La France insoumise est-elle antisémite

Resume
Si vous suivez l’actualité, vous n’avez pas pu manquer que depuis le 07 octobre la France insoumise est accusée dans les médias mainstream d’être antisémite.
Ce billet, expose ma vision de l’antisémitisme à gauche et plus généralement au sein de la population française.
Introduction
Si vous suivez l’actualité, vous n’avez pas pu manquer que depuis le 07 octobre la France insoumise est accusée dans les médias mainstream d’être antisémite.
Mon premier réflexe comme celui de beaucoup de personnes de mon entourage (et pas seulement des personnes de gauche ou même pro-palestinien) a été de rejeter d’un revers de la main ses accusations en les qualifiant de fantaisistes (pour être polis).
Cependant, je pense que c’est une erreur et que l’on devrait profiter de ce moment pour enfin mettre au cœur de nos préoccupations, la lutte contre l’antisémitisme (qui n’a rien de résiduel n’en déplaise à Mélenchon) et qui est bel et bien présente au sein de la France insoumise (mais pas qu’au sein de la France insoumise).
Ce texte est donc à la fois un retour critique sur les réactions de LFI aux événements du 7 octobre, une réflexion plus large sur l’antisémitisme en France, et une tentative, modeste mais sincère, de penser les contradictions de la gauche dans ce domaine.Je ne prétends pas avoir toutes les réponses. Ce billet est un point d’étape. Un moment de mise à plat, écrit sous l’urgence de la colère, du trouble, et de la honte. Il est imparfait, mais honnête.
Afin d’adoucir mon style et éviter de choquer j’ai exceptionnellement demandé l’aide de chatGPT pour écrire ce texte. D’habitude je préfère garder mon ton polémique mais le sujet est si brûlant qu’il mérite que l’on prenne des gants pour le toucher.
Retour sur le 07 octobre et sur l’instrumentalisation de l’antisémitisme
Réponse aux critiques de la réaction de la France insoumise aux attaques du 7 octobre
préambule
Mais comme d’habitude, avant d’aborder frontalement ce sujet, je vais faire une digression sur des sujets annexes.
Déjà, j’aimerais parler du problème connexe de la réaction de la France insoumise aux attaques du 7 octobre.
Cependant, je ne vais pas répondre aux accusations débiles faites contre la France insoumise par des éditorialistes aussi ignorants qu’indifférents au sort des Juifs ou des Palestiniens (qu’ils vivent en France ou en Israël).
D’autres s’en sont chargés avant moi et ça n’aurait pas grand intérêt de rejouer le match deux ans après.
Ni aux critiques formulées par des groupes juifs d’extrême droite prônant de manière affichée le massacre ou à la déportation des Palestiniens (ceux qui pensent qu’un État palestinien indépendant signifierait la fin d’Israël et un nouveau massacre des juifs).
Je vais à la place répondre au critique formulé par des Juifs de droite ou de gauche qui pour le coup ont été très peu entendus (car comme d’habitude, seules les paroles les plus outrancières sont mises en avant par les médias mainstream et par les réseaux sociaux).
La France insoumise insensible
Une première critique adressée à la France insoumise concerne sa réaction immédiate, jugée froide, voire indifférente, face aux attaques du 7 octobre. Beaucoup ont estimé que le mouvement n’avait pas laissé à la communauté juive le temps de pleurer ses morts, et qu’il s’était engouffré trop vite dans une lecture politique des événements.
Ce sentiment d’un deuil confisqué n’est pas marginal. Il est profond, sincère, et a été partagé même par des gens peu enclins à diaboliser la France insoumise. Il exprime une blessure, celle d’avoir vu une tragédie vécue comme personnelle, intime, être aussitôt happée par les polémiques, sans la moindre respiration. Et ce, alors que cette même gauche avait su faire preuve d’empathie et de retenue dans d’autres cas.
Sur ce point, je partage une partie de la critique. Les premières heures après une tuerie devraient être un espace suspendu, où le recueillement prime sur les discours. LFI n’a pas respecté ce temps. C’est une erreur. Mais – et c’est là que la discussion se complexifie – ce reproche ne vaut que si l’on s’accorde sur un principe fondamental : que le temps du recueillement précède celui de l’analyse.
Or ce principe, la droite et les éditorialistes mainstream l’ont eux-mêmes piétiné depuis longtemps.
Souvenez-vous des attentats de Charlie Hebdo ou du Bataclan. En moins de 24 heures, certains médias associaient déjà terrorisme et islam. Les plateaux télé regorgeaient de “spécialistes” en sécurité ou en civilisation islamique. L’état d’urgence a été déclaré quasi immédiatement, avec à la clé des mesures liberticides – lesquelles ont ensuite été utilisées… contre les écologistes.
La gauche, pendant ce temps, a attendu. Trop attendu. Elle a joué la carte de la dignité, du calme, du respect et elle a perdu, car le champ médiatique n’attend pas. Quoi qu’il arrive il doit remplir chaque case horaire de discours. Et si on ne le remplit pas avec une parole progressiste, il se remplit avec celle des réactionnaires.
Et dans le cas du 07 octobre, je tiens à rappeler que dès le 08 octobre les massacres massifs de civil palestinien par l’armé israélien et des appels explicite au génocide émanant de membre du gouvernement israélien ont eu lieu(vite repris par les politicienne et éditorialiste français). Si les énnemis de la LFI (qui je le rappelle sont également ceux du respect des droits de l’homme) ne respecte pas la trêve, alors il serait irresponsable que la LFI la respecte.
C’est pour ça que je ne blâme pas LFI d’avoir réagi aussi vite. Je blâme la gauche d’avoir mis autant de temps à comprendre que la bataille des idées commence dès les premières secondes. Pas une fois le deuil terminé. Parce que la guerre – idéologique, médiatique, réelle – ne fait pas de pause.
