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Réflexion sur l’économie : le PIB

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Resume

Mon opinion sur le PIB et ses limites

Introduction

En général, à gauche, on hurle de désespoir lorsque quelqu’un dit que l’État devrait être géré comme une entreprise. Personnellement, même si je comprends cette réaction, je pense qu’elle est injustifiée et qu’effectivement adopter un point de vue original sur une situation permet souvent d’en apprendre beaucoup sur celle-ci. Mais à la seule condition de le faire sérieusement et avec la sincère envie d’apprendre, et pas superficiellement et dans l’unique but d’avoir un sophisme convaincant à asséner en boucle sur les plateaux télé (comme c’est le cas la plupart du temps).

Qu’est-ce le PIB

Le PIB est pour la nation, l’équivalent du chiffre d’affaires d’une entreprise. C’est-à-dire somme que tour les citoyens du pays ont gagné en vendant des produits ou des services à d’autre citoyen durant l’année écoulée.

Comme pour une entreprise, ce n’est pas une information inutile. Mais quel que soit la question à laquelle on veut répondre, ce n’est pas une donnée suffisante.

PIB et bien être matérielle des citoyens

Si on veut savoir si les salariés d’une entreprise gagnent bien leur vie, l’évolution du chiffre d’affaires ou même du chiffre d’affaires moyen par salarié ne nous apprend pas grand-chose.Pour connaître le niveau de vie des salariés, ce qui compte, c’est leur salaire, leurs conditions de travail, leur patrimoine (à salaire égal, un propriétaire sans dette n’a pas le même niveau de vie qu’un locataire), leur santé, le coût de la vie là où ils vivent… En fait, plein de choses qui n’ont qu’un rapport très ténu avec le chiffre d’affaires.

C’est pour cela que tous les éditorialistes se plantent en disant que le niveau de vie des gens va bien parce que le PIB augmente, ou qu’il va mal parce qu’il baisse. Le gouvernement espagnol, Macron ou Génocide Joe ont clamé que les choses allaient mieux en montrant leurs bons scores de croissance, mais ça ne convainc personne parce que ce ne sont pas les bonnes métriques.Surtout aux USA où certes, le PIB augmente, mais tous les autres indicateurs sont dans le rouge foncé (le nombre de personnes sans logement augmente, le nombre de personnes touchant des bons alimentaires augmente, le niveau scolaire baisse, …). Que le PIB augmente ne veut pas dire que le salaire augmente. Pire, il peut se faire au prix d’une dégradation du niveau de vie des gens (et c’est ce qui se passe aux USA).

En Espagne, avoir une croissance grâce au tourisme, cela veut dire que l’on transforme des logements d’habitation en résidences de tourisme, et donc que l’on aggrave la crise du logement, et donc que des gens perdent leur logement. En contrepartie, on développe un secteur qui offre des emplois précaires, mal payés, avec de mauvaises conditions de travail, écologiquement insoutenables (je parle bien sûr des avions qui amènent les touristes, mais aussi du fait que l’on prive les gens et l’agriculture d’eau pour pouvoir remplir les piscines des touristes).Bref, le tourisme ne crée aucune richesse qui puisse être redistribuée et améliorer le niveau de vie de la population, mais par contre, il coûte. C’est une croissance destructrice pour le niveau de la population. C’est une activité qui, si on faisait les comptes, augmente le chiffre d’affaires mais diminue les bénéfices, car elle n’est pas rentable.

Il faut arrêter avec le PIB. C’est un indicateur pertinent durant les Trente Glorieuses mais plus maintenant. Il ne faut pas confondre la température et le thermomètre.

PIB et richesse du pays

Souvent, on dit que le PIB représente la richesse produite par un pays. Mais de la même manière que le chiffre d’affaires ne représente pas la richesse produite par une entreprise, le PIB ne représente pas vraiment la richesse produite par un pays. Ou plutôt, il représente, comme son nom l’indique, la richesse brute. Or, ce qui nous intéresse pour connaître la richesse d’un pays, c’est la richesse nette. C’est-à-dire la valeur de ce que l’on a produit, moins la valeur de ce que cela nous a coûté de produire cette richesse.

En effet, imaginer une entreprise qui chercherait à maximiser son chiffre d’affaires en se foutant de ses coûts et donc de son bénéfice. Elle irait droit à la ruine. Et pourtant, c’est comme cela que l’on gère actuellement les États. On regarde si un projet va augmenter le PIB, mais on se moque de combien il va coûter.

L’exemple le plus célèbre est celui des catastrophes naturelles. Cela ne fait pas consensus, mais d’après certains économistes, dans certains cas, une catastrophe naturelle provoque une augmentation du PIB, car on compte dans le PIB ce qui a été produit pour réparer les dégâts de la catastrophe, mais pas le coût de la catastrophe.

Mais on pourrait trouver plein d’autres exemples,bien plus concret, comme la santé. En effet, les soins de santé comptent positivement dans le PIB, mais pas la perte de santé du travailleur. Elle ne compte que s’il aurait produit plus s’il avait été en bonne santé, alors qu’en fait, même s’il est retraité, c’est une perte de richesse.Du cout certaine politique améliorant la santé comme la lutte contre le tabac peut provoquer une baisse du PIB.La production de tabac compte dans le PIB et ce qui sera produit à la place aura peut être moins de valeur. Par contre une partie des effets positifs sur la santé de ses politiques ne sera pas pris en compte.

