Chapitre 5

Je laissai l'air s'échapper de mes ailes et glissai entre les arbres. J'atterris silencieusement sur le sol, mes yeux focalisés comme des lasers sur Visser Trois tout du long. S'il montrait le moindre signe d'avoir remarqué l'un de nous atterrir, nous allions décoller sans réfléchir. C'était le plan.

Le Visser trottait à travers l'herbe, se nourrissant avec ses sabots comme le ferait n'importe quel Andalite ordinaire. Les Hork-Bajir et les Contrôleurs humains regardaient vers l'extérieur, comme des agents des services secrets autour du Président.

Je l'observai attentivement pour voir s'il remarquait notre arrivée en atterrissages échelonnés. Rien d'inhabituel. Aucun signe que ses gardes nous avaient vus.

Je volai entre les branches des arbres. Arrêt, vol, arrêt de nouveau. Jusqu'à ce que je sois à une centaine de pieds environ du Visser. Puis je tombai au sol, trouvai une cachette derrière un énorme orme, et commençai à démorphoser.

Même si je l'ai fait des dizaines de fois maintenant, la morphose ne cesse jamais de me faire flipper. Je veux dire, parlons d'inhabituel. Ça ne fait pas mal, mais c'est quand même juste terrifiant.

Une démangeaison m'envahit alors que mes plumes devenaient douces et se transformaient en peau. Mes ailes, désormais de chair pâle comme un poulet plumé, commencèrent à se rétrécir et à disparaître dans mes omoplates. Je pouvais sentir les os de mes jambes craquer alors qu'ils s'étiraient jusqu'à leur longueur normale et devenaient lourds.

SPLOOT! Soudainement, des doigts. Je pouvais les sentir bouger, mais ils étaient attachés à mes épaules ! Ugh. Mes bras surgirent de mon torse comme des plantes poussant hors du sol en accéléré, poussant les doigts et les mains devant eux, atteignant leur longueur habituelle en quelques secondes.

J'étais maintenant complètement humain, vêtu d'un pantalon de cyclisme noir et moche et d'un t-shirt blanc et moulant. Nous n'avons jamais réussi à morphoser des vêtements, à part des trucs moulants. Oubliez les chaussures. Ce n'est probablement même pas possible. Les Andalites ont inventé la technologie de morphose. Et comme ils ne portent pas de vêtements, morphoser une « peau artificielle », comme dit Ax, n'est pas un problème pour eux.

Je restai accroupi là dans la saleté pendant quelques minutes, reprenant mon souffle avant de morphoser à nouveau. Cette morphose n'était pas aussi amusante qu'un balbuzard pêcheur. En fait, c'était carrément dégoûtant.

Je me concentrai. Je m'imaginai en mouche.

SCHLOOP! Mes bras et mes jambes se ratatinèrent dans mon corps avec un son semblable à celui que vous faites quand vous aspirez une nouille de spaghetti dans votre bouche. Heureusement que j'étais accroupi quand j'avais commencé, sinon je me serais écrasé au sol.

Très agaçant. Pas de jambes ni de bras. Malheureusement, chaque morphose est différente à chaque fois. Vous ne savez jamais exactement comment les choses vont se passer.

Puis je commençai à rétrécir. Les arbres autour de moi devenaient de plus en plus grands à mesure que je devenais de plus en plus petit. Les feuilles au sol à côté de moi semblaient aussi grandes que des parkings. J'étais à la taille d'une mouche maintenant, mais mon corps était encore plus humain qu'insecte.

À ce moment-là, je n'étais pas une créature attirante. Marian ne m'aurait pas invité à sortir.

Mon torse sans membres a commencé à se diviser en trois parties. Six petites pattes poilues ont jailli de mes côtés. Une démangeaison sur mon dos a soudainement fait pousser de minuscules ailes translucides.

Tout ce qui restait de la métamorphose était la partie que je redoutais le plus. Soudain, mes deux yeux ont commencé à éclater. Les deux yeux sont devenus quatre. Puis seize. Puis deux cent cinquante-six. Et ainsi de suite. Je voyais le monde à travers des milliers de minuscules écrans de télévision flous, orientés dans toutes les directions. Des yeux composés.

Un long tube a jailli de mon visage, une trompe que les mouches utilisent pour recouvrir leurs ordures de salive avant de s'en régaler.

Si je me métamorphose en mouche un million de fois de plus, je ne m'habituerai jamais à l'horreur pure de cela.

Nous avons perdu environ une demi-heure à nous regrouper. Six mouches dotées de sens conçus pour trouver des excréments de chien. Pas facile, mais nous avons fini par nous assembler en une sorte d'escadron hideux.

Nous avons décollé. Un petit escadron de mouches nerveux, mécontent et irritable en mission pour intercepter la créature la plus cruelle sur Terre.

Juste une autre journée amusante en tant qu'Animorph.