Et pour moi cette différence de réaction ne montre pas que la gauche fait plus de cas de la vie des musulmans que de celle des juifs. Cette réaction montre surtout que la gauche de 2015 était beaucoup plus islamophobe et autoritaire que la gauche d’aujourd’hui. En effet, je considère que si dans le passé la gauche a réagi aussi tardivement et mollement aux tentatives d’instrumentalisation islamophobe et sécuritaire ce n’est pas par sens de la retenue et du devoir (qui comme chacun sait sont des qualités se retrouvant en abondance chez les politiciens), mais parce qu’une bonne partie d’entre elles était fortement influencée par ses discours nauséabonds.
Pour moi, cette réaction ne montre pas un recul de la lutte contre l’antisémitisme chez la gauche, mais au contraire une conscience plus aigüe chez les politiciens de gauche des enjeux des luttes anti-racisme, anti-autoritarisme et décoloniale. Et pour moi, c'est une bonne nouvelle.
Évidemment, cette logique peut choquer et je comprenne que l’on soit en désaccord avec (surtout si on fait partie des personnes touchées). Mais c’est la mienne.
Petite digression, avant de passer à la suite. On peut attendre d’un mouvement politique qu’il sache ménager un moment de silence, mais on ne peut pas l’imposer aux militants de base ou aux simples citoyens.
En effet même si je comprends et respecte que certain ai besoin (ou même juste envies) d’un temps de recueillement, il y a des gens comme moi qui au contraire sont profondément agacés par ses moments de recueillement.
Personnellement, j’ai toujours trouvé parfaitement ridicule et décérébrant les minutes de silence, les marques de respect aux victimes adressées à sa télé, les bougies déposées sur le site d’un attentat et autre manifestation d’émotion plus ou moins spontanée après une catastrophe.
Moi quand je suis victime d’une catastrophe, il n’y a rien qui m’horripile plus que de recevoir de la pitié ou du soutien symbolique. Ce que je veux, c’est une explication au problème et une solution. Et éventuellement pouvoir en parler à un inconnu qui n’en aura rien à foutre.
Mais, les déclarations de soutien, les ‘mon pauvre’ et autres simagrées du genre, vous pouvez vous les garder. C’est pour ça que personnellement, lorsque j’ai un problème (à part dans les rares cas où ils peuvent m’aider), mes proches sont les derniers au courant. Avoir en plus à gérer leur témoignage de soutien et leur condoléance et la dernière chose dont j’ai besoin dans ces moments.
À titre personnel, j’ai toujours trouvé révoltantes les pressions à participer à ses ridicules manifestations publiques sous prétexte de respect aux victimes et à leur famille (qu’elle bien ça va leur faire, de toute façon elles ne sont pas là pour me voir). Personnellement, une fois adulte, j’ai toujours refusé de me plier à ses simagrées. Par exemple, suite aux attentats de Paris, dans mon entreprise, j’ai fait partie des quelques têtes de cons qui n’ont pas participé à la minute de silence.
Et, déjà gamin, je me souviens d'avoir rigolé durant les minutes de silence que l’on nous avait imposé en l’honneur des attentats du 11 septembre, puis de je ne sais plus qu’elle massacre commis dans une école durant la guerre en Tchétchénie (aucune idée de si le massacre avait été commis par les Russes ou les Tchétchènes, de toute façon durant ses guerres des cargos entiers d’enfant ont été massacrés par les deux camps dans l’indifférence générale).
Ce n’est pas que j’étais insensible, mais m’étiez-vous à la place d’un enfant : c’est juste hilarant comme spectacles. Heureusement je suis blanc et bourgeois, donc on ne m’a jamais rien dit, mais récemment des gosses ont fini au commissariat pour moins que ça.
Et puis de toute façon à partir du collège, j’avais trouvé la parade : fermer les yeux et imaginer des trucs tristes.
Tout ça pour dire qu’on réagit tous différemment à une catastrophe et que ceux qui ont besoin d’un moment de recueillements n’ont pas le droit d’imposer leur besoin à ceux qui au contraire ont besoin de toutes de suites se plonger dans la recherche de cause et de solution. Et inversement.
Mais, revenons à notre sujet. Je suis le premier à dire que c’est désolant, que vous ayez à vivre à votre tour le manque d’empathie de notre société pour les victimes d’acte ignoble, mais la guerre n’attend pas que l’on ait fini de pleurer nos morts pour broyer les survivants sous ses exigences inhumaines.
Et, même si mon envie est grande d’en reporter toute la responsabilité sur le camp d’en face, la vérité, c’est que ce n’est de la faute d’aucun camp. Ni de la LFI ni des Macronistes, ni des fachos. C’est la faute de la nature profondément conflictuelle de nos sociétés.
Je pense donc qu’au lieu de reprocher à la France insoumise, sa contribution (bien réelle) à ce triste constat, vous devriez rejoindre les groupes qui tentent de trouver des solutions pour que ce ne soit plus le cas à l’avenir (et malheureusement la LFI n’en fait pas partie).
Et si vous tenez vraiment à critique ce fait alors ne réservez pas vos critiques qu’à la gauche ou aux événements qui vous touche personnellement.
La France insoumise refusée de qualifier les attaque du 07 octobre de terroriste
Autre reproche, celui-ci beaucoup plus médiatisé : Le refus de la France insoumise de qualifier de terroristes les attaque du 07 octobre.
Et je suis désolé, mais vous n’avez aucun droit d’exiger que l’on qualifie de terroriste les attaques du 07 octobre.
