Chapitre 28

« Donc, c'est ça l'espace Zéro, » dit Loren en regardant par le hublot. « Nous y sommes depuis une journée entière et je ne comprends toujours pas ce que c'est. »

Je dirigeai mes yeux sur le hublot. Je voyais du blanc, du vide, de la blancheur. <L'espace Zéro n'est rien, vraiment,> dis-je doucement. <C'est l'anti-espace. Tu sais, comme l'antimatière et l'antigravité ? Eh bien, l'espace Zéro est l'anti-espace.>

J'avais expliqué cela au moins deux fois au cours de la dernière journée. Mais je suppose qu'elle essayait d'engager la conversation.

Elle avait vécu l'une des pires expériences qu'une créature puisse endurer : elle avait été faite Contrôleur. Je ne pouvais pas croire qu'elle parvenait même à parler sans pleurer.

Heureusement, le Yirk dans la tête de Loren était en fin de cycle d'alimentation. Les Yirks se nourrissent de rayons Kandrona. Tous les trois jours, ils doivent sortir de leur hôte et retourner à la piscine des Yirks pour absorber les rayons Kandrona.

J'ai donc passé un accord avec le Yirk affamé. Je pouvais garder Loren attachée et attendre que le Yirk meure de faim. Ou le Yirk pouvait sortir volontairement. J'ai accepté de le mettre en hibernation profonde. De le geler. Le Yirk a décidé que l'hibernation était préférable à la mort par privation de rayons Kandrona.

J'ai tenu ma promesse envers le Yirk. Après qu'il soit sorti de l'oreille de Loren, je l'ai congelé. Et puis je l'ai éjecté du vaisseau dans le vide de l'espace réel. Un jour, il pourrait être retrouvé et réanimé. Plus probablement, il sombrerait dans le puits gravitationnel d'une étoile et serait incinéré.

Surtout puisque je m'étais assuré de l'éjecter près d'un soleil.

Peut-être que cela ne respectait pas l'esprit de mon accord avec le Yirk. Mais d'une manière ou d'une autre, je m'en fichais. Mes notions de comportement approprié avaient apporté le désastre.

J'étais un imbécile. Un enfant stupide vivant des notions de décence et d'équité sorties d'un livre d'histoires.

Il n'y avait pas de décence dans la guerre. Alloran avait essayé de m'enseigner cela. Je l'avais appris trop tard.

« As-tu décidé où nous allons, Elfangor ? » demanda doucement Loren.

« Il ne sait pas, » dit Chapman. Il passait maintenant son temps assis dans un coin, nous lançant des regards noirs. Le Sub-Visser Sept avait été dans la tête de Chapman. Si cela avait appris quelque chose au stupide humain, ça ne se voyait pas. « Elfangor est confus. N'est-ce pas ? Il a vraiment foiré... Arbron piégé dans l'un de ces corps de mille-pattes, Alloran transformé en premier Contrôleur-Andalite. Presque perdu la Matrice du Temps. Ça va être dur d'expliquer tout ça aux gens à la maison, hein ? »

Je l'ignorai. La maison. Qu'est-ce que c'était la maison maintenant ? Était-ce que j'étais censé retourner chez moi ? Chez mes parents ? Courir librement sur mon ancienne herbe familière ? Passer mes journées avec mes vieux amis d'enfance ?

Je n'étais plus un enfant. Ma maison était toujours là, mais je n'y appartiendrais plus jamais.

Loren s'approcha de moi. « Elfangor. Reprends-toi. Nous tournons en rond dans l'espace Zéro. »

<Oui. Je sais.>

« Tu as fait de ton mieux. Tu es juste un gamin, comme moi. »

<Je suis un aristh dans l'armée andalite. J'ai désobéi à mon prince et cela l'a conduit à être asservi par les Yirks. Les Yirks vont maintenant apprendre tout ce qu'Alloran sait sur nos défenses. Tout ce qu'il sait sur les capacités de nos armes. Tout ce qu'il sait sur l'emplacement de nos vaisseaux. Au moins, il n'était pas un scientifique, donc il ne peut pas leur donner la technologie de morphing ou des logiciels informatiques. Mais il constituera tout de même la plus grande victoire en matière de renseignements de l'histoire des Yirks.>

Chapman secoua la tête. "Je suppose que j'avais raison de me rallier aux Yirks, hein ? Vous, Andalites, êtes finis. À moins que..."

Loren le regarda avec colère. "Pourquoi tu ne la fermes pas ?"

Chapman sourit simplement. "À moins que vous, Andalites, n'utilisiez ce truc de la Matrice du Temps. Retournez dans le temps, trouvez cette première petite tribu de limaces Yirk. Tuez-les et toute l'espèce Yirk est anéantie. Anéantie et elle n'a jamais même existé. Comment appelle-t-on ça ? Ah oui, génocide. Vous êtes partant pour un petit génocide, Elfangor ?"

Je secouai simplement la tête, lassé. <Ne perds pas ton temps à me provoquer, Chapman. Ça ne marchera pas.>

Loren avait l'air perplexe. "Que veux-tu dire ?"

<Il essaie de me pousser à utiliser la Matrice du Temps. Souviens-toi, il a été un Contrôleur, même brièvement. Le Sub-Visser Sept lui a laissé des instructions, juste au cas où quelque chose tournerait mal. Chapman sait que pour utiliser la Matrice du Temps, je devrais revenir dans l'espace réel. Je parie que les Yirks ont placé une balise de localisation sur le Jahar. Si nous revenons dans l'espace normal, nous illuminerons chaque capteur Yirk dans un rayon d'un million d'années-lumière.>

Je pus voir à la rage sombre sur le visage de Chapman que j'avais deviné juste.

Au moins, j'avais réussi une chose. Je n'étais pas assez fou pour tomber dans -

Soudain, c'était comme si une lumière s'était allumée dans ma tête. Partout où le Jahar émergerait dans l'espace réel, les Yirks se précipiteraient à sa poursuite.

Peu importe où.

Un piège ! Je pourrais tendre un piège !

Mais où ? Où devrais-je attirer la flotte Yirk ?

Vers l'Épée des Étoiles ! Mon ancien vaisseau. Elle était partie à la poursuite d'une force d'intervention Yirk près de la nébuleuse de Graysha. Elle espérait rencontrer un deuxième vaisseau Dôme là-bas.

Deux vaisseaux Dôme. Plus le Jahar. Suffisamment de puissance de feu pour faire face à tout ce que les Yirks pourraient rassembler.

Je me rendis au panneau de contrôle et entrai les coordonnées.

"Tu as un plan ?" demanda Loren.

<Plus ou moins,> marmonnai-je. J'avais déjà des doutes. <Il y a un endroit appelé la nébuleuse de Graysha. Nous ne savons pas grand-chose à son sujet. Mais il y a des rumeurs d'une espèce sentiente vivant dans cette région. Et il y a des rumeurs que les Yirks explorent la nébuleuse. Mon ancien vaisseau, l'Épée des Étoiles, s'y est rendu pour voir s'il pouvait localiser une force d'intervention Yirk que nous poursuivions.>

"Alors nous allons là-bas pour rejoindre ton ancien vaisseau. Est-ce que... est-ce que cet endroit, la nébuleuse, est plus proche de la Terre ?"

<Non.>

"Elfangor... est-ce que je vais un jour rentrer chez moi ?"

<Loren, je ferai de mon mieux.>

Chapman renifla. « Et tu as vu de quoi Elfangor est capable. Tu ferais aussi bien de dire adieu à la Terre. »