Le blog de Serpentfou

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Tous les modèles sont faux, mais certains sont utiles

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Resume

Petite critique de diverses idées défendues traditionnellement par la gauche.

Introduction

Récemment, Etienne Klein a popularisé la citation du statisticien Georges Box : ‘Tous les modèles sont faux, mais certains sont utiles’

Comme toutes maximes, celle-ci est critiquable et notamment par l’utilisation abusive qui en fait par certains économistes, pour justifier les hypothèses absurdes de leur modèle. Mais personnellement, je vois en elle un vaccin très efficace contre le dogmatisme qui devrait être connu de tous. Ainsi, plutôt que de la critiquer, je propose de la compléter :

Tous les modèles sont faux, mais certains sont utiles, et de toute façon, on est obligé d'utiliser un modèle pour comprendre le monde.

Ceux qui pensent qu'il n'utilise pas de modèle, mais la bonne sens ou les évidences ou la raison ne voient juste pas le modèle qu'il utilise et sont donc prisonniers de celui-ci. Et c’est pareil pour l’idéologie, toutes sont bourrées de défaut et d’angle mort, qui éclatent au grand jour lorsqu'elles sont appliquées, mais toutes ont leur utilité pour comprendre le monde, prédire le futur et l’améliorer. Et de toute façon on a pas d’autre choix que d’avoir une idéologie, alors autant la choisir consciemment en ayant le plus possible conscience de ses défauts et de ses limites. 

Outre que ça permet d’espérer faire un meilleur choix, cela permet de plus facilement en changer lorsqu’il s’avère qu’elle est inadaptée à la situation où l’on est. En tout cas, bien plus facilement que si on prétend ne pas en avoir ou de tendre vers la neutralité et l’objectivité (bien souvent, par cette démarche, on ne fait que s’enfoncer dans le dogmatisme idéologique).

Mais, le meilleur avantage de cette philosophie est qu’elle permet de mieux accepter et comprendre la diversité de points de vue au sein d’une société. De mieux comprendre pourquoi d’autres sont séduits par des idéologies qui ne nous plaisent pas et ainsi de mieux pouvoir l’empêcher (je reste militant). 

En effet, sa force à admettre que les idéologies des autres ont des points forts qui peuvent les séduire et que la nôtre à des points faibles qui peuvent les dégoûter. Reconnaître cela nous force à challenger nos idéologies pour les améliorer et à se demander qui pourrait être le plus facilement séduit par elle.

Pour prendre un exemple, le néolibéralisme, si honni par la gauche, a des points forts qu’il nous faut reconnaître et étudier si on veut comprendre pourquoi il séduit autant, même en dehors des milieux les plus privilégiés. 

Et au contraire l‘idéologie traditionnel de la gauche a des défauts qui explique le discrédit durable qu’elle subit actuellement chez la majorité de la population et notamment chez la partie des classes populaires qui a choisi de tourner son vote vers la RN plutôt que vers l’abstention, après le passage à droite du PS. 

Personnellement, je pense que les points les plus séduisants de cette idéologie pour les classes populaires sont ses implications dans l’éducation et dans le travail.

Éducation privée ou publique

Prenons l’exemple de l’éducation, car c’est à la fois le plus surprenant et le moins discuté. 

La gauche traditionnelle défend l’obligation pour tous les enfants d’aller dans la même école publique, alors que la droite défend la liberté pour chaque famille de choisir son école. Souvent à gauche, on interprète ce clivage sous l’angle de la lutte des classes et de la défense de la laïcité. 

Pour la gauche, derrière cette demande de liberté, se cache le communautarisme des riches (le seul véritablement dangereux pour la république). C’est-à-dire que les riches voudraient qu’il y ait une école pour les riches qui soit mieux financé et avec des programmes plus exigeant où les enfants de pauvre ne foutront pas les pieds (sauf une infime minorité trier sur le volet pour conserver les apparences), afin de s’assurer que leurs rejetons resteront avantagés. 

Mais pour la gauche, derrière la défense de la liberté scolaire se cache aussi la volonté des familles réactionnaires et des sectes chrétiennes de pouvoir endoctriner leurs enfants dès le plus jeune âge. De les protéger de la possibilité d’entendre d’autres idées que celle de leur parent et de leur faire subir une discipline qui pour les gens normaux est considérée comme des sévices. 