Je ne vais pas développer davantage ici, mais la conclusion que beaucoup de gens de gauche ont eu des séquences qui ont suivi les attentats de Paris, c’est qu’accepter de qualifier un événement (qu’elle qu’ils soient) de terroriste, c’est accepter un narratif qui a pour conséquence de réduire notre capacité à lutter contre les reculs de nos libertés publiques et des politiques belliqueuses qui conduisent à leur tour à d’autres massacres.
Dire que quelque chose est un acte terroriste, l’œuvre d’un fou, c’est tué dans l’œuf toute capacité de réflexion avec une illusion d’explication. Pour être plus claire, je vais prendre un exemple moins polémique et complexe (et que j’ai déjà utilisé dans un autre billet, mais que voulez-vous, je suis écolo et je pratique donc le recyclage):
Si je demande : ‘pourquoi est-ce qu’il pleut ?’ et que l’on me répond : « parce que Dieu l’a voulue », intuitivement, on comprend que ça ne va pas comme réponse.
Même si on est croyant et que l’on croit qu’effectivement, c’est Dieu qui l’a voulu, on est bien obligé d’admettre qu’avec cette explication, on est pas bien avancé. En effet, si on se met à accepter ce gendre d’explication, on arrête de faire de la recherche et on explique tout par : ‘c’est Dieu qui l’a voulu’. Résultat, on ne progresse plus ni dans notre compréhension du monde ni dans notre capacité à le changer.
Autrement dit n’en déplaise à Manuel Valls vouloir comprendre et donc qualifier correctement ce qui se passe, ce n’est pas excuser, ni même minimiser les problèmes, mais au contraire la seule chose à faire si on veut sincèrement qu’ils ne se reproduisent plus.
Alors dans un monde idéal, effectivement, il faudrait attendre un ou deux jours de deuil pour commencer à s’écharper sur les mots.
Mais là, je vais répéter ma réponse du chapitre précédent avec moins de gants. Je suis désolé, mais ce qui ont commencé à vouloir imposer leur mot ce n’est pas la France insoumise, mais les médias. Ce sont eux qui ont essayé d’imposer leur vison bien à droite des événements en utilisant le mot terroriste au lieu de terme plus neutre comme : ‘attaque ignoble’ ou ‘crime de guerre’.
Après tout ce qui s’est passé depuis les attentats de Paris, c’est ne pas tenter de combattre cette propagande grossière qui aurait été une honte.
Cependant, vous pourriez m’opposer que si c’est du terrorisme, alors peu importe les conséquences, alors il faut le qualifier de terrorisme. Comme dirait l’autre : mal nommés les choses s’est ajouté du malheur au monde. Et justement je ne suis ps d’accord sur le fait que le Hamas soit coupable de terrorisme et j’aimerais bien que l’on arrête de tout qualifié de terrorisme. C’est une organisation, fasciste, antisémite et coupable de crime de guerre, mais il n’y a pas une once de terrorisme en eux.
Et, j'aimerais aussi que l’on arrête de manier le mot terrorisme comme s’il s’agissait d’une insulte. Le terrorisme est une tactique militaire comme une autre. Elle ne cause pas plus de mort ou de traumatisme que les autres. Je dirais même que c’est sans doute la moins horrible de toutes. Même si je ne peux pas le prouver, je suis sûr que n’importe laquelle des opérations militaires soi-disant éthiques de nos pays occidentaux à fait bien plus de dégâts que l’ensemble des attentats terrorisme d’Al-Qaïda.
En fait, je pense que n’importe laquelle de nos campagnes de bombardement ‘propre’ ont tué plus d’enfants que l’ensemble des attentats d’Al-Qaïda sans que cela n’émeuve personne (ou si peu). La guerre, contrairement à ce que l’on essaye de nous faire croire, n’est jamais propre ni morale. C’est une boucherie stupide où périssent les innocents en nombre. La seule différence, c'est que ceux qui emploient des tactiques terroristes sont nos ennemis et que les morts qu’ils provoquent sont dans notre camp. Ce qu’il y a de si horrible avec le terrorisme, c'est que les morts qu’il provoque sont blancs.
Vous comprendrez donc que pour moi refuser de qualifier le Hamas de terrorisme, ce n’est pas le défendre. Au contraire c’est l’enfoncer davantage. Le vrai problème étant que nos médias et nos politiciens ne voient pas ce qu’il y a de mal à être fasciste. Et, au fond, il ne voit pas non plus ce qu’il y a de mal à être antisémite (ce serait normal vu que pour la plupart, ils assument plus ou moins ouvertement leur racisme)
Nier les viols du Hamas
Il a également été reproché à la France insoumise et à des gens de gauche de nier ou minimiser les crimes commis par le Hamas, notamment les viols, les meurtres de civils, les actes de torture.
Soyons clairs d’emblée : certains militants ou figures publiques à gauche ont effectivement tenu des propos douteux, voire inacceptables. Il y a eu des cas réels de négationnisme, de confusion, de complaisance idéologique ou, pire, de haine mal déguisée. Et certains de ces discours étaient portés par un antisémitisme non assumé.
Mais ce sont des cas extrêmement minoritaires qui ont été systématiquement condamnés par les organisations de gauches (sans pour autant que des sanctions soient prises, car comme chacun sait, en France, quand on est puissant, on est au-dessus des règles)
Ce qui a dominé dans les premiers jours après les attaques du 7 octobre, ce n’est pas la négation des faits établis, mais la méfiance face à des récits flous, non vérifiés, parfois mensongers, massivement relayés par les autorités israéliennes et amplifiés sans prudence par les grands médias occidentaux.
Ce réflexe de doute, à gauche, ne vient pas de nulle part. Il s’enracine dans une histoire longue de manipulations en temps de guerre, où les pires atrocités sont inventées ou exagérées pour légitimer des représailles, des bombardements, des déplacements de populations. La propagande de guerre, ce n’est pas une invention du Hamas. C’est une technique éprouvée, y compris par des États démocratiques.
