Chapitre 36 - Jake

Nous avons volé. À travers le champ de force juste au moment où la soucoupe condamnée décollait.

Les Mercora étaient tous sortis pour regarder le vaisseau décoller. Le vaisseau qui portait tous leurs espoirs avec lui. Ils ne nous ont pas vus dans l'obscurité.

J'étais en colère contre Tobias. J'étais en colère contre Ax pour l'avoir aidé. Mais je savais qu'ils avaient fait ce qu'il fallait. Ma colère en était la preuve. Vous voyez, même si je savais que Tobias avait raison, je pouvais m'énerver contre lui. Je pouvais essayer de le blâmer pour la tragédie qui allait se produire.

Ce qui signifiait que je n'avais pas à me blâmer moi-même.

Nous volions, de plus en plus haut. Il faisait sombre et nous passions si vite que les Ptérodactyles ne nous remarquaient même pas. Ils chassaient le jour. En fait, nous aussi, dans nos morphes d'oiseaux de proie. Notre vue n'était pas beaucoup meilleure que celle des humains dans l'obscurité.

Nous avons volé hors de cette vallée où les drôles de créatures-crabes cultivaient leur brocoli. Nous avons monté dans un ciel vierge de toute lumière artificielle, en direction de l'océan.

La comète était incroyable, et je suppose qu'elle aurait été magnifique. Si nous n'avions pas su ce que c'était. Si nous n'avions pas su ce que cela signifiait.

Nous avons volé pendant près des deux heures de notre limite de temps. Nous avons démorphosé, puis remorphosé aussi vite que possible. Cette fois, Cassie et Rachel ont utilisé leurs morphoses de chouettes pour nous guider tous dans l'obscurité.

<Quelle ampleur aura le boom quand ça frappera ?> demanda Rachel.

<Cela dépend de la vitesse de la comète et de sa taille,> dit Ax. <Les Mercora ont observé la comète. Ils disent qu'elle fait environ cinq de vos miles de large. Elle approche à une vitesse de quinze miles par seconde.>

<Par seconde ?> demanda Marco.

<Oui. Quand elle frappera, elle libérera autant d'énergie que, disons, un million d'armes nucléaires de ce sous-marin.>

<Pardon ? Un million de bombes nucléaires ?>

<Enfin, en supposant que les "bombes nucléaires" soient des exemples raisonnablement bien faits de technologie nucléaire primitive. Je suis très approximatif,> dit Ax. <Il y aura des ondes de choc. Une onde de choc avancera dans et à travers la Terre. Elle comprimera la roche en dessous, ce qui libérera tout le dioxyde de carbone piégé là. Il y aura une énorme boule de feu provenant des gaz explosifs et de la comète vaporisée elle-même. Tout ce qui se trouve dans un rayon de cent miles environ, chaque animal, chaque plante, tout, sera incinéré. Il y aura un énorme cratère, peut-être dix, vingt miles de profondeur.

<La deuxième onde de choc rebondira à partir de l'impact. Elle projettera des quantités massives de roches enflammées jusque dans l'espace. Ces roches enflammées tomberont sur une vaste zone. Lorsqu'elles rentreront dans l'atmosphère, elles provoqueront probablement une vague de chaleur massive, si chaude que les arbres et l'herbe prendront feu et brûleront. Tout être vivant à l'air libre sera cuit vif pendant que ->

<Assez !> cria Cassie.

<Ouais. C'est probablement assez d'informations,> acquiesçai-je. <La question est, comment survivre à ça ?>

<Et sommes-nous sûrs de le vouloir,> dit Tobias sombrement. <Les prochaines années sur la planète Terre ne seront pas amusantes. D'abord le feu, puis l'obscurité. L'obscurité et le froid et la mort partout.>

<Écoute, je suis intéressée par la survie,> dit Rachel. <Point final.>

<L'onde de choc est la première menace, puis la chaleur intense,> dit Ax. <Quand la comète frappera, peut-être devrions-nous être dans l'eau.>

<Nous serons mieux en vol jusqu'à la dernière minute,> dis-je. <Nous couvrirons plus de distance. Nous suivons la côte vers le nord, puis, à la dernière minute, nous nous dirigeons vers la mer.>

Nous avons volé. Toute la nuit, ne nous arrêtant que pour démorphoser toutes les deux heures. Le soleil s'est levé sur un paysage d'une beauté à couper le souffle. Nous étions au-dessus d'un delta fluvial. Des centaines de ruisseaux scintillants se dirigeant tous vers l'océan. Et dans cette luxuriance, les dinosaures. Des Triceratops lents, et des troupeaux d'énormes Saltasaurus, les dinosaures à long cou et à longue queue que nous avions rencontrés auparavant. Il y avait des hadrosaures et d'énormes crocodiles et des Ptérodactyles plongeant pour pêcher.

De grands géants maladroits. C'était un monde où les éléphants auraient semblé seulement de taille moyenne. Des centaines d'espèces de dinosaures, chacun un miracle de la nature.

Et oui, ici et là, alors que nous volions, nous voyions les tyrannosaures et les autres grands prédateurs. Pour une raison quelconque, bien que le Tyrannosaurus ait essayé à plusieurs reprises de nous tuer, c'était le Grand Rex que je plaignais le plus.

Ils étaient tellement sûrs de leur puissance. Tellement confiants. C'était leur planète et ils en étaient les rois. Je me demandais s'ils levaient parfois les yeux et remarquaient que quelque chose était différent dans le ciel. Je me demandais s'ils voyaient eux aussi la comète et ressentaient un frisson de peur.

La comète était visible même en plein jour brillant maintenant. Et c'était sous cette comète, et au-dessus de la vie grouillante du Crétacé, que nous volions.

Nous nous sommes finalement reposés dans les hautes branches d'un arbre. Tous sauf Ax, qui est resté en bas. Tobias était parfaitement à l'aise là dans les arbres. Et nous, les humains, pouvions nous accrocher et nous sentir un peu en sécurité.

Cassie a ri d'un rire triste. "Eh bien, nous y sommes, juste quelques dizaines de millions d'années en avance. Les primates évolueront, et ils apprendront à vivre dans les arbres, fuyant les chats à dents de sabre et autres prédateurs. Et nous y sommes maintenant, juste un peu en avance."

"À présent, ils savent," dit Rachel, en regardant en direction d'où nous venions.

"Qui ?" demanda Marco.

"Les Mercorans. Ils savent que la bombe n'a pas explosé. Ils savent que tout est fini pour eux."

Marco hocha la tête. "Oui. Je me demande s'ils savent pourquoi ? Je veux dire, que c'est nous qui l'avons fait. Je me demande s'ils ont compris que nous ne venions pas d'un endroit lointain, mais d'un temps lointain sur cette planète. Je me demande s'ils comprendront pourquoi nous... tu sais, pourquoi."

Un Saltasaurus est passé et a levé sa tête de serpent dans l'arbre, indifférent à nous, et a grignoté des feuilles.

La nuit est revenue, et maintenant nous volions avec urgence, désespérés de chaque dernier kilomètre. Et finalement, Ax a dit que c'était le moment.

Nous avons dévié vers la mer. Nous avons atterri dans l'eau, espérant éviter d'être dévorés dans les quelques minutes restantes. Nous nous sommes transformés en dauphins, et avons attendu que le monde se termine.