N’oublions pas que les maltraitances non sexuelles constatées à Bétharram et Stanislas qui bien que moins spectaculaire sont tout aussi glaçantes par leur caractère assumé et voulu par les personnes assez immondes pour y envoyer leurs enfants en toute connaissance de cause (non je ne cible personne vous vous faites des idées). Bref, on ne manque pas à gauche de bonnes raisons de s’opposer à la liberté scolaire.

Mais, on oublie souvent les bonnes raisons de s’y opposer qui raisonne beaucoup plus dans le vécu des classes populaires que les turpitudes de la bourgeoisie réactionnaire ou de la possibilité d'ascension social par l’école qui dans les faits concerne bien d’avantage les classe moyenne que les classes populaires. Par exemple, le fait qu’une école publique centralisée impose de confier ses enfants à une institution sur laquelle, ils n’ont aucune prise. Une école où ils se sentent à juste titre méprisés, qui les juge sur des critères dont ils ne comprennent pas la pertinence et leur enseigne des savoirs qu’ils trouvent parfaitement inutiles et inintéressants.

Personnellement je pense que ses savoirs sont loin d’être inutiles ou inintéressants, mais je pense également qu’ils ont raison de se rebiffer contre l’obligation qui leur est faite sans explication de se consacrer corps et âmes à un apprentissage dont ils ne voient pas l’utilité et aux punitions et moqueries qu’ils doivent subir, s’ils ne s’y conforment pas. Alors que dans le même temps, des savoirs autrement plus fondamentaux comme comment lire une fiche de paye, quels sont nos droits en tant que travailleur, comment les faire respecter, comment remplir sa feuille d’impôt (bon ça c’est un peu obsolète), ne sont jamais abordés.

Et en parlant de punition, on pourrait aussi parler de la discipline auxquelles on est soumis à l’école, de la mise en compétitions, … Bref comment en vouloir à ceux séduits par les promesses des néolibéraux que tout un chacun puisse reprendre le contrôle sur l’éducation de leurs enfants en transformant les familles qui la fréquentent en clients à satisfaire. De pouvoir dire à un professeur trop arrogant que s’il ne change pas d’attitude, alors ils iront voir ailleurs. D’avoir une échappatoire autre que l’école à la maison en cas de harcèlement. D’avoir des programmes qui correspondent mieux à nos attentes.

Et même, chez les militants de gauche, en vérité on est séduit par la possibilité de pouvoir créer à petite échelle des alternatives plus émancipatrice à l’éducation qui pourront ensuite infuser dans l’éducation nationale. Si on se contente de nier les problèmes du modèle défendu par la gauche, on se condamne à toujours devoir défendre l’indéfendable devant des néo-libéraux qui sont d’autant plus sûrs d’eux qu’en France leur modèle n’a pas encore été appliqué à grande échelle et qu’en conséquence leur travers ne saute au visage de personne. 

Les profs sont comme les journalistes, on sait qu’il faut les défendre, mais si on n’adjoint pas cette défense d’une critique de gauche des travers de cette profession et de l’organisation promues dans le passé par la gauche, alors on le fera sans conviction et on perdra. 

Plus que de défendre l’éducation telle qu’elle est, nous devons défendre l’éducation telle qu’elle devrait être. Arrêtons d’être à la défense et tout comme les libéraux, proposons un système qui aurait pour lui l’attrait de la nouveauté, sans se faire d’illusion sur le fait qu’il aura lui aussi des imperfections et qu’il devra à son tour être dépassé. 

À l’éducation centralisée et publique de la ville gauche qui est totalement discréditée, à l’éducation décentralisée et privée vendue par la droite, opposons une éducation décentralisée et public. Un système ou local serait géré localement par ceux qui la fréquentent. Voir osons rêver par les élèves eux- mêmes (mais ça c’est sans doute trop révolutionnaire pour notre époque). 

Déchargeons l’école de tout son discours méritocratique, de sa mission d’égalité des chances. L’école n’est pas là pour justifier les égalités dans notre société ou permettre l’ascension sociale. 