Et dans le cas précis du 7 octobre, plusieurs récits terrifiants se sont révélés soit exagérés, soit complètement faux. On a parlé de bébés décapités, de viols systématiques, de massacres aux méthodes nazies… avant que des journalistes, des ONG, ou même l’armée israélienne elle-même ne rétropédalent ou reconnaissent le manque de preuves. Il y a eu instrumentalisation. Il y a eu fabrication. Et la gauche, dans ce contexte, a fait ce qu’elle sait faire : demander des preuves, refuser de céder à l’émotion brutale, chercher à comprendre au lieu de s’aligner.
Pour les plus curieux voici des vidéos de Lex Imperii à ce sujet :
FACT-CHECKERS : Masquer la propagande sous une fausse neutralité !
LES OSCARS DE LA PROPAGANDE DE GUERRE - 3 cas symptomatiques
Est-ce que certains en ont profité pour nier aussi des crimes avérés ? Oui. Est-ce que cela est grave ? Bien sûr. Mais ce n’est pas ce que la majorité des militants de gauche ont fait. Et surtout, ce n’est pas une preuve d’antisémitisme en soi que de douter d’un récit militaire dans les premières heures d’un conflit, surtout quand ce récit sert d’alibi à une guerre d’anéantissement contre un peuple colonisé.
Enfin, il est hypocrite de reprocher à la gauche sa prudence, alors que la droite et l’extrême droite, elles, se permettent tous les jours de nier ou de minimiser les crimes de l’armée israélienne, pourtant documentés par Amnesty, Human Rights Watch, l’ONU, et tant d’autres. Là aussi, il y a des enfants tués. Là aussi, il y a des civils massacrés. Là aussi, il y a des crimes de guerre. Mais là, soudainement, plus personne n'exige la compassion immédiate, ni l’usage de mots forts.
Ce deux poids, deux mesures alimente la défiance. Et cette défiance pousse certains à l’erreur. À l’excès inverse. Mais la racine du problème, c’est cette hiérarchie dans les morts. Ce déséquilibre dans les indignations.
Alors non, la gauche n’a pas toujours été irréprochable dans sa manière de traiter les crimes du Hamas. Mais accuser globalement LFI de désinformer ou de nier ces crimes, c’est nier aussi l’existence d’une critique lucide, informée et éthique du discours dominant. Et c’est faire passer une méfiance légitime pour de l’antisémitisme. Ce qui, au passage, affaiblit la lutte contre le véritable antisémitisme.
Instrumentalisation de l’antisémitisme
Parlons franchement. Oui, l’antisémitisme est instrumentalisé. Et cette instrumentalisation vise clairement deux cibles : la gauche et les musulmans. Chaque fois qu’un élu LFI, un militant pro-palestinien ou un simple citoyen musulman prend la parole sur la question israélo-palestinienne, il est potentiellement exposé à l’accusation d’antisémitisme.
Le procédé est rodé : on extrait une phrase, un tweet, une prise de position — parfois mal formulée, parfois maladroite, parfois simplement dissidente — et on l’utilise pour discréditer un camp politique entier. Peu importe les nuances, peu importe le contexte. C’est une stratégie, pas une indignation sincère.
Mais attention : reconnaître cette instrumentalisation ne signifie en aucun cas nier la réalité de l’antisémitisme, y compris à gauche. Ce serait une erreur tragique de penser que parce que l’extrême droite et les médias dominants utilisent l’accusation comme une arme, alors l’antisémitisme serait une fiction. Il ne l’est pas. Il est là, réel, profond, parfois inconscient, parfois décomplexé, et souvent mal combattu.
Ce phénomène n’est pas isolé. On l’a vu aussi avec l’homophobie, les violences sexuelles, le sexisme. À chaque fois que la droite ou l’extrême droite s’en empare pour attaquer la gauche ou les étrangers, une partie du camp progressiste hésite : faut-il encore lutter contre ces oppressions si elles sont utilisées contre nous ? Faut-il les taire pour ne pas nourrir l’ennemi ?
La réponse devrait être évidente : non. On ne recule pas sur les principes parce qu’ils sont dévoyés par nos adversaires. On ne cesse pas de combattre les discriminations sous prétexte qu’elles sont instrumentalisées. On fait mieux. On lutte plus fort. On reprend la main sur le récit.
Malheureusement, sur l’antisémitisme, la gauche ne tient pas toujours cette ligne. Trop souvent, elle tombe dans deux pièges :
-
minimiser le problème, par réflexe défensif ;
-
le relativiser systématiquement en le comparant à d’autres oppressions.
Oui, l’islamophobie est massive. Oui, elle est plus visible, plus institutionnelle, plus intégrée aux logiques d’État. Mais cela ne rend pas l’antisémitisme moins grave. Moins dangereux. Moins structurant dans notre histoire politique et sociale.
Le plus pervers, dans l’instrumentalisation actuelle, c’est qu’elle rend presque suspecte toute parole sur l’antisémitisme, comme si le seul fait de le nommer était déjà une trahison du camp progressiste. Et c’est précisément ce que cherche l’extrême droite : nous priver de la capacité à dénoncer l’antisémitisme sincèrement, lucidement, depuis la gauche.
Il y a là un piège mortel.
On ne combat pas une manipulation en cédant sur le fond. On ne combat pas l’instrumentalisation de l’antisémitisme en niant l’antisémitisme. On le combat en le prenant au sérieux, chez nous aussi, et en montrant que nous savons faire ce que nos adversaires ne font jamais : nous remettre en question.
