Idée en vrac

Resume
Idée sur différent sujet trop court pour en faire un article de blog à part entière
Pourquoi je n’aime pas ‘L'empire n'a jamais pris fin’ de Pacôme Thiellement sur Blast
Depuis environ un an Blast , diffuse une nouvelle émission nommée : L'empire n'a jamais pris fin qui connaît un franc succès.
Or, j’ai déjà sous-entendu ici et là que je n’aimais pas cette émission sans jamais dire pourquoi. Voici donc, en exclusivité, les trois raisons pour lesquelles je n’aime pas cette émission.
Déjà, c’est un détail, mais je déteste sa phrase d’introduction : « Je ne suis pas historien mais exégète. Si vous n’aimez pas mon histoire de France, alors écrivez la vôtre. »C’est très joli, mais ça ne veut rien dire. En effet, un exégète, c’est quelqu’un qui va interpréter un livre ou une œuvre d’art qui existe déjà, pour en tirer le sens caché ou le vrai sens. Par exemple, faire l’exégèse de la Bible, c’est essayer de découvrir, en lisant la Bible et éventuellement en se renseignant sur le contexte historique dans lequel elle a été écrite, quel est le message que Jésus a voulu faire passer (ce que Pacôme fait dans un des premiers épisodes de L'Empire n’a jamais pris fin). Mais il n’existe pas de livre écrit une bonne fois pour toutes nommé : l’histoire de France, dont on pourrait faire l’interprétation.Dire que l’on est exégète de l’histoire de France, c’est comme dire que l’on est boulanger pour plante verte. Ça fait illusion parce que c’est grammaticalement correct, mais en vrai, cela n’a aucun sens. Et la phrase qui suit peu après me laisse à penser qu’elle a été placée dans le seul but de ne pas avoir à répondre des critiques qu’il savait inévitables.De lui permettre, comme d’autres personnes engagées dans la même démarche d’instrumentalisation de l’histoire à des fins politiques (comme François Asselineau), de prétendre, quand ça l’arrange, qu’il ne prétend pas à la réalité historique, car il ne fait que de la fiction inspirée de faits réels dans le but de propager des idées politiques (ce qui est une activité tout à fait louable), tout en mettant tout en œuvre pour que la plupart des spectateurs croient avoir affaire à un récit historiquement exact.Et non, il n’y a rien qui l’aurait empêché de dire dès le début qu’il est historien amateur ou même historien tout court. Ce n’est pas un titre protégé par la loi, et cela aurait été plus honnête.Car ce qu’il fait, c’est un travail d’historien. Un mauvais travail d’historien, certes, mais un travail d’historien.
Et justement, la deuxième raison pour laquelle je n’aime pas son travail, c’est que c’est un roman national de gauche, et que je n’aime pas les romans nationaux.C’est-à-dire que son histoire de France est une version simplifiée (voire mensongère) de l’histoire, axée sur de grandes figures, ayant pour but de légitimer et de propager des idées politiques.Bien sûr, tout le monde simplifie lorsqu’il s’adresse au grand public, ou tout simplement parce qu’on ne peut pas tout dire, même dans un livre d’histoire de 1000 pages.Bien sûr, le choix de ces simplifications n’est jamais neutre politiquement.Bien sûr, le travail d’historien, ce n’est pas que de relater une série de faits déconnectés les uns des autres, mais d’expliquer pourquoi ils se sont produits.C’est-à-dire en quoi ils sont les causes et les conséquences les uns des autres, et quelle était la mentalité, le contexte historique et les raisons qui ont poussé les hommes à agir tels qu’ils l’ont fait en réaction à ces événements.Et encore une fois, cette explication n’est jamais neutre politiquement.Mais la plupart des historiens et les bons vulgarisateurs en histoire assument et combattent ces biais idéologiques du mieux qu’ils peuvent, et acceptent (avec plus ou moins de bienveillance) la critique.Par contre, Pacôme Thiellement, tout