Elle est là pour former les citoyens de demain. Elle est là pour fournir les connaissances à la vie d’un citoyen comme le fait de savoir, lire, écrire, compter, débattre, s’organiser, saisir la justice, savoir comment fonctionne l’état, une entreprise, une association, comment créer une entreprise, comment lire un contrat (vous savez cette paperasse que l’on signe sans l’avoir lu la plupart du temps), c’est quoi le consentement, comment lui dire que je veux l’embrasser sans être lourds, comment réagir face au caprice d’un enfant et le tout saupoudré d’une généreuse dose de philosophie. 

Et là seulement s’il reste du temps, on pourra aborder les équations différentielles et d’autres choses utiles pour la culture générale ou tout simplement pour exercer l’esprit (car oui les math ont la même utilité pour le cerveau que les altèrent pour les muscles et c’est la principale raison pour laquelle on les enseigne à tout le monde et pas seulement aux futurs scientifiques).

Quant au savoir professionnalisant, pour moi ça devrait être effectué par une institution totalement séparée de l’éducation nationale et sur un temps totalement différent. Pour moi, on ne peut pas à la fois former le citoyen de demain et le salarié de demain.

Le populisme de gauche ou lutte des classes

Ça, c'était pour l'éducation, mais c’est valable pour tous. 

Toutes les idéologies, institutions, slogans et lois créées par la gauche doivent être à tout moment critiquées, remises en question et dépassées sous peine de donner l’avantage aux réactionnaires. Il ne faut jamais se battre sur le terrain voulu par nos ennemis, ne jamais les laisser décider du clivage entre deux idées nécessairement imparfaites sur lesquelles se positionner et faire évoluer le clivage lorsque nos ennemis et leur frappe de force médiatique écrasante s’en sont emparés. Face à leur armée bien disciplinée et financée de propagandistes, nous nous devons d’adopter une stratégie de guérilla culturelle et idéologique.

Et c’est dans cette optique, à mon avis, qu’il faut comprendre le succès de la stratégie du populisme de gauche. En effet, la gauche française doit en grande partie son renouveau au choix par Jean-Luc Mélenchon en 2017 d’abandonner la dénonciation du capitalisme et des patrons pour se concentrer sur la dénonciation des élites et de l’oligarchie. 

Malgré son succès évident, ce virage a à juste titre été beaucoup critiqué. Le populisme, qu’il soit de gauche ou de droite est un discours qui simplifie à l’extrême la société et qui empêche de voir pas mal de phénomènes pourtant fondamentaux. 

Par exemple, le peuple invoqué par les populismes n’existe pas et est en fait un condensé de différents groupes aux opinions et aux intérêts totalement différents. Il n’y a pas d’unité du peuple ou de peuple en mouvement ou qui réclame je ne sais quoi, car le peuple n’existe pas et n’existera jamais (ou en tout cas j’espère qu’il n’existera jamais, car ça voudrait dire que l’on a créé une dystocie totalitaire où l’individu doit s’oublier face au collectif). 

Mais, les marxistes de l’ancienne école ou les éditorialistes qui font ses critiques oublient bien souvent que l’on peut faire la même à leur propre modèle. Et oui n’oublions pas le fil rouge de cet article : tous les modèles sont faux, mais certains sont utiles. La lutte des classes, le populisme de gauche ou l’ultralibéralisme sont tous des modèles ultra-simplistes qui occultent des pans entiers de la réalité, mais en fonction du contexte, ils peuvent être utiles.

En effet, de la même façon que les ingénieurs continuent d’utiliser la mécanique newtonienne même après qu’Einstein ait révolutionné notre compréhension de la gravité je ne vois pas ce qu’il y a de mal en politique, à utiliser des modèles simplistes pour comprendre une situation ou essayer de convaincre.

Oui, la lutte des classes est un modèle qui ne prend pas en compte les différents intérêts qui traversent le patronat, ou qu’il y a des gens qui ne sont ni des prolétaires ni des possédants. Mais pour comprendre une grève, quel est l’intérêt d’aller plus loin dans l’analyse ?