Car si nous ne faisons pas ce travail, nous laissons la lutte contre l’antisémitisme aux mains de ceux qui la pervertissent, qui s’en servent pour justifier des politiques racistes, coloniales, autoritaires, ou guerrières. Et alors, non seulement nous trahissons nos valeurs, mais nous offrons une nouvelle victoire à ceux que nous prétendons combattre.
En plus, je le rappelle, les autres courants politiques n’en ont rien à foutre de l’antisémitisme, voire le défendent lorsque ça provient de figures d’autorité comme les policiers. Du coup, si on se scandalisait d’affaires comme celle-là : vueling-lantisemitisme-ne-manque-pas-dair , il deviendrait rapidement impossible d’instrumentaliser l’antisémitisme contre nous et de dire que l’antisémitisme en France est dû aux musulmans ou à la gauche.
Je tiens à terminer en précisant qu’ il y a une masse de gens à gauche, qui pour tout un tas de raison défendent que certaines luttes doivent être mises de côté ou sont moins importantes.
Pendant des décennies, cela a même été la position dominante au Parti communiste ou dans des syndicats comme la CGT (le fameux classe first). Et encore aujourd’hui, c’est une position qui est loin d’avoir disparu (coucou Ruffin). Et, il y a aussi des penseurs antiracistes comme Houria Bouteldja qui doivent traiter la difficile question de comment on accueille dans le mouvement antiraciste des gens homophobe ou sexiste (surtout à une époque où l’extrême droite instrumentalise ses sujets pour taper sur les musulmans) et préconise des solutions un peu borderlines (mais on n’est pas là pour ce débat).
Et justement, ils sont également confrontés à un problème de friction entre la lutte contre l’islamophobie et l'antisémitisme. Et là de la part d’Houria Bouteldja et d’autres, on a des prises de position qui sont au-delà du borderline.
Par exemple :

Attention, même si je suis en désaccord sur beaucoup de sujets avec Houria Bouteldja, j’ai énormément de respect pour elle et ses idées et je ne crois pas qu’elles soient anti-sémite (mais j’avoue ne pas avoir lu ses livres et donc ne pas pouvoir l’affirmer avec certitude).
Mais, le respect que j’ai pour des politiciens, des penseurs ou des organisations ne m’a jamais empêché de les critiquer, lorsque je pense qu’ils font de la merde. Je me sens obligé de rajouter ce passage à cause du torrent de haine injustifié qu’ils se prennent et l’instrumentalisation des critiques faites à leur rencontre pour noyer leur message. Lorsque je critique la gauche bourgeoisie, curieusement, je ne ressens pas le besoin de prendre ce genre de précaution oratoire.
L’antisémite involontaire
On va tout de suite rentrer dans le vif du sujet et parler de l’affiche de la LFI sur Cyril Hanouna qui a tant fait polémique reprend l’imagerie antisémite la plus crasse.
Cette image est évidemment antisémite et je ne vais pas aller plus loin sûr cette affaire, car mon but n’est pas d’en faire un énième commentaire/analyse. Pour ceux que cela intéresse voici un poste blueskie qui résume mon opinion sur le sujet :
Vinteuil : réaction caricature Hanouna
Moi, ce que j’aimerais faire, c’est répondre à la question qui a brûlé les lèvres de toute personne raisonnablement éduquée sur l’antisémitisme qui a vu cette affiche : mais comment ça a pu passer ? Comment est-il possible que tout un groupe de personnes de la LFI aient validé cette affiche ? Est-ce que c’est vraiment possible que personne n’ait vu le problème ?
Ma réponse est que malheureusement, c’est très largement possible. Bien sûr, on ne peut pas exclure que ce groupe, spécifiquement, soit composé d’antisémite ou qu’il y ait eu une volonté de faire le buzz, mais l’explication la plus probable me semble être aussi la plus triste : la majorité des gens — y compris à gauche — ne savent tout simplement pas reconnaître les stéréotypes antisémites. Ils ne les voient pas. Ils n’ont jamais été formés à les repérer. Ils n’en comprennent pas l’histoire ni les implications.
Et ce n’est pas limité à des milieux populaires ou à des personnes peu éduquées. C’est généralisé. Y compris chez des militants cultivés, y compris dans des milieux intellectuels.
En effet, qui en France s’est déjà rendu compte qu’Harry Potter est antisémite ? Qui est au courant que la figure du gobelin qui est reprise dans Harry Potter (et dans pas mal d'autres œuvres de fantaisie) est à la base une caricature antisémite ? Pourtant, lorsque l’on y réfléchit, ça semble évident que cette créature avec un long nez et des doigts crochus qui est obsédée par l’argent est un cliché antisémite sur patte.
D’ailleurs, j’ai lu que maintenant lorsque dans les écoles, on présente à des élèves des caricatures qui était publié dans des journaux antisémites des années 30, les élève évoque spontanément Harry Potter.
La réalité, c’est qu’aussi bizarre que cela puisse paraître, le caractère évident de l’antisémitisme de cette affiche ou d’Harry Potter ne l’est que pour une minorité de Français. Et bizarrement beaucoup sont juifs, c’est bizarre qu’ils soient plus au courant que les autres, sans doute un complot.
Et cette ignorance ne concerne pas que des enfants ou des personnes issues de milieux populaires.
Prenons encore cet exemple très connu, mais rarement interrogé : les gobelins dans Harry Potter. Long nez, doigts crochus, obsession pour l’argent, gestion des banques… La caricature antisémite est flagrante pour quiconque connaît un peu l’histoire des représentations juives dans l’Europe du XIXe et du XXe siècle. Et pourtant, des millions de gens — moi y compris — ont grandi avec ces images sans jamais les questionner. Ce n’est pas par haine. C’est par ignorance.
