Chapitre 8

J'étais dans la fissure de la ligne de vie de la main. Et à cause de cette minuscule indentation, je n'étais pas mort.

Mais j'étais brisé.

Mon aile gauche avait disparu, arrachée. Mon aile droite bougeait à peine. J'étais aveugle de l'œil droit.

Quatre de mes pattes étaient cassées. Mais de loin le pire était que mon corps, mon corps vert-noir, avait éclaté.

Mais il n'y avait pas de douleur. Pas de douleur. Juste la terreur.

<Aaaahhh ! Aaaahhh ! Aaaahhh !>

<Jake ! Que s'est-il passé ?> s'écria Cassie.

<Jake, qu'est-ce qui ne va pas ?>

<Je... je me suis fait frapper.>

<Tu vas bien ?> demanda Tobias.

<Non. Je suis vraiment amoché. Je ne peux pas voler. Je ne peux pas bouger. Je suis comme, coincé. Coincé au plafond.>

<Oh, mon Dieu,> s'exclama Cassie.

<Il ira bien s'il se détransforme,> dit Marco.

<Comment va-t-il se détransformer ?> exigea Tobias. <Il est écrasé au plafond. S'il se détransforme, ce sera juste devant tout un avion plein de gens.>

"Le capitaine a allumé le panneau des ceintures de sécurité. Nous commençons notre descente."

<Les gars... J'ai l'impression que je deviens faible,> dis-je. <Étourdi. Mes entrailles sont partout. Je pense que je vais peut-être mourir.>

<Détransforme-toi !> cria Cassie.

<Il ne peut pas !> dit Marco. <Il sera vu. Il y a probablement des Contrôleurs dans cet avion !>

<Je m'en fiche. C'est Jake. Je ne vais pas le laisser mourir !>

Mon esprit a commencé à vagabonder à ce moment-là. Comme si je ne pouvais pas vraiment me concentrer. Je les ai entendus se disputer dans ma tête. Des voix... des voix...

<Jake ! Es-tu toujours avec nous ?> demanda quelqu'un. Je pense que c'était peut-être Tobias.

<Oui. Ouais.>

<Il est en train de mourir,> siffla Cassie. <Attendez ! J'ai une idée.>

La bonne vieille Cassie, pensai-je. La bonne vieille Cassie. Elle était si jolie. Elle ne pensait pas qu'elle l'était, mais elle l'était. Ouais. Je me souviens quand je l'ai rencontrée pour la première fois... Et Rachel était là. L'école ? Non, c'était... c'était...

Tout à coup, des monstres autour de moi. Je les ai vus se pencher sur moi, planer dans l'air, puis atterrir. Ils avaient de grands yeux globuleux qui scintillaient avec toutes les petites facettes. Ils avaient des visages hideux avec de longs tubes répugnants qui sortaient, comme des langues capables d'aspirer. Leurs ailes étaient diaphanes.

Ils m'ont attrapé avec leurs pieds griffus.

<Oh, pauvre Jake,> une voix cria désespérément.

<Est-ce qu'on... est-ce qu'on ramasse les tripes ou quoi?>

<Dépêchez-vous !>

<Jake ! Tiens bon, mec. Tiens bon, mec. Ne nous lâche pas.>

<Jake, tiens bon. Tiens bon, on va te sauver.>

Et puis un horrible choc.

<Ahhh ! Oh, mec. La jambe que je tenais vient de se détacher !>

<Je ne peux pas tenir ! Trop de turbulences à cause des ailes qui battent en même temps !>

<Ne le lâche pas ! Ne le lâche pas !>

Je flottais dans les airs. J'étais un peu serein maintenant. Un peu paisible. Bien que quand j'ai réalisé que la moitié de mon corps était partie, j'ai ressenti de l'inquiétude. Mais c'était une inquiétude lointaine. Comme si je m'inquiétais pour quelque chose que je regardais à la télé. Pas quelque chose qui m'arrivait à moi.

<Okay, okay. C'est la salle de bain. Jake ! Démorphose !>

<Allez, Jake, redeviens humain maintenant.>

Pourquoi criaient-ils tous ? Ils criaient et criaient et m'embêtaient.

<Jake, c'est Cassie. Écoute-moi. Tu dois démorphoser. Tu dois le faire maintenant.>

Cassie. Oh, oui. Elle. Je l'aimais bien.

<Jake, fais-le ! Fais-le maintenant ! Tout de suite ! Redeviens humain.>

Humain ?

Bien sûr. Pourquoi pas ?

<Ça y est, il y va !>

Je commençai à changer. Et en commençant à changer, je devins plus fort. Je sentis la vie revenir en moi. Un être humain commença à se former, dicté par les modèles de mon ADN. Des codes submicroscopiques, créant un être humain comme les mots font un livre.

Le monde tourbillonnait autour de moi. Des images floues devinrent plus claires. J'étais dans une petite pièce. Une très petite pièce. Une salle de bain d'avion.

Je vis mon reflet dans le miroir alors qu'un visage de mouche éclaté fondait, surgissait et se transformait en visage humain.

<Est-ce que ça va?> demanda Rachel avec anxiété.

Je bougeai ma mâchoire. "Oui," dis-je. "Je suppose que oui."

Il y avait des mouches dans la salle de bain avec moi. Et vous savez ce qui est bizarre ? Mon premier réflexe a été de les écraser.