Quand un petit patron ce révolte contre une administration corrompue, incompétente, à des règles arbitraires et à des impôts qui l’étouffent, pourquoi aurait-il besoin d’aller plus loin que la critique des néo-libéraux. Parce que s’il le faisait, il verrait que les grandes entreprises sont tout aussi corrompues et incompétentes que l’État.

Que le problème auquel il est confronté ne vient pas du fait que ses grosses structures soient publiques ou privées, mais au fait qu’elles sont centralisées et non démocratiques.

Il verrait que tout en faisant miroiter un monde privatisé et décentralisé qui réglerait ses problèmes, les politiques néolibérales mènent au contraire à un monde privatisé et encore plus centralisé qui ferait encore moins ses affaires. Dans son cas, il y aurait un intérêt à pousser l’analyse.

La question n’est donc pas si un modèle est parfait, mais s’il convient à l’usage que l’on veut en faire. 

La gauche veut agréger le plus de gens possible pour réclamer un monde plus démocratique. Un monde où les citoyens n’auraient plus besoin de confier leur destin collectif à des actionnaires, des politiciens, bref aux décideurs. Bref, un monde où tous les pouvoirs (et pas seulement le pouvoir économique) seraient mieux réparti. 

Pour cela, pendant un temps, la gauche c’est appuyée sur le modèle de la lutte des classes qui sur-simplifie la société en une opposition binaire entre le privé et le public. Mais en réalité, les deux sont nos ennemis. 

Ce sont tous les deux des organismes centralisés au service des puissants qui les dirigent et dont les embryons de fonctionnement démocratique ont été arrachés de hautes luttes et sont régulièrement piétinés ou remis en cause. 

Dire que notre état est parlementariste ou que le parlementarisme est démocratique sont des simplifications grossières qui peuvent parfois avoir leur utilité, mais qui en général font plus de mal que de bien.

Arrêtons de défendre le parlementarisme au nom de la démocratie et arrêtons de défendre de l’état face au privé. Cela nous a mené les rares fois où nous avons été au pouvoir à le confier aux élites dirigeant l’état avec les merveilleux résultats que l’on connaît en URSS, en Chine et dans tous les états qui ont réussi une révolution communiste.

Nos ennemis ne sont pas une partie de l’élite, mais l’existence même d’une élite. Notre ennemi n’est pas le capitalisme, mais toutes organisations, systèmes ou idéologies prônant une hiérarchisation des hommes et un fonctionnement autoritaire. 

Et ce modèle de lutte des classes, en plus d’être une mauvaise boussole pour guider notre actions une fois au pouvoir, n’a même plus la qualité d’agréger facilement les citoyens ou de permettre de gagner les débats ?

Au contraire, face aux néolibéraux nouvel génération, il nous contraint à défendre un état et un salariat légitiment honnis par tout un pan des classes populaires.

C’est pourquoi je pense que la gauche ne doit pas regretter l’abandon de la lutte des classes et considérer le populisme comme son évolution. De la même manière qu’Einstein n’a fait qu’élargir notre compréhension de la gravité, le populisme de gauche ne fait que mieux cibler et nommer notre ennemi (même si comme je l’ai dit, c'est un discours simplificateur et donc très imparfait et soumis lui aussi a des dérives).

D’ailleurs pour vous prouver la continuité entre de ses deux idéologies, il suffit de noter que les tenants de ses deux idéologies mettent au premier plan de l’agenda les luttes antiracisme pour la simple raison que dans nos sociétés fortement raciales le principal obstacle qu’ils rencontrent dans leur volonté d’unité est la division racial des dominés (et aussi de genre).

Car contrairement à la réécriture historique qu’essayent de nous faire avaler les propagandistes de droite, ses luttes non rien de nouvelle et ont toujours été une priorité pour le mouvement ouvrier. Certes, ça mériterait largement d’être nuancé, vu la longue histoire d'amour que la gauche entretient encore aujourd'hui avec le racisme et le colonialisme.

Mais, elle a très vite compris, au moins de manières superficielles, qu’il n’y aurait pas de progrès possible sans union et pas d’unions sans un vrai internationalisme qui prend en compte les besoins spécifiques de chacun. 

