Chapitre 22

J'étais humain au moment où j'ai atteint le sommet des escaliers. Mais être humain n'est pas une grande morphose quand on pense à affronter des gars avec des fusils.

En courant, j'ai vu, à ma grande horreur, quelque chose émerger de la chair de mon épaule. À peu près de la taille d'un bout de doigt, écrasé, de la couleur de la boue. C'était la balle qui s'était logée dans mon épaule. Par chance, elle avait fini par sortir de mon corps alors qu'il se transformait en une forme plus petite.

La balle tomba sur le tapis.

Un faucon passa en trombe au-dessus, effleurant les murs de ses ailes. Une plume détachée descendit en flottant.

<Qu'est-ce que vous faites, à regarder comme ça ?> demanda Tobias.

"Est-ce qu'ils sont toujours à tes trousses ?"

<Ouais, mais je les ai semés temporairement. La pièce qu'ils gardaient est au bout du couloir, puis à travers cette grande chambre massive. Vous verrez une porte. La dernière fois que je suis passé, il y avait encore quelques gars qui la gardaient.>

"Qu'est-ce qu'on fait ?" demanda Marco.

Je jure que j'ai presque failli le frapper. Si une personne de plus me demandait quoi faire...

"Re-morphez. Mode combat. Tobias ? Essaie de joindre Rachel et Ax par télépathie. Si tu obtiens Rachel, dis-lui de démorpher tout de suite, sans discuter. Si tu obtiens Ax, dis-lui de -"

<Je les entends venir,> Tobias interrompit. <Dans cette pièce sur le côté ! Elle est déverrouillée. Je vais les éloigner !>

Marco, Cassie et moi nous nous sommes précipités dans la pièce latérale. J'ai entendu le bruit de pas lourds et fatigués passer devant.

"Où est cet oiseau stupide ?"

"Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi on le poursuit et qu'on fait des trous dans les murs et le plafond."

"Parce qu'on veut garder nos emplois, c'est pourquoi," grogna le premier homme.

Quand ils furent partis, j'étais en morphing de tigre. Le rhinocéros était super pour défoncer des trucs. Mais je voulais des yeux, des oreilles et des réflexes pour accompagner ma puissance. Et rien de ce que j'avais jamais morphé ne pouvait causer autant de dégâts que le tigre.

Cassie avait pris la forme d'un loup, Marco celle d'un gorille. En combat, c'étaient nos morphs standards.

<Rachel !> criai-je, dès que ma télépathie était de retour. <Rachel ! Si tu m'entends, démorphe ! Démorphe maintenant !> À Marco et Cassie, je dis, <Allez ! On y va !>

Marco ouvrit la porte avec ses doigts presque humains et nous avons couru. Dans le couloir, à travers une chambre qui, sans exagération, était aussi grande qu'un terrain de basket, jusqu'à la porte où deux types qui avaient l'air très effrayés se tenaient, armés.

L'un portait un fusil à pompe. L'autre une petite mitraillette. Ils étaient à dix mètres. Pendant un instant figé, personne ne bougea.

Je pouvais parcourir dix mètres en deux secondes.

Dans ces mêmes deux secondes, le gars avec la mitraillette pouvait tirer dix balles. Il pouvait facilement me tuer. S'il échouait, la force de mon saut, mon besoin désespéré de me défendre, garantirait qu'il mourrait.

Il était temps de parier. <Écoutez, vous deux...>

Ils me fixaient comme s'ils devenaient fous. Ils pouvaient deviner que c'était moi qu'ils entendaient dans leur tête. Mais ils n'avaient jamais imaginé parler à un tigre.

D'un autre côté, ils n'avaient jamais non plus prévu de se retrouver face à face avec un petit zoo en colère.

<Oui, c'est moi, le tigre. Ne vous préoccupez pas du comment ou du pourquoi. Tout ce que vous devez savoir, c'est que je ne veux pas vous blesser. Mais je dois passer. Vous pouvez me tirer dessus, mais vous ne me tuerez pas assez vite pour m'empêcher de vous abattre. Vous voyez cette patte ?>

J'ai levé une patte. Mes pattes de tigre sont à peu près aussi larges qu'une poêle à frire. J'ai étendu les griffes cruelles et jaunies.

<De cette patte, je peux littéralement vous décapiter et envoyer vos têtes rouler comme des boules de bowling. Maintenant, je ne sais pas combien vous êtes payés pour ce travail ->

"Pas assez," dit l'homme avec la mitrailleuse. "Je n'arrive pas à croire que je parle à des animaux. Mais ce tigre a du sens."

"On n'est pas payés suffisamment," approuva son partenaire. "On pose nos armes et on s'en va. D'accord, Monsieur le Tigre ?"

<D'accord. Cassie ? Garde un œil sur eux.>

Cassie fixa ses sens aiguisés de loup sur les hommes. S'ils avaient même pensé à essayer quelque chose de sournois, elle l'aurait su avant eux.

<Marco ? C'est ton tour d'ouvrir une porte. Ouvre cette porte.>

Marco leva ses énormes bras de gorille au-dessus de sa tête, se préparant à les abattre avec une force écrasante.

<Marco ? Essaie d'abord la poignée.>

<Oh.>

Il ouvrit la porte. Et je bondis à travers.