Et cette ignorance, elle est entretenue. Par le système scolaire, qui n’enseigne pas ces codes. Par la culture populaire, qui recycle sans fin les mêmes clichés. Par la société, qui a intégré des représentations antisémites dans ses normes, ses plaisanteries, ses imaginaires — au point qu’elles nous paraissent neutres.
J’ai un souvenir très précis à ce sujet : en classe prépa, j’ai été obligé de lire l’argent de Zola et j’ai été frappé par le caractère violemment antisémite du roman. Et encore plus par le fait que cela ne semblait déranger personne.
Cela n’a même pas été mentionné par le prof qui a pourtant passé des heures à nous faire de la surinterprétation sur des détails de l’histoire et des analyses de 3 pages sur des figures de style qui à mon avis n’ont rien de particulièrement orignal (mais qui l’était peut-être à l’époque).
Pourtant, cela n’aurait pas pris longtemps de dire que non les Juifs ne dirigeaient pas la finance au XIXe siècle et que comme aujourd’hui l’essentielle du pouvoir et des capitaux était entre les mains de vieux hommes blancs riches et catholiques.
Avec un peu plus de temps, on aurait aussi pu se demander comment devait être interprété les propos de Saccard (le personnage principal) ? Est-ce que l’intention de Zola était de faire une présentation sans jugement des idées antisémite qui circulait chez les catholiques du XIXe siècle (autrement dit d’être réalistes) ou une promotion de ses idées ou au contraire de dénoncer leur absurdité ?
Je pense que cette dernière hypothèse est la bonne, tant il est ironique de voir un financier qui vit de mensonges et d’escroqueries se plaindre que les Juifs ne travaillent pas et pillent le travail d’autrui. Mais, ce n’est pas si évident à la première lecture (ni à la seconde). Si comme je le pense, il s’agissait de ridiculiser les idées antisémites des bourgeois de son époque, tout en restant réaliste (et subtil), alors je pense que Zola s’est lamentablement planté.
Quoi qu’il en soit, cela aurait été plus intéressant à analyser que la symbolique et soi-disant double sens de certaines descriptions.
Et, on aurait aussi pu étendre la réflexion vers les sciences dures pour se demander, indépendamment des intentions de l’auteur, quel effet réel ce roman à succès, a eu sur la diffusion des idées antisémites au XIXe siècle.
Perso, je pense qu’il a joué un rôle non-négligeable pour la diffusion d’un antisémitisme acceptable et la confusion à gauche entre lutte contre le capitalisme et lutte contre les Juifs, mais je ne suis pas spécialiste de ses sujets, donc mon avis ne vaut pas grand-chose.
Est-ce à dire que Zola ou JK Rowling sont antisémites et qu’il faut arrêter d’urgence de lire leur roman ? Bien sûr que non.
Comment pourrait-on ne serait-ce qu’imaginer que l’auteur du fameux ‘J’accuse’ soit antisémite ? Comment pourrait-on imaginer que je fasse ce genre de recommandation, alors que je suis fan d’Harry Potter au point d’en avoir écrit plusieurs fanfictions.
Non, ce que je veux dire par là, c’est que nous sommes les héritiers de plusieurs siècles d’antisémitisme forcené qui a trouvé son pinacle dans la Shoah et que cela a laissé de profondes traces dans notre culture qu’il est impossible de discerner sans une éducation que peu de gens ont (pas même des gens violemment engagé contre l’antisémitisme et cultivé comme Zola).
Et, qu'en conséquence l’antisémitisme le plus courant est aujourd’hui un antisémite de l’ignorance et non de la malveillance.
Et ce n’est pas une spécificité de l’antisémitisme. D’autres formes de racisme ont connu (ou connaissent encore) le même sort. Il y a quelques décennies, personne à gauche ne s’émouvait des blagues racistes sur les Arabes dans les émissions de télé. Ou des chansons comme La Zoubida, qui caricaturaient les immigrés maghrébins.
Quand on ne fait pas partie des concernées, on a rarement une connaissance innée de ce qui est raciste ou non.
Vous trouvez que j’exagère ?
Ceci est une phrase prononcée par Mélenchon lors de son débat avec Zemmour sur BFM TV en 2021 (donc bien avant les attaques du 07 octobre). Cette phrase est bien évidemment antisémite :
‘Monsieur Zemmour ne doit pas être antisémite parce qu’il reproduit beaucoup de scénarios culturels, 'on ne change rien, on ne bouge pas, la créolisation mon dieu quelle horreur' ! Tout ça ce sont des traditions qui sont beaucoup liées au judaïsme. Cela a ses mérites, cela lui a permis de survivre dans l’histoire. Donc je ne crois pas qu’il soit antisémite.’
Source : melenchon-admet-qu-il-s-est-mal-exprime-apres-ses-propos-sur-le-judaisme-et-zemmour
Si on résume, il dit que si Zemmour est réactionnaire, c’est parce qu’il est juif. C’est un peu l’équivalent de l’islamophobe qui dit que les Arabes volent parce qu’ils sont arabes. C’est dans leur nature d’être des arriérés violents.
Et pourtant cette phrase a suscité relativement peu de réaction à gauche comme à droite et a très vite été oublié. Et pourtant, on était en plein milieu d’une présidentielle assez insipide, du fait que le principal candidat refusait de faire campagne.
Comment expliquer cela autrement que par un mélange d’indifférence et d’ignorance ? Comment l’expliquer autrement que par la persistance de cliché antisémite tellement présent que l’on y fait plus attention et qu’on n’arrive pas à remettre en question ?
Pour en sortir, il faudrait faire ce que l’on a fini par faire pour d’autres formes de racisme : éduquer. Former les militants, les élus, les citoyens. Apprendre à reconnaître les images, les mots, les associations d’idées héritées d’un antisémitisme séculaire. Expliquer pourquoi certaines blagues, certains traits de caricature, certains discours sont violents, même sans intention malveillante.