Et surtout, que la solution du populisme de droite (joli nom pour dire fascisme) consistant à nier ou faire disparaître ses différences par la force est totalement stérile.

Les banques centrales indépendantes ou au service du politique

Souvent à gauche, on est très critique de l’indépendance des banques centrales qui a été mis en place un peu partout sur la planète dans les années 70/80. 

La plupart des mouvements de gauche aimeraient que la banque centrale soit de nouveau sous le contrôle du politique et qu’elle finance de nouveau directement le budget de l’État. 

Cependant, personnellement, je considère que l’indépendance des banques centrales est l’une des rares bonnes choses mises en place par les néolibéraux. Mais là, je mets la charrue avant les bœufs et je vais d’abord expliquer quelles sont les deux modèles qui s’affrontent ici.

Pour faire simple, en ce qui concerne la gestion de la monnaie, traditionnellement, 3 modèles s’affrontent :

Le modèle de la droite libéral

L’ancien modèle de la droite avant l’effondrement du libéralisme classique dans les années 20/30, mais qui est aussi celui des soutien du bitcoin : il ne doit pas y’avoir d’institution publique comme une banque centrale qui gère la monnaie. Ce sont des banques privées en concurrence qui doivent décider et de manière décentralisée quelle quantité de monnaie imprimer et à qui la prêter.

C’est le modèle en place aux USA jusqu’au début du 20 iéme siècle, mais qui a été abandonné pour diverses raisons plus ou moins avouables. L'argument le plus avouable étant que ce système provoquait une instabilité financière permanente et de graves crises financières à répétition.

Cependant, en dehors des USA, très tôt, pour pouvoir financer les coûteuses guerres européennes, les droites se sont résignées à l’existence d’une banque centrale. 

Mais dans ce cas-là, ils souhaitent qu’elle soit le plus possible contrôlée par des acteurs privés ou qu’elle soit contrainte à respecter une règle comme l’étalon or (du moins en temps de paix) qui revient à ne jamais utiliser le pouvoir monétaire. 

En un mot, pour eux si le privé ne peut pas avoir le pouvoir monétaire, alors personne ne doit l’avoir (sauf s’il s’agit de financer l’armée). 

En dehors des cercles libertariens partisans du bitcoin, qui tentent de ressusciter ce modèle avec des arguments pseudo-scientifique, il a été abandonné, car il provoque bien trop de misère et de crise financière.

Sans compter qu’il offre un pouvoir bien trop important aux riches qui la contrôlent (sans doute un hasard si les plus fervents promoteurs du bitcoin sont les milliardaires de la Silicon-Valley.

Le modèle traditionnel de la gauche

Le modèle traditionnel à gauche consiste à ce que la politique monétaire soit entre les mains du gouvernement.

C'est-à-dire que ce soit le gouvernement qui décide à qui, pour combien et à quelle condition la banque centrale prête ou donne de l’argent (et il peut obliger la banque centrale à lui donner de l’argent). Ce modèle a d’énormes avantages et l’expérience a montré qu’il était bien plus stable que le précédent. 

Par exemple, contrairement au précédent, il permet une stabilité financière totale. En introduisant un acteur publique tout-puissant, qui peut imprimer à tout moment de l’argent à l’infini et qui a la pouvoir de contraindre tous les acteurs de la fiancer à respecter les règles qu’il édicte, on peut créer des actifs sans risque comme les bons du trésor sur lequel le système financier peut se reposer. 

Avec un acteur public qui n’est pas contraint de faire des bénéfices pour survivre et donc de respecter les règles du marché, on peut faire des politiques contracyclique.

C’est-à-dire se mettre à prêter durant les périodes de crise où on ne sait pas qui est solvable ou non. On a un préteur en dernier ressort qui élimine totalement le risque qu’une crise se produise à cause d’un problème de liquidité (c’est-à-dire que l’on a créé les banques centrales et envoyé baladé les règles stupides comme l’étalon or, il est impossible qu’une crise financière se produise parce que tous les clients d’une banque voudraient retirer leur argent en même temps). 

