PETIT MANUEL DE CONTRE-TERRORISME V2

Resume
Ceci est une modification de la nouvelle : PETIT MANUEL DE CONTRE-TERRORISME de ploum .
Préambule
Ceci est une modification de la nouvelle : PETIT MANUEL DE CONTRE-TERRORISME de ploum . Je l’ai trouvé brillante, mais j’ai eu envie d’y faire quelques modifications pour la rendre plus percutante.
Ce texte est une fiction visant à critiquer les dérives sécuritaires et médiatiques actuelles. Il ne s’agit en aucun cas d’un appel à la violence, ni d’une apologie du terrorisme. Ce texte vise à susciter la réflexion et non l’imitation.
Si elle est dans la catégorie politique/vulgarisation et non fiction ce n’est pas une erreur de ma part. En effet, je considère que cette nouvelle est plus un pamphlet qu’une fiction.
La nouvelle
Le jeudi 15 mars à Evry, Antoine P., 17 ans, a tué de 11 coups de couteau une lycéenne de son établissement scolaire. Soudainement, le pays entier est en émois et entre deux images de deuil, les JT nous abreuvent de discours sur le profil psychiatrique de l’assaillant. Pas pour déplorer l’état moribond de la psychiatrie et de la santé mentale des adolescents, victimes des politiques autoritaires de nos gouvernants. Même pas pour stigmatiser encore davantage les victimes de troubles psychiatriques. Juste pour mettre le cerveau du spectateur dans un état de peur légère propice à la réception des messages publicitaires qui suivront juste après. Quoi de plus tentant qu’une bonne sucrerie pour se consoler d’un monde si dangereux ou n’importe lequel de vos voisins pourrait se révéler être un fou dangereux déterminé à vous achever sans plus de raisons qu’une curiosité aussi soudaine qu’incompréhensible pour la couleur de votre sang.
Quelques commentateurs particulièrement racistes tenteront de souligner que le tueur était apparemment un homme blanc fasciné par Adolph Hitler et que la victime était maghrébine. Heureusement l’indignation immédiate que suscitera chez les autres intervenants sa tentative de différencier les victimes selon leur couleur de peaux leur apprendra bien vite que nous sommes tous égaux face à la mort. Que la justice aveugle de la république ne reconnait pas plus de gradations dans la couleur de peau de ses enfants que dans sa peine quand l’un d’entre eux vient à nous quitter prématurément.
Quel dommage qu’elle soit également sujette à l’amnésie sélective. Comment expliquer sinon le cruel oubli de ses nobles principes dans lequel sombrèrent tous ses représentants lorsque deux mois plus tard, un musulman fonça dans la foule venue, assister à un concert organisé pour la fête de la musique. Cette fois-ci nul ne tenta de déterrer son dossier psychiatrique pourtant bien fourni. Peut-être les saltimbanques à la tête des JT avaient-ils peur de lasser l’audience avec une redit.
Le terrorisme a toujours été une invention politique d’un pouvoir en place. Une vue de l’esprit, une terreur consciencieusement entretenue le temps de justifier de nouvelles lois liberticides qui seront utilisées pas plus tard que lors de la prochaine séquence médiatique pour réprimer les opposants à la nouvelle régression sociales exigé par le patronat pour restaurer la compétitivité du travailleur français face à des pays hostiles, voire pire étranger, qui ont décidé démocratiquement de prendre exactement les mêmes mesure quelque mois plus tôt en réponse aux précédentes mesures de régressions social prisent quelque mois plus tôt par notre gouvernement. Ceux qui disent que la guerre ne fait pas de gagnant n’ont jamais essayé la guerre sociale.
Dans une veine tentative de réveiller les esprits endormis de mes concitoyens, un défi me vint en tête ? Une farce magnifique qui démontrerait même au plus obtus de mes congénères l’absurdité des mesures sécuritaires que tous semblent réclamer à cor et à cri. Avant la fin de l’année, je commettrais la plus grande série de faux attentats terroristes que ce pays n’ait jamais connus. Rien de bien sérieux, ne vous inquiétez pas. Je n’ai pas particulièrement le gout du sang. Quelques fumigènes pour faire peur et prouver par les faits l’inanité des mesures prises.
Au début, je crus que l’objectif serait insurmontable. Cependant, je du bien vite me rendre à l’évidence : un homme seul peut faire bien plus de dégâts que la plupart des attentats terroristes récents. J’irai même plus loin ! Je prétends qu’à quelques exceptions près, le fait d’agir en groupe a desservi les terroristes. Leurs attentats sont nivelés par le bas, leur bêtise commune fait obstacle à la moindre lueur de lucidité individuelle. Si bien qu’il me fallut une semaine à peine avant de passer à l’action.
