Chapitre 21

Je me suis assis. Très soudainement. Je suis sûr que cela avait l'air drôle. Un grand gorille poilu simplement tombant.

J'aurais ri si je l'avais vu.

Ma mère. Pas morte.

Vivant !

Je voulais crier. « Maman ! Maman ! C'est moi, Marco ! »

Mais Jake était dans ma tête, un murmure fort et urgent. <Marco ? Ne dis rien. Ne fais rien. Tu m'entends?>

Je n'étais donc pas en train de l'imaginer. Jake l'avait reconnue, lui aussi.

<Marco ? Écoute-moi, mec. Tu dois te ressaisir.>

Ma mère... vivante.

Ma maman.

<Allez, Marco, lève-toi. Ne les rends pas suspicieux.> Il ne parlait qu'à moi.

Je pouvais entendre Jake. Je pouvais. Mais cela semblait venir de loin. Il ne comprenait pas. C'était ma maman. Ma maman !

<Marco ? Ce n'est pas ta mère. Plus maintenant. Ce n'est pas elle.>

<Jake ? C'est ma maman. Regarde, c'est elle.>

<Non, ce n’est pas elle, Marco. Plus maintenant. Ils l’ont. Elle est l’un d’eux. L’un d’eux !>

<Pourquoi, Visser Un,> ricana Visser Trois, <vous semblez avoir effrayé l'humanoïde.>

« Ça s'appelle un gorille, » dit froidement Visser Un. « Si vous devez être en charge de la Terre, Visser Trois, vous devriez au moins apprendre quelque chose sur la planète. »

<Et prendre un corps hôte humain, comme vous l'avez fait ? Non, je ne pense pas. Les corps humains sont faibles. Je préfère de loin cet hôte andalite.>

Ma mère le regarda et retroussa les lèvres. « J'ai pris un hôte humain et j'ai appris sur la planète et les humains. Et grâce à cela, j'ai pu commencer l'invasion que vous avez maintenant mise en danger par votre incompétence criminelle ! »

La queue mortelle de l'andalite de Visser Trois frémit, comme s'il allait poignarder ma maman... Visser Un. Les troupes rouges se tendirent. Les troupes dorées laissèrent leurs mains s'approcher de leurs armes.

<D'accord,> dit Rachel. <Je pense que nous avions raison. Ces deux-là ne s’aiment définitivement pas.>

Elle ne savait pas, réalisai-je lentement. Rachel ne savait pas. Mais elle n'avait jamais rencontré ma mère. Ni Cassie, ni Tobias. Et Jake avait gardé notre conversation privée.

Visser Trois se détendit lentement. <Vous aimeriez me provoquer, Visser Un,> dit-il. <Mais le fait est que j'ai détruit la force andalite. J'ai abattu leur vaisseau-dôme. J'ai tué le Prince Elfangor moi-même et entendu ses cris mourants. Et maintenant, j'ai éliminé ce dernier, pathétique rassemblement d'andalites.>

Ma maman... Visser Un... sourit simplement. « Vous voulez être Visser Un ? Vous pensez pouvoir prendre mon titre ? Nous verrons bien. Le Conseil des Treize n'aime pas les Vissers qui font des erreurs. Et vous avez fait des erreurs. Méfiez-vous de votre propre ambition. »

Elle claqua des doigts, et tous les soldats en or se retournèrent. Puis elle s'éloigna, suivie par ses troupes en uniforme doré.

Ce n'était pas ma mère. Du moins, pas la créature qui se faisait appeler Visser Un.

Visser Un était le Yirk à l'intérieur du cerveau de ma mère.

Mais ce qui est écœurant, voyez-vous, c'est que l'esprit de l'hôte est toujours vivant. Il est toujours conscient. Quelque part dans cette tête, derrière ces yeux douloureusement familiers, ma mère vivait encore.

<Calme-toi, Marco,> dit Jake. <Je sais ce que c'est. Je sais à quel point tu veux faire quelque chose. Mais ce n'est pas le moment. Ils nous abattraient avant que nous ne fassions deux pas.>

« Je sais, » dis-je d'un ton morne. Je me détestais de ne pas essayer, mais je savais qu'il n'y avait rien que je puisse faire. Je devais me cacher dans ma morphose. Ne jamais laisser ma mère savoir que c'était moi. Ne jamais lui laisser savoir...

Lentement, lourdement, je me levai. Je me sentais faible. Une sensation très étrange pour un gorille.

Je pense qu'à ce moment-là, si j'avais été dans une autre morphose, j'aurais simplement abandonné et laissé l'esprit de l'animal prendre le dessus. Laisser l'instinct dominer et effacer mes émotions humaines.

Mais le gorille était trop semblable à un humain. Ses instincts étaient doux. Comme les humains, c'était une créature avec des émotions. Il ne pouvait pas me protéger de la douleur.

« Ne le dis pas aux autres, Jake, » dis-je. « Tu es le seul à l'avoir reconnue. »

« D'accord, Marco. »

« Tu ne peux même pas le dire à Cassie, d'accord ? »

« C'est bon, mec. Tu es mon plus vieil et meilleur ami. Tu le sais. Personne ne le saura jamais de ma part. »

Visser Trois nous observait toujours. Je pense qu'il ne savait pas quoi faire ensuite.

« Six Andalytes, » dit-il. « Six corps d'Andalytes qui pourraient être utilisés par mes lieutenants les plus loyaux. »

Ax explosa. « Et puis il y aurait d'autres comme toi, ordure ! D'autres Contrôleurs-Andalytes. D'autres abominations contre nature comme toi, immonde ! »

Visser Trois pencha la tête pensivement. « Pourquoi es-tu le seul à parler ? Tu as raison bien sûr : pourquoi permettrais-je à quiconque d'acquérir les pouvoirs de morphose des Andalytes ? Mais tu es un enfant. Pourquoi les autres restent-ils silencieux ? Et pourquoi vous cachez-vous tous dans vos morphoses ? Curieux. Très curieux. »

Il sembla y réfléchir pendant une minute. Réaliserait-il la vérité ? Comprendrait-il que la raison pour laquelle nous restions silencieux était pour qu'il ne devine pas que nous étions humains ? Comprendrait-il que c'est pour cela que nous restions en morphose ?

Il sembla hausser les épaules.

« Ramenez-les dans une cellule de détention. Triplez la garde. Au moindre problème, tuez-les tous. »