Ce système permet d’avoir une cohérence entre la politique budgétaire et monétaire qui fait cruellement défaut à la zone euro aujourd’hui et qui est totalement impossible dans le modèle précédent.

Par contre ce système à un énorme défaut souvent présenté comme sa qualité : il permet à l’état de se financer sans avoir recouru à la dette en imprimant des billets à l’infini et de stimuler l’économie en baissant les taux chaque fois qu’il en a envie. 

Vous me demanderez pourquoi est-ce que je pense que c’est un défaut ? Dit comme ça à l’air de quelque chose de génial qui permettrait d’anéantir le chômage, la misère et la crise écologique en finançant la production et la distribution de tout ce qui nous manque. 

Tellement génial que vous vous dite que c’est trop beau pour être vrai. Que ça ressemble à l’argent magique tellement vilipendé par les politiciens aussi corrompus qu’incompétents dont la seule défense, face à la gabegie et l’irresponsabilité avec laquelle ils ont géré l’argent public, c'est qu’eux ils sont sérieux. 

La preuve, ils ont une cravate, un costume à 3000 euros et une coupe de cheveux impeccable. On ne va quand même pas faire confiance à des pouilleux en jean qui passent tellement de temps le nez plongé dans les livres de compte qu’ils en oublient d’aller chez le coiffeur tous les jours. À quoi ça peut bien servir de faire budget, de se demander quels seront les impacts des impôts que l’on met en place et la cohérence avec les nombreux existants ou si ce que l’on finance sera utile. Il vaut bien mieux gérer l’argent de l’état à l’instinct et en fonction de ce qui permettras de faire les plus beaux discours à la télé. 

Hors sujet me direz-vous.

Et bien pas du tout, car contrairement à ce que l’on pourrait penser, aussi incroyable que ce soit, l’argent magique existe bel et bien et les milliards tombés du ciel suite à la crise de 2008 et au Covid en 2020 le prouvent. Seulement, qui peut croire une seule minute que ce soit une bonne idée de confier un tel pouvoir à nos politiciens.

Et, cela quel que soit leur bord. Je suis tout autant opposé à confier ce pouvoir à Mélenchon qu’à Macron ou Lepen. Qui peut croire qu’ils vont utiliser ce pouvoir pour le bien commun ou selon une démarche raisonnée ? La vérité, c'est qu’ils vont utiliser se pourvoir pour se maintenir au pouvoir, et cela quelles qu’en soient les conséquences pour le pays ou la population.

Et ce n’est pas qu’une théorie, mais ce qui a fini par ce passé et continue à se passer dans les rares pays où la banque centrale n’est pas indépendante. De la même manière que la rente pétrolière est dans la plupart des pays une malédiction finançant la corruption au détriment du système productif, le pouvoir monétaire fini toujours par être utilisé à des fins de manière clientélisme ou démagogique lorsqu’il est confié au gouvernement. Vous me direz qu’il y a des exceptions.

La France sous Degaule ou le régime Poutinien d’aujourd’hui. Mais justement, tout comme les pays comme la Norvège qui sont parvenus à bien gérer leur rente pétrolière sont une exception, les gouvernements qui savent se retenir d’utiliser le pouvoir monétaire à outrance sont rares.

J’ai beau détester Degaule, je dois reconnaître qu’il était un politicien exceptionnellement honnête (en tout cas lorsqu’il avait affaire à des blancs, car lorsqu’il traitait avec les anciennes colonies, il n’avait pas de problème à piétiner les concepts d’intégrité et de légalités). C’est l’un des rares politiciens de l’histoire à avoir accepté par deux fois d’abandonner volontairement le gouvernement juste parce que c’est ce qu’il fallait faire d’après ça moral. 

Est-ce que l’on peut vraiment baser le fonctionnement du système sur le fait qu’un tel homme soit à la tête du pays. Et même si vous êtes persuadé que votre candidat lui sera à la hauteur de la tâche, qu’en sera-t-il du suivant ?

Bien sûr, là, la gauche traditionnelle me dira que justement, elle ne veut pas que l’état soit dirigé par un homme providentiel, mais par un parlement représentatif avec une presse libre et indépendante et des corps intermédiaires puissants à même de jouer leur rôle de contre-pouvoir. 

