Chapitre 22 - Jake

Je m'appelle Jake.

J'étais dans ma morphose de faucon pèlerin à la recherche de Cassie quand Marco est arrivé en trombe, battant des ailes à toute vitesse.

<Je l'ai trouvée,> dit-il. Mais sa voix en pensée était sombre.

<Que s'est-il passé?> exigeai-je.

<La version courte? Elle est maintenant un Contrôleur. Et si on ne se bouge pas, on est de la nourriture pour chiens.>

J'ai absorbé le choc soudain. Pas le temps d'avoir peur pour Cassie. Je devais agir. Mais nous devions être tous ensemble, et cela prendrait du temps. Nous étions dispersés sur vingt miles de forêt.

Les parents de Cassie avaient commencé à s'inquiéter quand elle n'était pas revenue après être soi-disant allée réparer l'abreuvoir. Sa mère avait commencé à appeler tous ses amis, en commençant par Rachel. Son père était allé là où se trouvait l'abreuvoir et avait trouvé la jument préférée de Cassie errant à l'extérieur de la clôture, égratignée, mouillée, avec la selle de travers.

Son père connaît les animaux sauvages. Il a trouvé les traces d'ours. Il a suivi les traces de cheval et d'ours jusqu'à ce qu'il fasse trop sombre pour voir.

Ils ont appelé la police et le service des parcs. Une recherche a été organisée. Mais il est presque impossible pour des gens de trouver une seule personne dans cent miles carrés de forêt.

Rachel m'a appelé. J'ai appelé les autres. Marco a dit quelque chose qu'il ne pensait pas vraiment à propos de Cassie n'étant plus une Animorphe, donc elle n'était pas notre problème. Rachel l'a mis à terre.

Marco est mon meilleur ami, mais il y a des moments où j'admire la franchise de Rachel.

Nous avons passé la nuit en morphose de chouette, flottant silencieusement au-dessus de la forêt. Les chouettes voient la nuit la plus noire comme midi par un ciel sans nuages. Mais tout ce que nous voyions, c'étaient les nombreux petits animaux de la forêt et, parfois, les groupes de recherche et leurs lampes de poche.

C'est Marco qui a compris que nous faisions une erreur. Regarder avec les yeux n'était pas le seul moyen. Il s'est morphosé en loup et a utilisé son incroyable odorat pour suivre l'odeur de la jument jusqu'au bord de la rivière. Nous avons trouvé une bande de tissu déchirée accrochée à un buisson épineux.

Cassie était entrée dans la rivière.

Puis nous avons entendu certains des chercheurs parler. Ce n'était pas seulement Cassie qui manquait maintenant. Il y avait une petite fille nommée Karen.

Quand le soleil s'est levé, nous sommes passés aux morphoses d'oiseaux de proie. Et nous nous sommes concentrés sur le suivi du cours de la rivière. Pour être honnête, nous cherchions surtout un corps allongé dans l'eau. Je veux dire, bien sûr, nous espérions toujours qu'elle était vivante. Mais nous savions que Cassie avait tous les pouvoirs de morphose à sa disposition. Bien sûr, si elle était vivante et en sécurité, elle se métamorphoserait et rentrerait chez elle en volant.

Nous nous sommes dispersés, loin et large, à la recherche de n'importe quel indice. Et je suppose que Marco avait finalement trouvé quelque chose.

Maintenant, avec nous tous rassemblés, Marco a tout raconté. Il a dit comment Cassie s'était révélée au Contrôleur, Karen. Il a dit comment elle avait sauvé Karen du léopard avec l'aide involontaire de Marco. Et il a dit comment Cassie s'était laissée transformer en Contrôleur dans une tentative désespérée de sauver la fillette humaine, Karen.

<Elle est idiote !> conclut Marco avec sauvagerie. <En ce moment, ce Yirk dans sa tête sait tout. Tout !>

<Pourquoi Cassie ferait-elle ça ?> s'interrogea Ax. <Il est évident que ce Contrôleur doit être éliminé.>

<Cassie devait avoir une raison,> dit Rachel.

<Bien sûr qu'elle avait une raison,> dis-je.

<Ouais ? Laquelle ?> demanda Marco. <Quelle raison pourrait-elle avoir de nous livrer tous aux Yirks ?>

<Tu ne sais vraiment pas, Marco ?> lui demandai-je. <Tu ne sais vraiment pas pourquoi quelqu'un ne voudrait pas tuer ? Ou même rester là sans rien faire pendant que quelqu'un d'autre tue ?>

<Elle n'a pas le choix !> dit Marco.

<Il y a toujours un choix,> dit Tobias. <Je ne peux pas en vouloir à quelqu'un de ne pas vouloir prendre une vie. Je ne peux pas en vouloir à quelqu'un de penser que la vie est sacrée. Je ne peux tout simplement pas.>

Cela m'a surpris, qu'il prenne la défense de Cassie. Tobias vit comme un pur prédateur. Pour lui, tuer est quelque chose qu'il doit faire pour déjeuner.

<C'est une guerre,> dit froidement Rachel. <Nous nous battons pour nos vies. Nous avons le droit de faire tout ce qu'il faut pour gagner.>

<Peut-être que nous perdrons, peut-être que nous gagnerons,> dis-je. <Mais si nous gagnons et qu'un jour tout est fini, tu ferais bien d'espérer qu'il y ait encore plein de Cassie dans le monde. Tu ferais bien d'espérer que tout le monde n'ait pas décidé que c'est acceptable de faire tout ce qu'il faut pour gagner.>

Tout le monde resta silencieux pendant un moment, et nous volâmes avec ardeur. C'était étrange, ce silence. Je suis censé être le leader, bien que chaque jour qui passe, je souhaite un peu plus ne pas l'être. Mais une chose qu'un leader fait, c'est essayer de comprendre son équipe. Je les comprenais.

Je comprenais le silence quasi total d'Ax. C'était une affaire entre humains. Pas son affaire.

Je comprenais la colère de Rachel. Elle avait l'impression d'être accusée d'immoralité, comparée à Cassie.

Je comprenais Tobias, après y avoir réfléchi un moment. Tobias est un être humain vivant à l'intérieur d'un faucon. S'accrocher aux idées et vertus humaines est important pour lui. Il valorise la pitié et la gentillesse, car il vit dans un monde où il n'y a pas de pitié.

Je comprenais Marco. Marco est une de ces personnes qui arrivent directement à la conclusion, sans beaucoup de questionnements et de suppositions. On pourrait dire qu'il est intelligent. Ou efficace. Ou je suppose qu'on pourrait dire qu'il est impitoyable. Il n'est ni méchant ni cruel. Il passe juste du point A au point Z plus vite que la plupart des gens.

<Alors, qu'est-ce qu'on va faire quand on arrivera là ?> demanda Rachel après un moment.

<Je ne sais pas,> avouai-je. <Voyons d'abord si on la trouve.>

<Je viens juste de la trouver,> dit Rachel. <Il y a un balbuzard qui sort des arbres. C'est elle.>

<Je le vois,> dit Tobias.

Nous le vîmes tous. Et nous savions que le balbuzard nous voyait.