Et il faudrait aussi cesser de croire que seuls les antisémites sont responsables de l’antisémitisme.
Et il faudrait aussi que les politiciens de droite comme Macron arrête de faire de la désinformation historique dans le seul but de séduire l’extrême droite antisémite (non, Pétain n’a pas fait ce qu’il a pu pour protéger les Juifs, mais a au contraire fait tout son possible pour les tuer).
Ce serait, à mon sens, bien plus productif que d’accuser les musulmans ou la France insoumise d’être responsable de la montée de l’antisémitisme. Les antisémites les plus nombreux sont des petits blancs bien de chez nous et c’est une transition parfaite pour le chapitre suivant.
L’antisémitisme décomplexé
En effet, il est temps de parler de ce que la plupart des gens ont en tête lorsque l’on parle d’antisémitisme : l’antisémitisme haineux, le complotiste, le nazi et autre tonton raciste, toujours disponible pour égayer les repas de famille.
Cette bestiole-là en général, on a tendance à croire à gauche qu’elle vote exclusivement RN et à la rigueur Macron lorsqu’elle a un certain patrimoine. Et malheureusement, c’est totalement faux.
Il suffit de faire un tour sur les réseaux sociaux ou d’être fan de rap pour se rendre compte qu’il n’y a rien d’incompatible entre l’antisémitisme radical et la gauche traditionnelle. Pour vous en convaincre voici le genre de poste que l’on a eu sur les réseaux sociaux de la part de certains sympathisants LFI suite à la caricature de Hanouna :

Et cette présence de l’antisémitisme à gauche ne date pas d’hier. On se souvient par exempte dans les années 30 des nombreuses personnes qui sont passées du Parti socialiste aux Pétainismes (dédicace à François Mitterrand et à son poste haut placé sous Vichy, et son soutien sans faille à Papon). Et d’ailleurs pour les convertir faire le lien entre les Juifs et la finance était très efficace.
C’est un énorme problème dont il faudrait arrêter de nier l’existence, afin d’enfin pouvoir le combattre.
Ne pas le faire, c’est se rendre plus vulnérable aux procès en antisémitisme des médias et perdre une bonne partie de nos électeurs. En effet en voyant que ce genre d’attitude n’est ni dénoncé, ni sanctionné au sein de la LFI comment en vouloir à ceux qui vont croire ce genre de fake news : Un 22 mars bien chargé en fake
Comment s’étonner après cela de constater que des gens pourtant séduits par le programme du NFP et dégoutté par les crimes commis par le gouvernement israélien votent à droite (surtout, s’ils sont Juifs).
Et, cela est d’autant plus vrai si on est anti-sioniste. Car, je le rappelle, la principale raison de l’existence d’Israël est le soutien que lui apporte la communauté juive par peur de l’antisémitisme. Comment en vouloir aux Juifs de penser que leur seule échappatoire aux violences antisémites est d’avoir une nation à eux, lorsque même dans les partis de gauche, on est totalement indifférent à ce problème. Comment peut-on espérer que la solution à un seul état défendue par Rima Hassan (mais pas par la France insoumise) du problème palestinien devienne un jour réalité tant que l’on ne sera pas capable de régler le problème de l’antisémitisme en Occident ?
En effet, comment peut-on convaincre les Juifs d’Israël que les Palestiniens renonceront à la haine des Juifs et qu’ils pourront tous vivre ensemble dans un même état égalitaire et multiculturel si les Européens en sont incapables ? Comment peut-on demander aux Juifs de renoncer à leur seul refuge alors que l’antisémitisme monte partout et que le vice-président non-officiel de la première puissance mondiale s’amuse à faire des saluts romains (il parait que c’est comme ça que ça s’appelle maintenant) ?
Et, de toute façon, le simple fait que je ressente le besoin d’argumenter pour que la gauche prenne des mesures vigoureuses pour lutter contre l’antisémitisme en son sein est une insulte à toutes les convictions, humanistes qu’elle est censée porter.
Bonus : L’antisémite dédiaboliser : "le Dog whistle »
Pour finir, j’aimerais aborder un autre sujet très proche : le Dog whistle.
Pour ceux qui ne seraient pas au courant l’extrême droite est tout aussi violemment antisémite qu’elle l’était sous Pétain, mais elle ne peut plus le dire ouvertement sans se prendre des procès.
Pour pallier ce problème, l’extrême droite a pris l’habitude d’utiliser ce que l’on appelle des Dog whistle ou sifflet à chien pour diffuser ses idées nauséabondes dans les médias ou sur les réseaux sociaux sans risquer d’avoir des ennuis avec la justice.
Comme tous les concepts d’extrême droite, celui-ci est fort simple : utiliser des périphrases qui si elles sont prises au premier degré, ne sont pas antisémites, mais qui seront compris par tous les lecteurs comme antisémites. Comme ça, lorsqu’on les accuse d’être antisémites, ils peuvent nier et dire qu’ils sont mal exprimés ou qu’on les a mal compris ou que c’était de l’humour.
Et ils ne font pas ça que pour les Juifs. Par exemple, au lieu de dire : ‘les Arabes sont des violeurs’, ils vont juste écrire : ‘encore une chance pour la France’ en dessous d’un article parlant d’un viol dont on ignore le coupable. Si on les traîne devant un tribunal, ils pourront facilement nier le caractère racismes de cette phrase, mais personne ne sera dupe.
Étant donné que l’antisémitisme est moins toléré par les Français que les autres formes de racisme, ils utilisent des périphrases moins claires et seulement compréhensibles par des initiés.
