Chapitre 11

Je me dégageai de Loren, horrifié et honteux de mon comportement. Qu'est-ce qui m'arrivait ? Je me comportais comme un enfant, pas comme un aristh.

Puis je vis Arbron.

Il avait été blessé. Il saignait d'une profonde entaille à son bras gauche. Ses yeux principaux étaient grands ouverts, exprimant presque de la panique.

Alloran était occupé à attacher le Hork-Bajir blessé. Les Taxxons blessés furent poussés dans un petit débarras. Alloran les enferma en soudant la porte avec son découpeur.

« Ça va ? » me demanda Loren.

< Oui. Bien sûr. Je vais bien, > dis-je sèchement. Mais j'avais les tripes à l'envers. Une sensation horrible envahissait mes pensées. Je me sentais abasourdi. J'avais l'impression de ne même plus être moi-même. C'était comme si j'étais une personne totalement différente, debout à côté, me regardant simplement.

Loren me laissa seul et alla voir Arbron. Elle déchira la manche de sa chemise et l'enroula autour du bras ensanglanté d'Arbron.

Alloran s'approcha et jeta un coup d'œil au bras d'Arbron. < Tu vas t'en sortir, aristh, > dit-il. < Retourne au poste d'armement. Nous venons juste de commencer. Nous devons faire descendre cette caisse Yeerk sur la planète. Aristh Elfangor, prends les commandes. Les contrôles sont plus primitifs que ceux de nos propres vaisseaux, mais ->

Ni Arbron ni moi n'avions bougé. Alloran me lança un regard furieux de me voir ignorer son ordre. Mais ensuite, je vis son expression s'adoucir.

< C'est ta première fois. Tu t'es bien battu. Vous deux. C'est toujours dur la première fois. Et ça ne devient jamais facile. Mais j'ai besoin de vous deux. Maintenant. >

Je hochai la tête. < Oui, Prince Alloran. Je vais prendre les commandes. >

< Toi. Alien, > dit-il à Loren. < Retourne dans le Jahar. Nous serons absents un moment. Ne touche à rien. >

Loren tourna la tête pour regarder par-dessus son épaule. Les humains doivent faire cela pour voir derrière eux. Elle hésitait visiblement. Elle mordit sa lèvre inférieure avec ses petites dents blanches.

< Qu'y a-t-il ? > demandai-je.

Elle hésita encore. Puis, « Écoute, dis-moi la vérité. Jure par ce qui est vraiment important pour toi. Jure que tu vas ramener Chapman et moi sur Terre. »

< Bien sûr que nous le ferons. Dès que nous le pourrons, > dis-je.

Elle soupira, un son qui impliquait de souffler de l'air par sa bouche. « Écoute, c'est Chapman. Je suis sûre que c'est un type bien et tout, vraiment... »

< Tu ne lui fais pas confiance. >

« Si tu nous laisses tous les deux ici sur le Jahar, il essayera quelque chose. Je sais qu'il le fera. Et je sais que tu penses que nous sommes trop primitifs pour pouvoir piloter ton vaisseau ou quoi que ce soit, mais ne compte pas là-dessus. Chapman ne t'aime pas. »

< Oui. J'ai eu cette impression, > dis-je. < Mais nous pouvons dire à l'ordinateur du vaisseau de ne pas lui permettre de faire quoi que ce soit. Il ne pourra pas piloter le vaisseau ni utiliser les communications. Ça ira. > Avec mes yeux sur tige, je vis que le Prince Alloran était occupé avec Arbron. < Tiens. Prends ça. Cache-le sous tes vêtements. Utilise-le si Chapman te cause des ennuis. Il est réglé sur le niveau deux. Il suffit de le pointer et d'appuyer sur la gâchette. >

Loren prit le découpeur de mes mains et le glissa sous sa chemise. « Écoute... bonne chance là-bas sur la planète. Quoi que vous fassiez là-bas. »

Puis elle a rapproché son visage du mien et a pressé ses lèvres contre le côté de mon visage. C'était une chose très étrange à faire. Quelque chose qu'aucun Andalite ne ferait jamais. Et pourtant, cela ne me dérangeait pas.

<Aristh Elfangor ? Quand vous aurez le temps de nous rejoindre...>, dit Alloran avec aigreur.

<Prêt, monsieur ! Préparation à couper la connexion avec le Jahar.>

La trappe se ferma, coupant Loren, l'humaine, de notre vue.

Elle irait bien, me dis-je. Le Jahar était bien protégé. Avec les moteurs éteints, il serait presque impossible pour les Yeerks de le détecter. Et elle avait le déchiqueteur au cas où l'autre humain essaierait de causer des problèmes.

Je me concentrai sur la compréhension des commandes du vaisseau. Elles étaient conçues pour des mains de Taxxon. Mais les bases restaient les bases. Je calculai une approche simple vers le principal spatioport du monde des Taxxons. Je mis en marche les moteurs et ensuite, alors que nous nous éloignions en prenant de la vitesse, je regardai en arrière et vis le Jahar.

<Ces humains sont une douleur dans le postérieur,> dit Arbron. <Comme si nous n'avions pas déjà assez d'ennuis ? Nous devons veiller sur une paire d'aliens primitifs ?>

<Elle est à un million d'années-lumière de chez elle, Arbron. Confrontée à des espèces dont elle n'avait jamais soupçonné l'existence. Brusquement plongée au milieu d'une guerre intergalactique. Je pense qu'elle est très courageuse.>

Arbron s'occupait à apprendre la station informatique du vaisseau étrange. Mais ensuite, avec un air faussement détaché, il dit : <Au fait, merci. Tu m'as sauvé la vie là-bas. Je suppose que tu as absorbé plus de choses de l'ancien Sofor que tu ne le pensais, hein?>

<Je suppose que oui,> dis-je.

<Tu étais quelque chose, Elfangor. Tu m'as fait peur. Hé, je pense même que tu as effrayé Alloran. Tu as vraiment ->

<Bon, tais-toi, d'accord?>

<Je disais juste que tu étais génial là-bas. Action de queue plus rapide que la lumière. Quand tu as coupé la tête du grand Hork-Bajir ? C'était incroyable.>

Je voulais qu'Arbron se taise. Je ne voulais pas penser à ce qui s'était passé. Je ne voulais pas m'en souvenir.

Et pourtant, cette autre partie de moi s'accrochait à chaque mot. Cette autre partie de moi rejouait le combat dans ma tête, me voyant comme Elfangor, le grand héros.

<Parcours établi?> me demanda Alloran.

<Oui, Prince. Nous devrions arriver dans trente minutes.>

<Bon. Alors c'est le moment. Nous devons acquérir les Taxxons.>

Acquérir, c'est absorber l'ADN d'une espèce. C'est la première étape pour prendre la forme de cette créature.

Nous allions devenir des Taxxons.