Et on pourrait aussi critiquer la manière un peu bête dont le PIB est utilisé pour décider des politiques économiques. A-t-on déjà vu une entreprise mesurer la valeur de ses activités uniquement à ce qu’elles rapportent en termes de chiffre d’affaires, sans se soucier du lien avec ses autres activités ?

Si c’était le cas, Nintendo arrêterait de construire des consoles, car ce sont les jeux qui lui rapportent de l’argent. Les supermarchés arrêteraient de vendre des produits de base comme les pâtes ou l’essence, car elles font peu de marge ou de chiffre d’affaires dessus.

Le problème, c’est que même s’ils ne génèrent pas beaucoup de chiffre d’affaires ou de bénéfices, ces activités sont nécessaires pour que les autres en génèrent. Il est nécessaire pour un supermarché de vendre des produits de base pour que les clients viennent, et il est nécessaire de vendre des consoles pour pouvoir toucher un pourcentage sur tous les jeux qui y sont achetés ou pousser les consommateurs captifs à acheter les jeux Nintendo plutôt que ceux de la concurrence.

Et avec un pays, c’est pareil. Même si un secteur génère peu de PIB, c’est peut-être grâce à lui que les autres activités peuvent fonctionner.

Par exemple, dans le cadre de l’évaluation des effets du réchauffement climatique, des économistes disent que le réchauffement climatique va juste avoir un impact sur l’agriculture, et que l’agriculture, c’est 3 % du PIB. Donc même si un réchauffement de 4 °C provoque une diminution de moitié de la production agricole, cela ne fera baisser que de 1,5 % le PIB mondial. Alors que bon, il est évident que si on diminue de moitié la production agricole mondiale, le reste du PIB va avoir quelques soucis.

Et c’est sérieusement avec ce raisonnement que certains économistes (comme Nordhaus) soutiennent qu’un réchauffement climatique de 3 °C serait optimal, car les investissements nécessaires pour réduire davantage le réchauffement ne seront jamais rentables.

Tous ces facteurs font que le PIB est, dans les économies développées, un très mauvais indicateur de la richesse produite.

PIB et puissance de l’état

Pour connaître la santé d’une entreprise, pareil,le chiffre d’affaires est rarement la donnée la plus pertinente. Pour cela, on va plutôt regarder les bénéfices. Le taux de marge, les besoins en investissement, l’image de marque, les perspectives du secteur, le moat de l’entreprise, sa stratégie à 5 ans, ses parts de marché, … Je pense que tous les gens qui investissent en bourse savent à quel point connaître le chiffre d’affaires et son évolution est utile mais pas déterminant.

Dans un secteur nouveau et donc en phase de croissance, on peut se contenter de regarder le chiffre d’affaires, car la priorité n’est pas les bénéfices, mais d’être le premier à se tailler la part du lion sur un nouveau secteur. Ce qui, pour l’État, est l’équivalent d’être dans un État en cours d’industrialisation, comme c’était le cas en France durant les Trente Glorieuses ou dans les pays asiatiques durant les quarante dernières années.Mais après, le chiffre d’affaires devient secondaire pour une entreprise (et donc le PIB devrait l’être pour un État déjà industrialisé ou qui n’est pas en train de s’industrialiser).

Quand augmenter le PIB d’un pays consiste à attirer plus de tourisme ou à augmenter le nombre de personnes qui travaillent dans des emplois domestiques comme les chauffeurs Uber ou les livreurs Delivery, ou le nombre d’importations de biens en provenance de Chine, en quoi est-ce que cela augmente sa capacité à financer l’armée, la sécu ? En quoi cela augmente sa capacité à faire respecter ses frontières à ses voisins ou ses intérêts dans les négociations internationales ?La Russie a le PIB de l’Espagne, mais qui serait assez fou pour croire que l’Espagne a ne serait ce que le dixième de l’influence de la Russie ? Qui serait assez fou pour prétendre que l’Espagne serait capable de tenir tête militairement à la Russie si elle devait l’affronter seule (c’est-à-dire sans l’aide de ses alliés) ?

Conclusion

Et on pourrait faire de même avec toutes les questions auxquelles on prétend répondre avec le PIB, comme la capacité à résoudre le chômage ou à s’endetter.

Le PIB est une donnée utile à condition qu’on la remette à sa place. Les chiffres sont comme les images et les mots. Ce sont des outils qui font ce qu’on leur demande. Entre les mains de propagandistes, ils sont des outils de désinformation massive et avouée, volontairement ce que l’on veut leur faire dire. Mais entre les mains de personnes recherchant sincèrement la vérité, ils sont les plus contraignants des alliés, nous obligeant à faire face aux vérités que l’on aurait préféré ignorer. À nous de bien les interroger.

Source

Voici des sources pour ceux qui voudraient aller plus loin ou vérifier que je n’ai pas dit trop de conneries :

The 2023 Annual Homelessness Assessment Report to Congress

takeaways-trends-2023-homeless-assessment-report

homelessness-facts

Results from the NAEP 2024 Mathematics and Reading Assessments at Grades 4 and 8 are here!

What the data says about food stamps in the U.S.

ESTIMATION DE L’IMPACT DES CATASTROPHES

impact des catastrophes naturelles sur l’activité économique

Catastrophes naturelles et dynamiques économiques : application aux cyclones tropicaux

eloi-laurent-sortir-de-la-croissance-c-est-revenir-la-realite

De la mesure de la richesse économique.

Services : la productivité en question

environnement-les-travaux-de-nordhaus-prix-nobel-d-economie-sous-le-feu-des-critiques

la-crise-du-logement-en-europe-saggrave-en-espagne-cest-un-probleme-a-multiples-facettes

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