Chapitre 16

Avais-je un plan ? Pas avant cette fraction de seconde. Pas avant d'être face à Marco et de réaliser que je devais trouver quelque chose. Je devais.

Parfois, l'émotion joue en votre faveur.

Nous avions besoin d'une distraction. La distraction que j'avais en tête était grande. Et durerait, espérons-le, jusqu'à ce que je puisse faire sortir mon père de la ville.

"Enlever Chapman," dis-je.

Cela fit écarquiller les yeux de Marco. Cela arracha un souffle à Cassie. Tobias rit comme si je plaisantais. Puis il poussa une sorte de gémissement.

Puis il rit à nouveau et dit, <Eh bien, je dirai une chose : ça va rendre Rachel heureuse.>

Un plan audacieux ? Oui.

Fou ? Suicidaire ? Stupide ?

J'espérais que non.

"Force les Yirks à décider de leurs priorités," dit Marco. "Sauvent-ils Tom ou Chapman ? Qui est le plus important pour eux ? Chapman. Ils essaieront toujours d'aider Tom avec sa situation, mais la disparition de Chapman sera une situation de boule rouge totale, panique maximale. Ça marche."

Reconnaissons une chose à Marco : personne n'est plus rapide ou meilleur pour trouver la solution impitoyable. Et Marco est honnête.

Ça n'allait pas être une mission jolie. Nous n'avions pas le temps pour la subtilité.

Nous avons rejoint Rachel et Ax et expliqué le plan.

Rachel a dit, "Cool !"

J'ai laissé Cassie et Tobias pour garder ma maison. J'aurais aussi laissé Marco, mais il l'aurait pris comme si j'avais peur de l'avoir autour de moi. Je n'allais pas lui donner cette satisfaction.

Rachel, Ax, Marco et moi avons volé vers une maison de l'autre côté de la rue, en descendant depuis celle de Chapman, dans une rue calme et résidentielle. Il faisait sombre. Pas tard, mais sombre. J'étais à vingt minutes de mon père se demandant pourquoi je n'étais pas à la maison. Pareil pour les autres.

La maison était à vendre. Inoccupée. Les buissons étaient envahis et non entretenus. Parfait pour nous. Presque spacieux au début. Moins lorsque nous nous sommes transformés.

"Déplace-toi, Marco," grogna Rachel alors que ses épaules se gonflaient et se transformaient en la forme massive d'un gorille.

"Oh, allez, tu adores être près de moi," lança-t-il, juste avant que sa mâchoire ne s'allonge et que ses lèvres ne deviennent un masque noir et gonflé, semblable à du caoutchouc d'Halloween.

Je fermai les yeux et me concentrai sur ma propre transformation.

Rhinocéros. Pour ce travail, nous avions besoin de force brute et directe. Et rien n'est plus direct qu'un rhino.

J'entendis l'os mince de mon crâne humain craquer et se fendre. J'entendis un son comme des dents grinçantes alors que de nouveaux os, couches et couches de nouveaux os, comblaient les lacunes et formaient une armure presque impénétrable.

Mon corps s'épaissit. Mes jambes, bras, mains, pieds, estomac, dos, épaules, tout s'épaissit. Ma peau s'épaissit, passant de chair humaine à quelque chose ressemblant au cuir d'un siège de voiture, puis à quelque chose d'aussi dur, dense et rigide qu'une selle.

Mes oreilles remontèrent sur les côtés de ma tête.

Ma vue s'assombrit et devint floue.

Mon cou perdit toute définition, se rétractant dans mon corps gonflé, ressemblant à un ballon dirigeable. Plus grand. Plus grand.

Énorme.

Et puis, enfin, la corne. Elle poussa de mon visage, là où mon nez se trouvait autrefois. Longue, courbée, dangereuse. Une arme primitive et brutale. Une corne qui aurait pu empaler un chevalier en armure.

Mais malgré le corps redoutable, la corne terrifiante, la puissance du rhino, son esprit était paisible, placide. En gros, il voulait juste manger et qu'on le laisse tranquille. Il était vigilant mais ni effrayé ni en colère.