comme Guillemin et Richard Ferrand, refuse la critique sous des arguments que je trouve fallacieux (voir point 1) et n’est à aucun moment dans une optique de combattre/assumer ses biais afin de proposer le travail le plus historiquement exact.Tout comme eux, il choisit ses citations pour aller dans son sens et faire rentrer au forceps les événements historiques dans son cadre, qui est que, grosso modo, l’histoire serait depuis des millénaires une lutte entre une masse d’opprimés voulant imposer le communisme, contre un petit groupe d’élites malveillantes voulant imposer leur domination par la violence la plus abjecte.Un exemple de ça est sa vidéo : BOURGUIGNONS VS ARMAGNACS : GAME OF THRONES MAIS POUR DE VRAI - ÉPISODE 6 , où il compare l’une des révoltes contre les impôts mis en place par le roi pour financer ses guerres à celle des Gilets Jaunes, en disant que c’est le peuple qui se révolte contre la misère.Or, les impôts dont on parle sont payés exclusivement par les artisans et commerçants.En gros, c’est une des premières révoltes de la bourgeoisie naissante. C’est-à-dire une petite minorité de la population, qui, même avec ces augmentations d’impots, est très loin de la misère et n’a pas grand-chose à voir avec les Gilets Jaunes.Et d’ailleurs, la répression qu’ils subiront et la manière dont ils seront perçus par le reste de la société n’a pas grand-chose à voir avec ce qui est arrivé aux Gilets Jaunes.La France du Moyen Âge, c’est un pays dont la culture, la composition, les modes de production, les groupes sociaux, les rapports de force entre ces différents groupes et leurs aspirations n’ont rien à voir avec ceux de la France d’aujourd’hui. Sur tous ces points, nous sommes plus proches des Chinois que de nos ancêtres d’il y a mille ans.Le travail d’un bon historien est de nous faire percevoir cette différence. De nous permettre de voyager vers ces terres inconnues que nous arrivons à peine à concevoir.
Ce n’est pas ce que fait Pacôme Thiellement. Lui, construit un mythe visant davantage à nous unir dans notre présent pour modifier notre futur, plutôt qu’à éclairer notre passé.Et même si je n’aime pas cela, c’est peut-être une bonne chose.C’est-à-dire,que de la même manière que je n’aime pas la violence mais que j’en reconnais quand même la nécessité (ou le caractère inévitable) dans certains cas, je crois que, même si je ne l’aime pas, le travail qu’a entrepris Pacôme est sans doute nécessaire (ou en tout cas qu’il fait plus de bien que de mal).En effet, beaucoup de gens (surtout dans les classes populaires) ressentent le besoin de faire partie d’une communauté et d’avoir ce type de mythe fondateur qu’est en train d’écrire Pacôme Thiellement.Or, on a vu durant les dernières années l’extrême droite s’engouffrer dans ce domaine en proposant leurs mythes et leur roman national revisité.Leur laisser la place libre sous prétexte que la petite bourgeoisie culturelle de gauche (dont je fais partie) ne peut pas blairer les mythes et le communautarisme n’est sans doute pas une bonne idée.La vérité, c’est que cette série de Pacôme Thiellement fera sans doute plus pour les idées que je défends que moi durant toute ma vie. En fait, il fait le sale boulot que je suis trop snob pour faire.Donc, même si je n’aime pas son travail, in fine je devrais éviter de trop le critiquer. Surtout qu’il est quand même beaucoup plus rigoureux qu’un Richard Ferrand ou un Franck Guillemin. Et surtout, contrairement à eux, il n’attaque pas violemment les historiens ou les couillons comme moi qui les critiquent sur Internet.
Et enfin, troisième raison pour laquelle je n’aime pas ce qu’il fait : ce n’est pas seulement un roman national de gauche, mais aussi un roman national de gauche chrétienne.Or, je n’aime pas la religion, et tout ce qui s’en rapproche de près ou de loin.