Par exemple, au lieu de dire Juif, ils vont parler de la ‘finance’ ou ‘des dragons célestes’ ou ‘les sionistes’ des ‘tu sais, les autres’. Cependant, même si c’est plus subtil, ça marche tout aussi bien. Lorsque Dieudonné faisait ses spectacles, la plupart des spectateurs comprenaient qu’il portait un message antisémite et non antisioniste. Mais, c’était suffisamment caché pour que la justice ne puisse pas le condamner et que des gens normaux croient à sa bonne foi lorsqu’il niait être antisémite.
Mais, bien entendu, sans des politiciens opportunistes et racistes comme Manuel Valls rien ne serait possible. En effet, si après tant de temps, ils peuvent encore utiliser cette technique sans risquer le moindre ennui, c’est avant tout parce qu’ils n’ont jamais pris la peine de changer les lois ou de créer un service public chargé de lutter contre l’antisémitisme et le racisme.
Car la défense de la tolérance et du vivre-ensemble, c’est bien beau, mais quand on est sérieux, on pense avant tout au déficit et à des mesures qui seront relayées positivement par les médias de milliardaires antisémites comme Bolloré (quand on oblige ses journaux à publier des articles antisémites écrit par ses copains, je considère que l’on est soit même antisémite : histoire-antisemite-cnews-bollore )
Et là, je pense que vous commencez à voir un problème : C’est tellement bien caché que c’est identique à un discours qu’une personne de gauche ou un sociologue pourrait tenir de bonne foi.
Du coup, comment faire pour que : ‘mon ennemi c’est la finance’ ne soit pas compris par un antisémite ou un confus comme ‘mon ennemi, ce sont les Juifs’ ? Comment faire pour différencier une théorie du complot antisémite d’une description scientifique des impératifs financier auquel sont soumis des médias et de l’influence qu’ils ont sur leur ligne éditoriale ?
Comment faire pour différencier un discours critique du sionisme et de la solution à deux états comme celui de Rima Hassan d’un discours antisémite comme celui de Dieudonné ? Et c’est encoure plus difficile de différencier les deux, lorsque l’antisémitisme et complotisme est noyé dans des discours authentiquement de gauche comme c’est le cas chez Étienne Chouard (cf CHOUARD : LE NÉGATIONNISTE PRÉFÉRÉ DE LA GAUCHE ? ).
Comment tenir un discours qui critique les inégalités de pouvoir dans notre société sans qu’il ne soit détourné ou mal interprété par des antisémites ?
C’est un vrai problème auquel je n’ai pas la réponse. Peut-être le sujet d’un prochain billet. Cependant, je pense que le problème mérite d’être mentionné dans ce billet.
En attendant d’avoir une solution, il pourrait être tentant de vouloir que l’on renonce à dénoncer le ‘Dog whistle’ au prétexte que cela à principalement pour conséquence de donner à nos ennemis, une technique pour accuser la gauche d’antisémitisme.
Et c’est vrai qu’il serait peut-être plus efficace de se concentrer dans un premier temps sur les nombreux actes antisémite bien moins ambigus des politiciens d’extrême droite comme le fait que Darmanin cite du Maurras à l’Assemblée nationale, que la tête de liste aux élections européennes de 2019 d’En-Marche est une ancienne du GUD qui n’a pas l’air de regret grand-chose de cet engagement passé ou que le députe Frédéric Boccaletti vendait des pamphlets antisémites dans sa librairie.
Mais, étant donné l’importance des discours utilisant cette technique sur les réseaux sociaux, je pense que ce serait une erreur. Je pense qu’un collectif voulant lutter contre l’antisémitisme ne peut pas faire l’économie de dénoncer l’usage du Dog Whistle (quitte à prendre le risque de nuire à d'autres luttes tout aussi légitimes).
Conclusion
Exceptionnellement, il n’y aura pas de conclusion à ce billet, car ce sujet (comme sur bien d’autres) je dois avouer que ma réflexion est toujours en construction. Ceci est un point d’étape que je me suis forcé à écrire, car le sujet me semblait urgent et que j’avais besoin de faire le point. À la place, je terminerais en donnant le lien vers une conférence que j’ai beaucoup aimée sur le sujet afin de vous permettre d’aller plus loin :
Intervention de Tal BRUTTMANN, Historien et représentant du Mémorial de la Shoah (1ère partie)
Intervention de Tal BRUTTMANN, Historien et représentant du Mémorial de la Shoah (2ème partie)
Et aussi vers ce rapport de la Commission nationale consultative des droits de l'homme :LA LUTTE CONTRE LE RACISME, L’ANTISÉMITISME ET LA XÉNOPHOBIE
Je vous invite aussi à suivre le travail de : Nonna Mayer . Et notamment si vous en avez la possibilité de lire cet article : Les transformations de l'antisémitisme français
Sinon dans ce billet (et dans d’autres), j’ai été très critique de la France insoumise, je tiens à préciser que malgré tout, je continue à soutenir ce parti. Car même s’il est merdique, il est le parti ayant des chances de remporter les élections, le plus proche de mes idées.
Et, même si je suis loin d’être d’accord sur tout avec Houria Bouteldja et qu’elle fait beaucoup de merde, je reconnais qu’elle fait également beaucoup de bien et que beaucoup de ses discours sont intéressants. En fait Houria Bouteldja, c’est un peu le Ruffin des quartiers, mais en moins carriériste et en plus intello.
J’ai aussi à plusieurs reprises dit que les critiques que j’adresse à la gauche sont aussi valables pour la droite. Je précise donc que ce n’est pas une manière de dédouaner la gauche. Pour moi, les autres font pareil, ne veut pas dire que ce que l’on fait est bien ou excusable (les parents le savent bien, mais apparemment certains adultes ont besoin qu’on le leur rappelle).