À cela, je répondrais simplement que sur plein de sujets se serait génial de passer à un système parlementaire, mais que le parlementarisme ce n’est pas la démocratie.

Même si on arrive à rendre les parlementaires représentatifs idéologiquement, ils ne le seront jamais sociologiquement. 

Ça restera des dominants qui n’ont pas les mêmes intérêts que nous et plus susceptibles d’utiliser ce pouvoir, pour préserver leur position et celle de leurs proches plutôt que le bien commun. 

Les députés sont tout aussi sujets que les dictateurs aux mesures démagogues, au carriérisme, à l’électoralisme, au court-termisme et au clientélisme. 

Et pour couronner le tous les assemblées de ce type sont soumis à toute sorte de paradoxes de la prise de décision comme  le paradoxe d'agrégation des jugements , qui les rend très peu susceptibles de prendre des mesures cohérentes et logiques. 

Et puis, pour des raisons évidentes, les parlementaires ne peuvent pas tous être des spécialistes des politiques monétaires et de la théorie économique. On peut bien sûr, confier ce sujet à une commission parlementaire et former tous ses membres, mais ils ne vont forcément survoler le sujet étant donné la masse de sujet sur lesquels ils doivent déjà donner un avis et le jus de cerveaux qu’ils doivent consacrer à préparer leur futur réélection et aux jeux de cours, durant le peu de temps où ils sont députées.

Le modèle de la droite néo-libéral

Pour moi, c'est mieux de restreindre le rôle des assemblés à ce qu’elles savent tés bien faire : déterminer et hiérarchiser des objectifs. Par contre, il faut laisser à des professionnels le soin de déterminer les moyens à mettre en œuvre pour atteindre ses buts. 

C’est un comme lorsque vous voulez modifier votre voiture et que vous n’y connaissez rien en mécanique. Vous pouvez choisir un garagiste en qui vous avez confiance et lui dire ce que vous voulez, mais c’est lui qui décide comment il va faire et ce que cela coûtera. Vous êtes obligé de lui faire confiance et vous ne pouvez-vous retourner contre lui que si le résultat n’est pas celui promis. 

Pour la monnaie, c'est pareil.

Le parlement décide de l’objectif que la banque central doit atteindre (actuellement en Europe c’est maintenir l’inflation autour de 2% par an et si c’est possible sans nuire au premier objectif utiliser la politique monétaire pour aider la commission européenne à atteindre ses objectifs), le parlement devrait décider de qui est nommé à la tête de la BCE, mais là c’est les chefs des états de l’UE.

Mais une fois le mandat donné et le président choisi, la BCE fait ce qu’elle veut. Le seul recours contre elle c’est de déposer une plainte devant la cour de justice de l’Union européenne si on estime qu’elle ne respecte pas son mandat. 

Pour moi, c'est un système qui partout où il a été mis en place à prouver sa supériorité face à un contrôle direct par le gouvernement de la banque centrale. 

Cependant, ce n’est pas parce que c’est mieux que c’est idéal ou même simplement acceptable. Il faut accepter que le modèle proposé par la gauche à ses limites, mais également que ce modèle proposé par la ‘nouvelle’ droite néo-libéral l’est également.

Déjà, comme souvent avec les modèles proposés par la droite, ce système est extrêmement peu démocratique. Pas beaucoup moins que le précédent tant le parlementarisme est dans les faits un système peu démocratique, mais c’est quand même gênant de confier tant de pouvoir à une technocratie. 

Bien sûr, on pourrait me dire qu’avec ce système, l’essentiel du pouvoir est entre les mains du parlement qui fixe les objectifs de la BCE et de la cour de justice qui peut la sanctionner si elle ne le respecte pas. En théorie, c'est vrai. Mais, en pratique le mandat donné à la BCE est tellement large qu’elle peut faire à peu près tout ce qu’elle veut, y compris des actes extrêmement politiques qu’un gouvernement démocratiquement élu n’oserait pas assumer. En fait en l’état, la seule chose que la BCE ne peut pas faire, c’est s’opposer à l'exécutif européen.

