Chapitre 5

Je tournai en rond. Examinai le sol à la recherche de signes d'activité Yeerk.

J'avais dépassé le stade de l'embarras et maintenant j'étais agacé. Ce qui est une façon polie de dire que j'étais énervé.

<Ça va?> demanda Tobias, volant près mais pas assez près pour éveiller les soupçons si nous étions observés depuis le sol. Un pygargue à tête blanche et un faucon à queue rousse ne volent généralement pas ensemble.

<Non,> dis-je sur un ton bourru.

<Tu veux en parler?>

Il y eut un long silence.

<Tu peux en parler?>

<Je ne veux pas être méchant,> dis-je rapidement. <Tout ce que je voulais dire, c'est que je ne veux pas te charger de quelque chose que tu ne peux pas gérer.>

Tobias se tourna sous moi.

<Super. Merci de si bien me connaître. Écoute, Rachel. Je peux le gérer. Qu'est-ce qui se passe?>

<Ce qui se passe, c'est que j'en ai marre que tout le monde agisse comme si j'étais une espèce de va-t-en-guerre, alors que tout ce que je suis, c'est prête et disposée à faire mon devoir. Marco se plaint et se relâche à chaque occasion. Alors pourquoi tout le monde me regarde comme ça et pas Marco?>

<C'est pas vraiment juste,> dit Tobias calmement. <Marco fait sa part et tu le sais.>

<D'accord. Donc ce n'est pas un tire-au-flanc. Mais c'est un râleur. J'en ai ras-le-bol de tout ce "Pourquoi moi ? Pourquoi nous ?" tout le temps. Pourquoi tout le monde le laisse passer?>

Tobias vint à côté de moi, glissant facilement sur une colonne d'air chaud.

<Je pense que c'est parce que Marco dit simplement ce que tout le monde pense mais ne dirait jamais vraiment.>

<D'accord. Alors pourquoi tout le monde ne lui dit pas d'arrêter de se plaindre et de faire le boulot ? Pourquoi c'est moi le méchant?>

<Les autres ne disent peut-être pas les choses que Marco dit, mais en gros, tout le monde ressent la même chose que lui. Ils ne veulent vraiment pas faire partie de tout ça. D'un autre côté, personne ne comprend vraiment d'où tu viens et... Laisse tomber.>

Il s'arrêta et glissa vers le bas et s'éloigna.

<Et quoi?> insistai-je, en le suivant.

Tobias ne répondit pas.

<Tu as dit que tu pouvais le gérer,> lui rappelai-je.

<D'accord. D'accord. Je ne pense pas que quelqu'un comprenne vraiment d'où tu viens, Rachel. Tu es trop dedans et pendant un moment ça allait pour nous. Mais maintenant, ça commence à effrayer tout le monde.>

Tobias accéléra et me dépassa.

<Ça te dérangerait si je prenais un petit dîner?> dit-il soudainement.

Il n'attendit pas de réponse et plongea en piqué, serres tendues en avant.

Je le regardai se rapprocher du rat. Je me sentis encore plus isolée que d'habitude.

Avait-il raison?

Les autres pensaient-ils que j'étais une sorte de sadique assoiffée de sang qu'ils supportaient juste parce qu'ils avaient besoin de moi?

Commençaient-ils vraiment à me détester autant que je commençais à le penser?

Je vis Tobias attraper le rat et se diriger vers un arbre lointain.

Je sentis un frisson de dégoût.

Puis de la colère.

Où Tobias trouvait-il le culot?

Où est-ce qu'un gamin qui est un faucon qui mange des rats se permet de dire que je fais peur aux gens?

Et pour ce qui est de mon implication? Que j'aime ça? Pensent-ils vraiment que Jake n'aime pas ça?

Peut-être que Jake n'aime pas le carnage. Mais la bataille plus large?

Bien sûr que Jake aime ça. Qui ne le ferait pas?

Le frisson du commandement. L'adrénaline. La victoire!

Je me suis envolée, laissant Tobias à son dîner. Au loin, la lumière rouge clignotante d'une tour radio semblait m'appeler.

Marco pouvait parler pour Cassie, Ax et Tobias. Mais pas pour Jake.

Jake n'était pas un lâche geignard dans l'âme, comme Marco.

Jake n'était pas trop émotif comme Cassie.

Il n'était pas renfermé et passif comme Tobias, ni un suiveur aveuglement fidèle comme Ax.

Jake était comme moi. Fort, courageux et agressif.

ATTENDS.

C'est ça.

Jake se sentait menacé par moi.

Tellement menacé qu'il montait les autres contre moi.

Essayant de me démoraliser.

Essayant de s'assurer que je ne prenne pas le contrôle.

J'ai stabilisé ma trajectoire de vol et corrigé ma route en m'alignant sur la lumière rouge au sommet de la tour.

Quelques instants plus tard, j'ai vu le toit de ma maison en dessous et je me suis détournée de mon chemin.

J'ai essayé de me détourner...

Je ne pouvais pas.

Impossible de changer de direction. Impossible de changer de cap.

Je volais directement vers la tour radio. Vers la lumière rouge.

Tourne, Rachel, tourne !

Mais je ne pouvais rien faire d'autre que continuer à voler tout droit devant.

Plus proche. Plus proche !

Quelque chose n'allait pas. Vraiment pas. C'était comme être sous l'emprise d'un rayon tracteur.

Ça me tirait vers la tour. Vers la lumière rouge.

J'allais m'écraser directement dessus.

J'allais m'écraser.

Et j'allais brûler.