et oscillante d'un vieux pick-up déglingué, et à environ cinq longueurs de voiture derrière, il y avait une bête de quinze mètres de large qui n'était rien d'autre que pure destruction.

De temps en temps, les autres automobilistes sur la route nous donnaient des conseils. Je pouvais en entendre des bribes au fur et à mesure que nous passions.

"… idiots ! Pourquoi ne pas…"

"Quel genre d'imbécile…"

"Où as-tu appris à conduire ? Dans le New Jersey ? Espèce de…"

<Ça nous rattrape !> dis-je à Marco.

"Ce truc ne va pas plus vite !"

<Bien,> dis-je.

"Hors-piste ! On va hors-piste !"

<Noooon !>

Mais c'était trop tard.

Ka-BUMPH ! Boum ! Boumboumboumboum-boum !

Le camion quitta la route, sauta un fossé, traversa une clôture en fil de fer et se dirigea droit vers les arbres.

Arbre à gauche ! Arbre à droite ! Arbre ! Arbre ! Arbre ! Arbre !

Les branches griffaient les côtés du camion.

Et derrière nous, traversant les arbres, arrivait le Veleek.

B-R-R-A-A-A-A-A-K-K !

<Marco, je suis presque transformé. Je vais sauter. Donne-moi cinq minutes, puis ce sera ton tour.>

"Ouais," cria Marco. "Jake ? Fais attention, mec !"

<Essaie de ne pas détruire le camion du père de Cassie, d'accord?>

"Prépare-toi. Je ralentis…"

Il appuya sur les freins. WHAM ! Le côté du camion heurta un arbre. Je bondis depuis la benne du camion. Marco accéléra à fond à travers les broussailles, moteur rugissant.

Je retombai comme le chat que j'étais. Le tigre en moi savait où nous étions. Le savait dans ses os. C'était un chat né et élevé pour les nuits sombres dans les forêts denses.

Dans un torrent d'informations sensorielles, j'entendis-sentis-vis le milieu autour de moi. Des yeux sombres et pénétrants. Des oreilles à l'écoute du moindre petit bruit. Un sens de l'odorat qui me racontait des histoires de cerfs, de loups et de sangliers sauvages qui étaient passés par là.

Mais ce dont j'avais le plus besoin, c'était de l'agilité et de la vitesse du chat. Je complétai la morphose. Tant que personne d'autre ne se transformait pour le distraire, le Veleek me poursuivrait. Du moins, c'est ce que j'espérais.

B-R-R-A-A-A-A-A-K-K !

Il était sur moi ! Je fis volte-face avec une rapidité fulgurante et fis la seule chose que le Veleek ne pouvait pas attendre : je fonçai droit sur lui.

La bête de poussière hésita, puis s'arrêta.

"RRRROOOOOWWWWRRR !" Je lâchai un rugissement qui ferait mouiller son pantalon à un homme adulte. Je libérai l'incroyable puissance de mes muscles tendus. Je bondis dans les airs, griffes tendues. C'était une attaque qui tuerait à peu près n'importe quel animal sur cette planète.

Mais cela n'aurait eu aucun effet sur le Veleek.

À la dernière seconde, avant que mes pattes ne rencontrent ces rangées de dents avides et de lames tournoyantes, je rentrai ma tête, ramenai mes pattes en arrière, et touchai le sol juste en dessous de la bête de poussière.

SHWOOOM ! Juste en dessous de lui ! Juste en dessous du Veleek et de l'autre côté. J'ai sorti ma queue rayée d'orange de là à toute allure.

<Voyons à quelle vitesse tu peux tourner, espèce de crétin !>

Hah. Pas très vite. Il a fallu plusieurs secondes au Veleek pour se retourner. Et je me suis dit, Eh bien, eh bien. Donc il a quand même quelques faiblesses.

Quelques faiblesses. Pas assez.

B-R-R-A-A-A-A-A-K-K ! Il a traversé les arbres et les broussailles comme le broyeur incontrôlable qu'il était.

Les tigres sont rapides. Les tigres sont puissants. Mais les tigres n'ont pas une grande endurance. J'étais un sprinteur, pas un marathonien.

Je me suis élancé, courant sauvagement à travers les arbres, virant brusquement à gauche, puis brusquement à droite. Revenir sur mes pas. Revenir encore une fois. Et le Veleek, un peu maladroit, ne pouvait pas me rattraper. Mais je ne pouvais pas continuer. J'étais essoufflé. Haletant. La langue pendante. Épuisé. Il était temps de créer une diversion. J'espérais que Marco pourrait la fournir à temps.

Le plan était de faire courir le Veleek d'une métamorphose à l'autre. Il voulait chasser des métamorphes ? Nous allions lui donner des métamorphes à chasser.

Ce n'était pas vraiment un plan. Cela ne fonctionnait que si la créature pouvait être épuisée.

Mais il y avait de fortes chances que nous soyons tous épuisés avant.

Je me suis lancé dans un arbre. Les griffes se sont enfoncées profondément dans l'écorce. Les muscles fatigués m'ont propulsé vers le haut et encore plus haut, à travers les branches.

B-R-R-A-A-A-K !

Le Veleek a mâché l'arbre sur lequel j'étais ! J'ai regardé en bas et je l'ai vu juste en dessous de moi. L'arbre était toujours debout, mais le Veleek avait déchiqueté la base. Et il mâchait son chemin tout droit vers le haut de l'arbre.

J'ai sauté dans l'obscurité.

Je suis tombé, griffes tendues, à travers l'air nocturne.