Réflexion sur l’économie : L’économie durable est un mauvais objectif

Resume
Critique de mauvaise foi du concept d’économie durable au profit du concept d’économie du soin, qui est à mon sens à la fois moins connu et plus prometteur.
Introduction
En général à gauche on ne se pose que la question de qui dirige la production et comment elle est repartie. Et même si je pense que ce sont effectivement des questions fondamentales et que j’aime l’idée de passer d’une économie dirigée par une minorité de possédants à une économie gérée démocratiquement, je pense qu’il y a une question tout aussi importante et que l’on se pose trop rarement malgré la crise écologiste : qu’est-ce qu’on produit et pourquoi ?
C’est-à-dire de changer le but même de l’économie.
Je ne veux pas d’une économie durable
Bien sûr, ce n’est pas une question totalement ignorée par la gauche et en général on y répond en disant : une économie durable. Or pour moi, une économie durable est une connerie.
Déjà, car c’est impossible.
Le second principe de la thermodynamique indique que tout a une fin dans l’univers. Perso, je suis convaincu que quoiqu’on fasse, nos sociétés, notre espèce et toutes nos réalisations disparaîtront dans le néant et qu’un jour il sera impossible de savoir si les humains ont existé. La seule chose que l’on peut faire, c’est éventuellement repousser l’échéance temporairement, mais on ne peut pas échapper à la mort.
De plus les humains sont des animaux sociaux et culturels. Ils consomment ce que leur culture leur dit qu’il est nécessaire qu’ils consomment.Essayer de les convaincre de renoncer à telle consommation en disant qu’elle n’est pas nécessaire ou inutile, c’est voué à l’échec, en plus d’être moralement discutable et une façon de rendre vertueuse une domination.Ce qu’il faut, c’est changer la culture. Passer d’une culture où on valorise le fait de posséder et de produire le plus possible à une société qui valorise le don, les capacités d’empathie. On pourrait dire que c’est le cas, mais en fait, dans notre société, celui qui donne, c’est surtout le gentil con.C’est pas bien vu de donner ou de se vanter d’avoir donné, mais par contre, c’est bien vu d’exhiber ses biens (dans les classes populaires et moyennes, la voiture ; dans les classes supérieures, ça peut être l’inverse).
Le second, c’est : est-ce que l’immortalité, ou plutôt la longévité, est vraiment le but que l’on doit rechercher ?Au niveau individuel, je réponds non. Même si je prends soin de ma santé, je considère que le plus important, ce n’est pas de rallonger sa vie de quelques décennies, mais d’avoir une vie agréable. Pour moi, prendre des risques si ça nous fait kiffer ou si on estime que le jeu en vaut la chandelle, ça doit être encouragé.
Moi, je préfère une société vivante (et donc mortelle) à une société figée qui ne prend pas de risques, qui renonce à être heureuse. Je ne veux pas sacrifier le présent pour un futur hypothétique. Ou en tout cas, je ne veux pas tout sacrifier ou que le but soit uniquement le futur. Soit c’est le présent, soit c’est un équilibre entre les deux. C’est valable au niveau individuel et collectif.
La vraie alternative au productivisme : l’économie du soin
Vous l’aurez compris en lisant mes précédentes objections, pour moi, l’objectif de l’économie devrait être non pas d’être durable, mais de prendre soin les uns des autres. C’est de développer l’altruisme. C’est de s’offrir mutuellement confort, reconnaissance, et moments ensemble. Et après, on verra quel effet cela aura sur les oiseaux et combien de temps on peut maintenir cette société.Cette société aura une fin, elle ne sera pas durable. Pour moi, il ne faut pas renoncer à ce bonheur pour une éternité illusoire, mais faire en sorte que les gens acceptent la finitude des choses.
Après, cette économie ne reposant pas fondamentalement sur la production de biens en plus grand nombre, et donc sur l’extraction en plus grand nombre — et même au contraire, la combattant naturellement —, je pense qu’elle sera bien plus durable que l’ancienne.Mais en tout cas, il faut se demander ce que l’on veut, et ensuite seulement se demander l’effet sur les oiseaux et comment on fait pour que ce soit le plus durable possible.
Inconvénient à cet objectif.
Le problème c’est que cette société ne sera pas militairement puissante.Les objets que l’on développe dans nos économies productiviste et consumériste sont souvent duals (à la fois civils et militaires comme les drones), ou facilement transformables pour produire des armes (usines de voitures, de médicaments ou d’avions pouvant produire des armes).
Dans l’économie du soin, le nombre d’emplois produisant des objets durables ou reconvertibles facilement en emplois utiles à la défense risque d’être plus limité. Et aussi, moins de gens risquent d’être contraints de devenir soldats, ce qui va créer un problème de recrutement.L’idéologie de la non-violence armée que j’ai présentée dans mon article sur la guerre en Ukraine pourrait résoudre le problème, mais comme précisé à l’époque même, si je trouve qu’on devrait davantage s’inspirer des propositions de cette idéologie, je ne crois pas que ce soit une solution réaliste.Le problème de l’économie du soin, c’est que pour moi elle est incapable de résister à un État impérialiste ou fasciste qui serait à ses portes ou à de petits groupes qui voudraient prendre le pouvoir par la force. Après, je pense que ce n’est pas un problème insurmontable. C’est juste que le chemin pour un tel changement est étroit, difficile, et qu’il est illusoire de penser qu’on pourra effectuer ce changement tout seul dans notre coin ou d’aboutir à un système parfait. Il faudra soit avancer avec le reste du monde quitte à ce que ce soit plus lent, soit faire des compromis douloureux avec notre idéal. Ce qui est le lot de toute personne qui a cherché à passer du monde merveilleux des idées à la pratique (avec plus ou moins de succès).