Ça allait. J'avais assez de peur et de colère pour nous deux.

"Prince Jake, je suis prêt. Prêt-ééé. Ééé," dit Ax. Il s'était transformé en humain, utilisant la combinaison d'ADN qu'il avait absorbée de nous tous il y a longtemps. Mais il avait arrêté la transformation à mi-chemin, déformant ses traits pour que Chapman ne puisse pas le reconnaître plus tard.

Dans sa morphologie humaine standard, Ax est un enfant étrange et beau. Maintenant, avec ses yeux un peu plus perçants, son nez aplati et écrasé, et ses cheveux plus sombres et plus hirsutes, il ressemblait étonnamment à Quasimodo.

Moins la bosse, bien sûr.

<Eh bien, Ax, je ne te considérerai plus jamais comme juste un autre joli visage,> dit Marco.

<Voyez-vous quelque chose de suspect?> J'ai interrompu, tournant mes oreilles à chaque nouveau son et reniflant l'air. <Je suis à moitié aveugle avec ces yeux.>

<Suspect? Eh bien, je vois un ours, un gorille, un rhinocéros, et un gamin bizarre caché dans les buissons, mais à part ça, non,> a dit Marco.

Je n'ai pas ri. Je ne trouvais pas Marco drôle à ce moment-là. Tobias me manquait. Nous n'avions personne dans les airs, et nous devions traverser la rue.

<Allez, faisons-le,> dit Rachel avec impatience.

<Ax, avance,> j'ai ordonné. <Marco, toi aussi.>

Ax a commencé à traverser la rue. C'était calme. J'entendais des pieds humains nus et des pieds de gorille nus. Je voyais des formes, des ombres, peu de choses de plus. Mais j'avais une ouïe excellente. Je n'entendais pas de voitures approcher.

Marco marchait autant que possible comme un humain. Un humain de deux cents kilos. Une fois de l'autre côté de la rue, il s'est glissé dans les buissons à côté du perron. Ax monta sur le perron de Chapman et frappa à la porte.

Un temps d'attente de plusieurs secondes.

La porte s'ouvrit.

Chapman se tenait là, tenant un journal et semblant irrité d'être interrompu.

"Bonjour, est-ce que Melissa est là? Hee-yer? Je suis un ami de Melissa? Je suis venu ici pour lui parler d'un devoir de classe. Classe-uh," dit Ax joyeusement, suivant plus ou moins le scénario que nous avions préparé.

Chapman regarda Ax et fronça les sourcils. Soupira. "Attendez ici. Je vais la chercher."

"Bien," dit Ax. "C'est ma proche amie et aussi camarade de classe et donc c'est une chose tout à fait normale pour moi."

Chapman lui jeta un autre regard et alla la chercher.

<Ax,> j'ai chuchoté. <Que vois-tu?>

<C'est comme vous le soupçonniez, Prince Jake,> dit Ax. <Ce Contrôleur a ajouté des dispositifs de sécurité depuis notre dernière infiltration. Il y a des capteurs de mouvement camouflés en cadre de miroir dans le hall d'entrée. Et je soupçonne des faisceaux Dracon dissimulés dans les yeux d'une statuette faisant face à la porte.>

<D'accord alors,> ai-je dit alors que mon adrénaline commençait à monter. <Tout le monde, soyez prêt.>

<Je suis prête depuis longtemps,> dit Rachel d'un ton sombre.

La porte d'entrée s'ouvrit et Melissa sortit. La porte se referma derrière elle.

Elle regarda Ax avec perplexité.

Avant qu'elle ne puisse dire quoi que ce soit, deux bras épais et poilus de gorille se tendirent par-dessus la rambarde et la levèrent des marches pour l'amener dans les buissons.

"Aaahh!" cria-t-elle avant qu'une main massive ne se pose sur sa bouche.

Melissa était innocente. Elle n'avait pas besoin de voir ce qui allait se passer ensuite.

<Je l'ai attachée!> cria Marco.

<Allez! Allez! Allez!> criai-je.