Chapitre 4

Je tombais, tombais, tombais.

Je tombais dans la mer.

Plouf ! J'ai frappé l'eau. Mais je continuais à tomber. Vers le bas, à travers des couches d'eau bleues-vertes baignées de soleil.

<Je suis ici,> une voix m'appela. <Je suis ici. Je ne peux pas survivre beaucoup plus longtemps. Si tu m'entends... viens. Si tu m'entends... viens.>

Soudain, j'ouvris les yeux. Je fixais le visage inquiet de Jake.

En regardant à travers la pièce, je vis Rachel avec le téléphone à l'oreille, prête à composer un numéro.

"Elle est réveillée !" dit Jake.

"Je ferais mieux d'appeler une ambulance," dit Rachel.

"Non !" s'exclama Marco, "Pas à moins qu'on sache qu'elle est blessée. C'est trop risqué."

Les yeux de Rachel s'embrasèrent comme ils le font quand quelqu'un lui dit quelque chose qu'elle ne veut pas entendre. "Je vais appeler le neuf-un-un," dit-elle sèchement.

"Non, Rachel, je vais bien," dis-je. Je me suis redressée. Ma tête tournait un peu, mais j'étais en état de marcher.

Rachel hésita, ses doigts juste au-dessus du clavier. "Et Tobias ?"

Je regardai autour de la pièce et vis Tobias étendu sur le sol, une aile froissée sous lui.

Il avait l'air mort.

Je me levai d'un bond et courus vers lui.

"Rachel, Cassie semble aller bien, et le neuf-un-un ne peut pas aider Tobias," dit Jake.

Rachel reposa le combiné et courut vers Tobias.

"Il n'est pas mort," dis-je. Je pouvais le sentir respirer. Puis, aussi soudainement que moi, il se réveilla. Ses énormes yeux de faucon brun s'ouvrirent, instantanément féroces.

Sa première réaction fut purement celle d'un faucon. Il se redressa et s'ébouriffa. Les faucons s'ébouriffent exactement comme les chats quand ils essaient d'intimider quelqu'un. Ils haussent les épaules et gonflent leurs plumes pour paraître plus grands qu'ils ne le sont.

"Tout le monde, restez tranquilles," dis-je rapidement. "C'est bon, Tobias, tu étais juste évanoui un moment."

Il reprit rapidement le contrôle sur les instincts du faucon. <C'était étrange,> dit-il.

"Ça m'est arrivé aussi," dis-je. "Je me suis évanouie. Et puis j'ai refait le rêve. Sauf que cette fois, j'ai pu entendre une vraie voix. Ou du moins j'ai entendu une pensée-parole."

<Moi aussi,> confirma Tobias.

"Ok, maintenant ça devient bizarre," dit Rachel. "Parce qu'en même temps, j'ai cru sentir quelque chose."

"Ouais," approuva Jake. Marco hocha la tête.

<Je sais que ça a l'air fou, mais... mais c'est comme si quelqu'un envoyait un signal de détresse. Comme s'ils appelaient à l'aide.>

"Seulement, ce quelqu'un est dans l'eau, ou sous l'eau, ou quelque chose comme ça," dis-je. "Voir cette vidéo, voir cette écriture, c'était comme si soudainement le message devenait plus fort."

"Ou c'est peut-être juste une coïncidence," dit Jake. "Ce n'est pas un rêve. Je ne sais pas ce que c'est, mais ce n'est pas un rêve. Même moi, j'ai à moitié vu quelque chose. C'est une sorte de communication."

"Eh bien, tout ça est très intéressant," dit Marco, "mais alors quoi ? Je veux dire, on reçoit un genre de message psychique de la Petite Sirène ? Qu'est-ce qu'on est supposé faire à ce sujet ?"

Jake me regarda attentivement. "Cassie ? La voix dans ton rêve, c'était une voix humaine ?"