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Il est vrai que les panneaux m’ont coûté un peu de temps et des allers-retours au magasin de bricolage. Mais je n’étais pas mécontent du résultat. Trente panneaux mobiles reprenant les consignes de sécurité antiterrorisme : pas d’armes, pas d’objets dangereux, pas de liquides. En dessous, trois compartiments poubelles pour faire du recyclage et qui servent également de support.
Dans ce socle, bien caché, un dispositif électronique très simple permettant de générer du bruit et de la fumé. De quoi faire peur sans blesser.
Il m’a ensuite suffi de louer une camionnette de travaux à l’aspect vaguement officiel pour aller déposer, vêtu d’une salopette orange, mes panneaux devant les entrées du stade et des différentes salles de concert de la capitale.
Bien sûr que je me serais fait arrêter si j’avais déposé des paquets mal finis en djellaba. Mais que voulez-vous dire à un type bien rasé, avec une tenue de travail, qui pose des panneaux informatifs avec le logo officiel de la ville imprimé dessus ? À ceux qui posaient des questions, j’ai dit qu’on m’avait juste ordonné de les mettre en place. Le seul agent de sécurité qui a trouvé ça un peu bizarre, je lui ai sorti un ordre de mission signé par l’échevin des travaux. Ça l’a rassuré. Faut dire que je n’ai même pas imité la signature : j’ai repris celle publiée dans un compte-rendu du conseil communal sur le site web de la ville. Mon imprimante couleur a fait le reste.
D’une manière générale, personne ne se méfie si tu ne prends rien. J’apporte du matériel qui coûte de l’argent. Je ne peux donc pas avoir inventé ça tout seul.
Mes trente panneaux mis en place, je suis passé à la seconde phase de mon plan qui nécessitait un timing un peu plus serré. J’avais minutieusement choisi mon jour à cause d’un match international important au stade et de plusieurs concerts d’envergure.
Si j’avais su… Aujourd’hui encore, je regrette de ne pas l’avoir fait un peu plus tôt. Ou plus tard. Pourquoi en même temps ?
Mais n’anticipons pas. M’étant changé, je me suis rendu à la gare ferroviaire. Mon billet de Thalys dûment acheté en main, j’ai gagné ma place et, saluant ma voisine de travée, j’ai mis mon lourd attaché-caisse dans le porte-bagage. J’ai également glissé mon journal dans le filet devant moi. Consultant ma montre, j’ai remarqué à haute voix qu’il restait quelques minutes avant le départ. D’un air innocent, j’ai demandé où se trouvait le wagon-bar. Je me suis levé et, après avoir traversé deux wagons, je suis sorti du train.
Il n’y a rien de plus louche qu’un bagage abandonné. Mais si son propriétaire est propre sur lui, porte la cravate, ne montre aucun signe de nervosité et laisse sa veste sur le siège, le bagage n’est plus abandonné. Il est momentanément déposé. C’est aussi simple que cela !
Pour la beauté du geste, j’avais calculé l’emplacement idéal pour mettre mon détonateur et acheté ma place en conséquence. J’ai ajouté une petite touche de complexité : un micro-ordinateur avec un capteur GPS qui déclencherait mon bricolage au bon moment. Ce n’était pas strictement nécessaire, mais en quelque sorte une cerise technophile sur le gâteau.
Je ne voulais que faire peur, uniquement effrayer ! La coïncidence est malheureuse, mais pensez que j’avais été jusqu’à m’assurer que mon fumigène ne produirait pas la moindre déflagration susceptible d’être interprétée comme un coup de feu ! Je voulais éviter une panique !
En sortant de la gare, j’ai sauté dans la navette à destination de l’aéroport. Je me faisais un point d’honneur à parachever mon œuvre. Je suis arrivé juste à temps. Sous le regard d’un agent de sécurité, j’ai mis dans la poubelle prévue à cet effet des bouteilles en plastique qui contenaient mon dispositif. C’était l’heure de pointe, la file était immense.
Je n’ai jamais compris pourquoi les terroristes cherchaient soit à s’introduire dans l’avion, soit à faire exploser leur bombe dans la large zone d’enregistrement. Le contrôle de sécurité est la zone la plus petite et la plus densément peuplée à cause des longues files. Renforcer les contrôles ne fait que rallonger les files et rendre cette zone encore plus propice à un attentat. Quelle absurdité !