Par exemple lors de la crise grecque après l’élection de Syriza le président de la BCE a décidé de couper les banque grecques de leur accès aux liquidités de la BCE avec la bénédiction du gouvernement soi-disant de gauche de François Hollande(source : Comprendre la décision choc de la BCE de fermer une partie des robinets à la Grèce ). Cela qui a contraint le gouvernement nouvellement élus de renoncer à son programme et à accepter le dictât de la troïka.

Même si cela n’enfreint en rien son mandat (ça ne risque pas de créer de l’inflation et ça aidait la commission avait clairement annoncer qu’elle voulait faire plier la Grèce), il est clair qu’un technocrate non élue (ou plutôt un conseil de technocrate non élue étant donné que pour chaque décision, il lui faut l’accord d’une majorité des gouverneurs des banques centrales des pays de la zone euros), ne devrait pas avoir le droit de faire subir un tel chantage à un gouvernement élue.

C’est un peu comme si le général de l’armée de l’air avait le droit de menacer une ville d’un bombardement, pour forcer un maire à renoncer à un arrêté. On considérerait légitimement que c’est un scandale. Et cela, même s’il la fait pour appuyer une décision du gouvernement à laquelle le maire s’opposait. 

Dans un état de droit, un désaccord entre un pouvoir local et national doit se régler devant les tribunaux. Dans un régime représentatif, il doit se régler soit par un accord négocié entre les élus concernés. 

Mais, certainement pas par une administration qui déciderait de trancher le débat en faveur du national en menaçant de cesser de rendre un service vital si le pouvoir local ne se couche pas.

Le modèle que je propose

Donc, si tous les modèles dont nous disposons sont inacceptables, c’est qu’il faut en inventer un nouveau. Ce que je propose, ce n’est pas de confier les clés du pouvoir monétaire aux parlementaires, mais d’introduire au sein de la gouvernance de la BCE des représentants de la société civil. Et aussi de décentraliser la prise de décision.

En effet, même si je comprends très bien pourquoi il faut un minimum d’harmonisation entre les politiques monétaires des différentes banques centrales, pourquoi est-ce que cette politique devrait être identique dans tous les pays, région ou même département. Pourquoi est-ce que les banques centrales sont-elles contraintes de ne racheter que des titres de dette de l’état ? Pourquoi ne pourrait-il pas décider de racheter les dettes de certains projets importants pour l’économie locale ou de leur verser des subventions en utilisant la planche à billet ?

Bien sûr le volume de création monétaire ou de rachat de titre ou de subvention devra continuer d’être décidé au niveau de la zone euro dans le but de garder l’inflation sous contrôle.

Ma proposition n’est pas d’imprimer de l’argent magique à l’infini, mais de créer différemment cet argent. De ne plus s’imposer le respect de règles rigides. D’optimiser l’inévitable besoin de création monétaire pour qu’il favorise des projets jugés utiles par la société et pas seulement par les marchés financiers. Une création monétaire qui ne saurait pas qu’entre les mains des banques privées et n’aurait pas que pour effet de provoqué une flambée du prix des actifs financiers comme les appartements et les actions (attention la flambée des prix de l’immobilier en France n’est que de manière très minoritaire dû aux QE de la BCE, les principales raisons de la flambée des prix sont la métropolisation, à la décohabitation et le vieillissement de la population).

Donc, on décentralise, mais on démocratise également. Pour moi, il faut que la moitié des droits de votes au niveau local reviennent à des représentants de la société civile (syndicat, citoyen tiré au sort, association, chambre de commerce, …).

Et il faut que ses antennes locales des banques centrales envoient des représentants avec un mandat impératif de négocier la politique monétaire nationale et européenne des banques centrales.

Bien sûr, ce ne sera pas parfait et vous trouverez sans peine des centaines de défaut à ma proposition. Il ne fait pas de doute que si on mettait se systèmes en place, des erreurs et des problèmes de corruption impossibles avec le système actuel se produiraient.

Cependant, la question n’est pas de savoir s’il est parfait, mais s’il est meilleur que l’actuel. S’il est temporairement le plus utile.

Tous les modèles sont faux, mais certains sont utiles et tous ne sont qu’une étape vers un modèle encore meilleur.