Chapitre 7 - Aldrea

Mon nom est Aldrea-Iskillion-Falan.

Et on m'a dit que je suis morte.

Impossible.

Ridicule.

Les schémas de pensée que les Arn avaient stockés ne permettraient qu'une reproduction grossière de moi. Un mélange de faits et de sensations. Rien de plus. Il n'y avait aucune possibilité que les pensées et les émotions que j'expérimente maintenant puissent provenir d'impulsions électriques et de produits chimiques collectés il y a des années. Je devais avoir été assommée dans une bataille. Une hallucination. Une ruse que les Yeerks utilisaient pour me briser. Ils devaient espérer que je -

Mais qu'en est-il du corps ? Qu'en est-il des mains avec trop peu de doigts pour être andalites, des bras trop faibles et frêles pour être Hork-Bajir ?

Je ne voulais pas croire que j'étais mort. Mais je ne pouvais pas nier le fait que j'étais dans un corps qui n'était pas le mien. Un petit corps faible, sans défense, recouvert d'une peau brune sans poils.

« Aldrea ? » dit la créature appelée Cassie. « Ça va ? »

Je réalisai que je n'entendais pas seulement ses mots. Je ressentais aussi des morceaux d'émotion. De l'empathie, de l'inquiétude et de la tristesse. Un peu de peur, aussi. De la peur pour elle-même.

<Dak est-il vivant ?> demandai-je, parlant dans ce qui me semblait être ma langue maternelle, le langage de pensée. Je devais savoir. À moins que... non, de toute façon, je devais savoir. Les émotions de Cassie me donnèrent ma réponse avant ses mots.

« Non, Aldrea. Il est mort il y a longtemps. Loin d'ici. Je suis désolée », répondit-elle.

<Où est son Ixcila ?> exigeai-je. Je savais qu'il en avait un aussi. Il pouvait être placé dans un autre corps comme le mien l'avait été. Dak et moi pouvions encore être ensemble.

« Je ne sais pas », répondit-elle.

Cassie tourna son regard vers l'Am. Il me fallut un moment pour réaliser qu'elle ne communiquait pas avec lui de la manière dont nous avions communiqué. Il me fallut quelques instants de plus pour comprendre comment son cerveau recevait les données de ses oreilles et comment je pouvais utiliser son cerveau pour traduire les données en mots que je pouvais comprendre.

« Les Yirks ont fait de nombreux dynamitages pour créer des endroits plats pour les terrains d'entraînement. Mon laboratoire a été gravement endommagé. L'Ixcila de Dak Hamee a été détruit », expliqua l'Arn.

Était-ce vrai ? Si c'était le cas, alors Dak était vraiment mort. Mort comme mes parents. Comme mon frère, Barafin.

<Alors laisse-moi mourir, Arn,> dis-je. <Laisse-moi mourir, moi aussi.>

Avais-je eu l'occasion de dire adieu à Dak ? Avions-nous combattu côte à côte jusqu'à la fin ? Je ne le saurais jamais. Mon Ixcila avait été collecté avant ma mort, donc les souvenirs de mes derniers moments avec Dak n'existaient pas.

Je sentis une vague de tristesse venant de Cassie. Je la repoussai. Je n'avais pas besoin de ses émotions. Elle n'était rien pour moi.

Il y avait une dernière question que je devais poser, bien que j'étais terrifiée d'entendre la réponse. <Mon fils. Qu'est-il arrivé à mon fils que j'ai nommé d'après mon père, Seerow ?>

J'attendis que Cassie répète ma question.

C'est le jeune Hork-Bajir qui répondit. « Ils l'ont pris, arrière-grand-mère. Seerow est devenu un Contrôleur. Il a été amené sur Terre dans le cadre de leur armée, ici. Il est mort en captivité. »

Il n'y avait pas de pire sort que j'aurais pu imaginer pour mon enfant. Les Yirks avaient fait de sa vie une mort vivante. Et je n'avais pas été là pour le protéger.

« Mais le fils de Seerow, Jara Hamee, mon père, s'est échappé avec l'aide des humains ici », continua Toby. « Et moi, votre arrière-petite-fille, suis née en liberté. »

Je l'étudiai à travers mes nouveaux yeux. Il y avait quelque chose chez elle. Quelque chose de familier. Les mots étaient trop bien organisés, le discours coulait trop aisément, les idées...

Dans mon désespoir, j'ai senti une petite bulle de quelque chose qui aurait pu être de la joie.

<Demande-lui si elle est différente,> dis-je à Cassie.

Un sourire se répandit sur le visage de Toby lorsqu'elle entendit la question.

"Oui, arrière-grand-mère, je suis différente," répondit-elle. "Je suis différente comme Dak Hamee l'était."

Une voyante. Une voyante née dans la liberté.

"Nous t'avons ramenée de la mort parce que nous avons besoin de ton aide," dit Toby.

<Dis-lui qu'il n'y a rien qu'elle puisse me demander que je ne donnerais pas,> dis-je à Cassie.

Ma renaissance m'avait apporté une douleur presque insupportable. Mon Dak parti. Mon Seerow parti.

Mais elle m'avait aussi apporté un cadeau. La chance de connaître mon arrière-petite-fille.

Je ne renoncerais à cela pour rien au monde. Peut-être verrais-je même un jour l'enfant de Toby.