Paradoxalement, c’est également la seule zone où abandonner un objet relativement volumineux n’est pas louche : c’est même normal et encouragé ! Pas de contenant de plus d’un dixième de litre ! Outre les bouteilles en plastique, j’ai pris une mine dépitée pour mon thermos bon marché. Le contrôleur m’a fait signe d’obtempérer. C’est sur son ordre que j’ai donc déposé le détonateur dans la poubelle, au beau milieu des files s’entrecroisant.
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J’ai appris la nouvelle en sirotant un café à proximité des aires d’embarquement. Une série d’explosions au stade, au moment même où le public se pressait pour entrer. Mon sang se glaça ! Pas aujourd’hui ! Pas en même temps que moi !
Les réseaux sociaux bruissaient de rumeurs. Certains parlaient d’explosions devant des salles de concert. Ces faits étaient tout d’abord démentis par les autorités et par les journalistes, me rassurant partiellement. Jusqu’à ce qu’une vague de tweets me fasse réaliser que, obnubilées par les explosions du stade et par plusieurs centaines de blessés, les autorités n’étaient tout simplement pas au courant. Il n’y avait plus d’ambulances disponibles. Devant les salles, les mélomanes aux membres arrachés agonisaient dans leur sang. Le réseau téléphonique était saturé, les mêmes images tournaient en boucle, repartagées des milliers de fois par ceux qui captaient un semblant de wifi.
Certains témoignages parlaient d’une attaque massive, de combattants armés criant « Allah Akbar ! ». Des comptes-rendus parlaient de militaires patrouillant dans les rues et se défendant vaillamment. Les corps jonchaient les pavés, même loin de toute explosion. À en croire Twitter, c’était la guerre totale !
Il parait qu’en réalité, seule une quarantaine de personnes ont été touchées par les coups de feu des militaires apeurés. Et que ce n’est qu’à un seul endroit qu’une personne armée, se croyant elle-même attaquée, a riposté, tuant un des militaires et entraînant une riposte qui a fait deux morts et huit blessés. Le reste des morts et des blessés hors des sites d’explosion serait dû à des mouvements de panique.
Mais la présence des militaires a également permis de pallier, dans certains foyers, le manque d’ambulances. Ils ont prodigué les premiers soins et sauvé des vies. Paradoxalement, ils ont dans certains cas soignés des gens sur lesquels ils venaient de tirer.
Encore heureux que les armes de guerre qu’ils trimbalaient ne fussent pas chargées. Une seule balle d’un engin de ce calibre peut traverser plusieurs personnes, des voitures, des cloisons. La convention de Genève interdit strictement leur usage en dehors des zones de guerre. Elles ne servent que pour assurer le spectacle et une petite rente aux ostéopathes domiciliés en bordure des casernes. En cas d’attaque terroriste, les militaires doivent d’abord se défaire de leur encombrant fardeau avant de sortir leurs armes de poing. Qui n’en sont pas moins mortelles.
J’ai immédiatement pensé à mon billet de blog programmé pour être publié et partagé sur les réseaux sociaux à l’heure de la dernière explosion. J’y expliquais ma démarche et mes motivations en espérant que les gens comprendraient que les désagréments des fumigènes étaient un prix bien faible à payer pour démontrer que toutes les atteintes à nos droits les plus fondamentaux, toutes les surveillances du monde ne pourraient jamais arrêter le terrorisme. Que la seule manière d’éviter le terrorisme est de donner aux gens des raisons pour aimer leur propre vie. Que, pour éviter la radicalisation, les peines de prison devraient être remplacées par des peines de bibliothèque sans télévision, sans Internet, sans smartphone. Incarcéré entre Victor Hugo et Amin Maalouf, l’extrémisme rendrait rapidement son dernier soupir.
Mon billet de blog avait-il été partagé trop tôt à cause d’une erreur de programmation de ma part ? Mes idées avaient-elles été reprises par un véritable groupe terroriste qui comptait me faire porter le chapeau ? Est-ce que des gens le lisait-il en ce moment même, inconscient du drame qui se jouait à quelques kilomètres d’eux ? Ou au contraire suffisamment informé pour pointer un doigt accusateur dans ma direction.
Tout cela n’avait aucun sens. Puis les gens ont commencé à hurler dans l’aéroport, se jetant à plat ventre et pleurant qu’on les épargne. Ceux qui fuyaient percutaient ceux qui voulaient aider ou voir la source de l’explosion.
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Je ne veux pas tuer. Je ne voulais pas tuer. Tous ces morts, ces images d’horreur. La responsabilité m’étouffe, m’effraie.
Jamais je ne me serais senti capable de tuer ne fut-ce qu’un animal. Mais quoiqu’en dise votre enquête, le démontre, je dois me rendre à l’évidence. Je suis le seul coupable, l’unique responsable de tous ces morts. Il n’y a pas de terroristes, pas d’organisation souterraine, pas d’idéologie.