La question me surprit. Je n'y avais pas vraiment réfléchi. J'ai même ri. "Quand tu m'as demandé, la première chose qui m'est venue à l'esprit était non, ce n'est pas humain." J'ai ri de nouveau. "Mais ça n'a pas de sens."

<Ce n'est pas humain,> dit soudain Tobias. <Je comprends le sens de ce qu'il dit, mais ce n'est pas humain. Ça ne 'parle' pas vraiment avec des mots.>

"Alors qu'est-ce que c'est ?" demanda Rachel. "Yeerk ?"

Je laissai mon esprit retourner au rêve. J'essayai de réentendre le son dans ma tête. "Non, pas Yeerk. Ça me rappelle quelque chose... quelqu'un."

<L'Andalite,> lâcha Tobias.

Je claquai des doigts. "Oui ! C'est ça ! Ça me rappelle l'Andalite. Quand il nous a parlé par pensée pour la première fois. C'est comme ça."

"L'Andalite," murmura Marco. Il détourna le regard. Je savais qu'il se souvenait. Nous nous souvenions tous.

Nous étions en train de rentrer chez nous du centre commercial la nuit. En traversant un grand chantier de construction abandonné, quand le vaisseau andalite était apparu au-dessus de nous.

Il avait atterri, et l'Andalite prince en était sorti, mortellement blessé dans une bataille contre les Yeerks quelque part dans l'espace.

C'est lui qui nous avait avertis des Yeerks - l'espèce parasite qui habitait le cerveau d'autres créatures et les asservissait, les transformant en Contrôleurs. C'était l'Andalite qui nous avait avertis et qui, désespéré, nous avait donné la grande et terrible arme - le pouvoir de se transformer.

Nous nous cachions, terrorisés, quand les Yeerks avaient rattrapé l'Andalite. Quand Visser Trois lui-même, le chef Yeerk, l'avait assassiné.

Je frissonnai à l'horrible souvenir du dernier cri désespéré de l'Andalite.

"Oui," murmurai-je. "Tobias a raison. C'est un Andalite. C'est lui qui nous appelle de la mer. Un Andalite."

Pendant quelques minutes, personne ne dit rien.

Puis Rachel dit, "Il est mort en essayant de nous sauver." Elle regarda Marco avec défi. "Je sais que ça ne signifie rien pour toi. Mais l'Andalite est mort en essayant de sauver la Terre."

Marco acquiesça. "Je sais. Et tu te trompes, Rachel. Ça compte beaucoup pour moi."

"Ah oui ? Eh bien, s'il y a un Andalite qui appelle à l'aide, je vais essayer de l'aider," dit Rachel.

Je regardai Jake et nous échangeâmes un regard, comme pour dire "Oh, quelle surprise, Rachel est prête à foncer." Je cachai mon sourire et Jake resta impassible.

"Tobias ?" demanda Jake. "Qu'en dis-tu ?"

<Je ne sais pas si je devrais avoir un vote. Je suis la seule personne ici qui ne sera pas très utile face à l'eau. De plus, vous savez tous comment je voterais.>

De nous tous, c'était Tobias qui était resté le plus longtemps aux côtés de l'Andalite, même lorsque l'Andalite lui avait ordonné de se mettre à l'abri. Il s'était passé quelque chose de vraiment profond entre le prince Andalite et Tobias.

C'était mon tour. "Je ne peux pas ignorer quelqu'un qui appelle à l'aide, si c'est bien ce qui se passe."

Nous nous tournâmes tous vers Marco. Je voyais Rachel s'énerver, prête à sauter sur Marco si, comme d'habitude, il n'était pas d'accord.

Marco sourit simplement. "Je déteste vraiment faire ça. Je déteste vraiment vous décevoir tous." Puis il devint sérieux. "Mais j'étais là sur le chantier, comme vous tous. J'étais là quand Visser Trois - " Soudain sa voix s'étrangla. "Ce que je veux dire, c'est que s'il y a un Andalite qui a besoin de quoi que ce soit, je suis là."