Quand on y pense, c’est particulièrement amusant. Mais je ne suis pas sûr que ça vous arrange. Êtes-vous réellement prêt à révéler la vérité au grand public ? À annoncer que la loi martiale mise en place ne concernait finalement qu’un ingénieur avec la sensibilité émotionnelle d’une petite cuillère qui a légèrement sous-estimé le self-contrôle d’une population ayant subi plusieurs semaines, que dis-je années, de propagandes médiatiques.
Bonne chance pour expliquer tout cela aux médias et à nos irresponsables politiques, Madame la juge d’instruction !
Commentaire
Voici le commentaire original de ploum suite à l’écriture de cette nouvelle qui est juste magistral :
Rédigée dans la cabine d’un voilier en pleine mer Égée, cette nouvelle est partie d’un fantasme. Celui d’être moi-même un terroriste. Pas pour tuer, j’ai la violence en horreur. Mais parce que le challenge technique est passionnant. Peut-être parce que je suis un peu psychopathe sur les bords. Mais quel écrivain ne l’est pas ?
Les spécialistes en sécurité sont unanimes pour évaluer le nombre d’attaques terroristes que les mesures de sécurité draconiennes dans les aéroports ont permis d’éviter. Exactement zéro. Les militaires dans les rues, eux, ont réduit la sécurité globale de nos villes.
Cela vous paraît absurde ? Attendez une seconde. Savez-vous pourquoi nous ne pouvons pas emporter de flacons de plus de 100ml dans un avion ? Non ? Et bien, aucun spécialiste de la sécurité ne le sait non plus. Il n’y a strictement aucune raison. Les rares et difficiles à fabriquer explosifs liquides sont dangereux à partir de quelques millilitres. Ces règles ont de toute façon des exceptions. Le spécialiste en sécurité Bruce Schneier est ainsi monté dans un avion avec deux bouteilles d’un litre remplies d’un liquide. Il avait inscrit sur la bouteille, à la main, « liquide pour lentilles de contact », ce qui est autorisé. À la question de l’agent « Pourquoi deux bouteilles ? », il a répondu « Parce que j’ai deux yeux ».
Régulièrement, la sécurité des aéroports aux États-Unis est testée par des fonctionnaires qui tentent d’entrer dans un avion avec une arme et de voir s’ils sont arrêtés. Savez-vous combien y arrivent ? 95%. Dans tous les aéroports testés. Sur vingt tentatives d’introduire une arme vraiment dangereuse dans un avion, dix-neuf sont des succès ! Ces mesures de sécurité nous embêtent et ne sont donc d’aucune utilité contre un terroriste réellement décidé. Comme je l’illustre dans la nouvelle, elles sont même contre-productives en nous faisant nous agglutiner dans des endroits où nous jetons dans une poubelle tout ce que la sécurité considère comme dangereux.
Le terrorisme, globalement, fait très peu de morts. En moyenne moins que les vaches ou les salles de bain. Et surtout, des milliers de fois moins que le tabac. Les gens qui fument dans les espaces publics sont bien plus mortels que les terroristes. Ceux qui conduisent en regardant leur téléphone le sont également.
S’il était réellement organisé, le terrorisme pourrait être dramatique. Un homme seul et bien décidé pourrait faire un carnage. Mais nous avons une chance énorme que souligne Bruce Schneier : les terroristes sont très rares. Et, surtout, ils sont généralement, n’ayons pas peur des mots, bêtes et méchants. J’ose croire que dès qu’il accède à une certaine culture, une certaine intelligence, l’humain se met à hésiter devant la destruction gratuite de ses semblables. Le magnifique film « Four Lions » le montre avec une ironie mordante.
C’est ce que j’ai voulu illustrer et dénoncer dans cette nouvelle. Je n’aborde pas le fait que les humains, même éduqués et intelligents, aiment obéir aveuglément à un chef, fût-il un psychopathe.
Lutter contre le terrorisme passe donc par enseigner l’amour de la vie, l’amour de la culture, de l’intelligence et le refus de l’autorité arbitraire. Certainement pas par mettre au pouvoir une autorité arbitraire concurrente. Le piège est traditionnel…
Mais si vous me lisez, je ne vous apprends sans doute rien. Peut-être puis-je simplement vous donner un conseil, entre amis : ne suivez jamais aveuglément un chef quelconque. Et arrêtez de financer une des plus mortelles organisations terroristes : l’industrie du tabac. Arrêtez de fumer. Ce sera un petit pas pour votre avenir et un grand pas pour celui de l’humanité.